Annales gratuites Bac Général ES spé SES : Conflits et classe ouvrière

THEME DU PROGRAMME :
Conflits de classe et changement social

La grande industrie agglomère dans un endroit une foule de gens inconnus les uns aux autres. La concurrence les divise d'intérêts*. Mais le maintien du salaire, cet intérêt commun qu'ils ont contre leur maître, les réunit dans une même pensée de résistance-coalition.
Ainsi la coalition a toujours un double but, celui de faire cesser entre eux la concurrence, pour pouvoir faire une concurrence générale au capitaliste.
Si le premier but de résistance n'a été que le maintien des salaires, à mesure que les capitalistes à leur tour se réunissent dans une pensée de répression, les coalitions, d'abord isolées, se forment en groupes, et en face du capital toujours réuni, le maintien de l'association devient plus nécessaire pour eux que celui du salaire. [...]
Les conditions économiques avaient d'abord transformé la masse du pays en travailleurs. La domination du capital a créé à cette masse une situation commune, des intérêts communs.
Ainsi cette masse est déjà une classe vis-à-vis du capital, mais pas encore pour elle-même. Dans la lutte [...], cette masse se réunit, elle se constitue en classe pour elle-même. Les intérêts qu'elle défend deviennent des intérêts de classe.

Source : Karl Marx, Misère de la philosophie, UGE, Collection 10/18, [Première édition 1847].

*La concurrence les oppose les uns aux autres.

Cette longue période durant laquelle l'existence de la classe ouvrière a paru comme une évidence semble aujourd'hui révolue. La "classe ouvrière" en tant que telle a éclaté sous l'impact de différentes forces centrifuges : désindustrialisation de l'Hexagone, perte de ses bastions traditionnels [...], informatisation de la production [...], perte de l'espoir collectif et diminution corrélative du sentiment d'appartenance à la classe [...]
L'influence croissante du modèle méritocratique est moins une preuve de leur [les ouvriers] embourgeoisement que l'expression de leur refus de reprendre à leur compte une identité sociale purement ouvrière, construite depuis longtemps mais dévalorisée, pour imposer une image plus positive de soi.

Source : Stéphane Beaud et Michel Pialoux, Retour sur la condition ouvrière, Fayard, 1999.

1. A l'aide de vos connaissances et du document 1, vous expliquerez le rôle que la classe ouvrière est appelée à tenir dans le changement social des sociétés capitalistes, selon Karl Marx. (9 points)

2. Expliquez le passage souligné dans le document 1. (5 points)

3. Développez deux arguments permettant d'expliquer la diminution du sentiment d'appartenance à la classe ouvrière. (Document 2) (6 points)
 

Question 1

Marx rappelle ici un des fondements de sa théorie des classes.
Pour lui, les classes sociales dans la société capitaliste sont nécessairement antagonistes.
D'une part, la bourgeoisie se définit comme propriétaire des moyens de production, d'autre part le prolétariat se caractérise comme n'ayant que sa force de travail à vendre.
En s'unissant, les travailleurs se donnent les moyens de maintenir le niveau des salaires, d'abord en évitant de se faire concurrence, mais aussi en étant unis et plus forts pour résister à l'exploitation capitaliste.
Les intérêts des prolétaires deviennent ainsi des intérêts de classe. D'une classe "En soi", la classe ouvrière devient une classe "Pour soi".
Le rôle de cette classe est historique : en menant la lutte contre la bourgeoisie, elle précipitera la fin du capitalisme.

La masse des travailleurs constitue une classe vis à vis du capital dans la mesure où ils sont réunis pour mettre en valeur ce capital.
C'est par l'exploitation du prolétariat que se crée la valeur. En ne percevant qu'une partie de la valeur crée sous forme de salaire, les travailleurs permettent la réalisation de la plus-value.
C'est ce que veut dire Marx lorsqu'il écrit que "le capital est un rapport social".
Progressivement, une conscience de classe va naître au sein de la classe ouvrière, qui va alors prendre mieux la mesure de ses intérêts et devenir une classe pour elle-même.

Les sondages font état d'une baisse sensible de la conscience de classe dans la population et plus particulièrement au sein de la classe ouvrière.
Plusieurs éléments peuvent l'expliquer :
·   Le déclin de la catégorie "Ouvriers" dans la population active diminue les possibilités de se reconnaître dans un vaste mouvement.
·   L'hétérogénéité de cette catégorie affaiblit le sentiment d'être identique aux autres (jeunes non qualifiés, ouvriers de métier, ouvriers dans l'artisanat ou la grande industrie...)
·   L'élévation du niveau de vie des ouvriers depuis 50 ans dissout le sentiment de l'exploitation et d'intérêts communs à défendre.
·   L'image du monde ouvrier s'est dépréciée. Ceci a provoqué une mise à distance de ce qui pouvait en rapprocher les individus.