Sujet d’étude : l’Inde à partir de 1947

Document 1

L’idéologie économique de Nehru est d’inspiration socialiste. En 1955, le Congrès vote sous son impulsion une résolution proclamant que « l’objectif des réformes est l’établissement d’une société de type socialiste ». Dans cet esprit, Nehru a institué dès 1950 une puissante commission au plan chargée de piloter le développement économique par des plans quinquennaux centralisés. Il met aussi un système d’encadrement très lourd du secteur privé […]. Dernier pilier de ce que l’on appelle aujourd’hui, non sans mépris, le « Nehruvian system »¹ : le protectionnisme. L’édification de barrières tarifaires et l’introduction de quotas d’importation devaient permettre de substituer des produits indiens (de l’acier au textile en passant par l’automobile) aux produits importés. […]

Et pourtant, la politique économique de Nehru n’était pas sans vertus. Elle a permis à l’Inde de se doter des bases industrielles qui font d’elle, aujourd’hui, un acteur majeur dans plusieurs secteurs de pointe comme l’espace ou l’informatique. Elle aussi donné naissance à une importante classe moyenne de salariés (surtout employés par la fonction publique) qui a été un vecteur de stabilisation politique. […]

Le caractère limité de la « réforme socialiste » est particulièrement évident dans le monde rural. […] L’effet de redistribution des terres aux paysans, qui ne pouvaient posséder, pour la majorité d’entre eux, qu’une maigre parcelle, fut marginal. En 1962, les exploitants de moins de 5 acres² représentaient encore 61,7 % du total des exploitations (et 19, 2% de la surface cultivée).

Christophe Jaffrelot, « Nehru : portrait d’un homme d’Etat »,
L’Histoire, n°278, juillet-août 2003, p. 78-83.

¹Nehruvian system : système nehruvien, c’est-à-dire de Nehru.
²Acre : unité de mesure de superficie anglo-saxonne. 1acre = 4 046,86 m²

Document 2

Cité textile née au XVI^ème siècle sur la production de soie, Bangalore¹ est ainsi devenue la capitale de la science et de la technologie. La ville compte aujourd’hui une trentaine d’autres centres de recherche. Un symbole à l’heure où l’Etat indien parie sur le progrès des sciences pour sortir le pays de la pauvreté, notamment sur les technologies de l’information, de la biotechnologie, de l’espace et de l’énergie atomique. Car elles seules, pour le moment, garantissent à l’Inde une reconnaissance internationale : en 2000, le pays exportait pour 4 milliards de dollars de logiciels, dont plus de 70 % vers les Etats-Unis. Rien là de fortuit : le pays possède quelques-uns des meilleurs informaticiens de la planète.

Claude Markovits, « Tata : une dynastie, une marque, un empire »,
L’Histoire, n° 278, juillet-août 2003, p. 88-91.

¹Bangalore : ville de plus de 5,7 millions d’habitants, située dans le sud de l’Inde.

Questions

1. Dégagez les caractéristiques de la politique économique menée par Nehru (document 1).

2. Relevez dans le document 2 un élément montrant l’intégration de l’Inde dans la mondialisation.

3. Expliquez la phrase soulignée dans le document 1 à l’aide du document 2.

4. Quelles sont les limites des politiques de développement menées en Inde (documents 1 et 2).

5. Montrez en quoi ces deux documents illustrent l’évolution des choix de l’Inde en matière de politique de développement depuis les années 1950 (documents 1 et 2).

Réponses aux questions

1. Les caractéristiques de la politique économique menée par Nehru sont les suivantes :

Une politique d’inspiration socialiste qui, sans être collectiviste, reprend quelques-unes des caractéristiques des économies marxistes comme la planification, avec l’instauration de plans quinquennaux;

L’encadrement du secteur privé pour éviter les dérives du libéralisme ;

Le protectionnisme avec la mise en place de tarifs douaniers élevés pour protéger les productions locales des importations de produits manufacturés.

2. Grâce à la ville de Bangalore qui est la capitale indienne de la science et des technologies, l’Inde exporte pour 4 milliards de dollars de logiciels (en 2000), dont 70 % vers les Etats-Unis, ce qui montre bien l’intégration de cette activité dans la mondialisation.

3. La phrase soulignée est la suivante : « Elle a permis à l’Inde de se doter des bases industrielles qui font d’elle, aujourd’hui, un acteur majeur dans plusieurs secteurs de pointe [… ]». S’agissant de la politique menée par Nehru, cette phrase veut dire qu’elle a eu des vertus, et en particulier qu’elle a permis au pays de mettre en place ses propres structures de recherche scientifique et d’industrie dans les domaines de l’informatique ou de l’aéronautique.

4. Les politiques de développement menées en Inde n’ont pas que vertus. Elles ont aussi leurs limites. Le monde rural a été peu touché par les réformes :

- La redistribution des terres est restée limitée malgré la révolution verte qui a permis une augmentation spectaculaire de la production agricole,

- La lourdeur de l’encadrement du secteur privé a sans aucun doute constitué un frein aux initiatives individuelles,

- L’apparition d’une bureaucratie pléthorique a sans doute contribué à la naissance d’une classe moyenne, mais a aussi été la cause de lourdeurs administratives qui freinent les initiatives privées.

5. Depuis son indépendance en 1947, l’Inde a fait le choix d’un développement de type socialiste. L’économie est largement contrôlée par l’Etat. Le problème essentiel reste l’impératif alimentaire : nourrir une population en phase d’explosion démographique. En 1968, l’Inde se lance dans la révolution verte.

Dans le contexte de l’accélération de la mondialisation et de l’effondrement de l’URSS, l’Inde s’oriente vers un nouveau modèle de développement qui tourne le dos à celui de l’économie socialiste. Des réformes libérales brisent les anciens carcans qui entravaient les initiatives privées. Elles ouvrent le pays aux investissements de capitaux étrangers et favorisent l’émergence d’une génération d’entrepreneurs.

L’Inde se lance aussi à la conquête de marchés extérieurs dans les secteurs où elle dispose d’un savoir-faire. Elle mise à fond sur son capital humain, ses bonnes performances en matière d’éducation, ainsi que sur l’usage de la langue anglaise, pour se spécialiser dans le créneau des services et des technologies informatiques délocalisés.