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Annales gratuites Bac Général ES spé SES : Fécondité et développement dans les pays en développement

Le sujet  1997 - Bac Général ES spé SES - Sciences Economiques et Sociales - Dissertation Imprimer le sujet
LE SUJET

Quelles relations peut-on établir entre fécondité et développement dans les pays en développement ?

Vous intégrerez dans votre argumentation l'apport de MALTHUS.


DOCUMENTS.

Document 1 : Indicateurs socio-économiques pour quelques pays en développement

Pays

Indice synthétique de fécondité (1) 1970

Indice synthétique de fécondité (1) 1992

PNB par habitant : taux annuel moyen de variation de 1970 à 1992

I.D.H.(2)

1992

Mexique

Côte d'Ivoire

Maroc

Corée du Sud

Inde

Egypte

6,5

7,4

7,0

4,3

5,8

5,9

3,2

6,6

3,8

1,8

3,7

3,8

- 0,2 %

- 4,7 %

1,4 %

8,5 %

3,1 %

1,8 %

0,804

0,370

0,549

0,859

0,382

0,551

(1) L'indice synthétique de fécondité ou indicateur conjoncturel de fécondité correspond au nombre d'enfants qu'une femme mettrait au monde si prévalaient, au cours de sa vie féconde, le taux de fécondité par âge observés pendant la période considérée.

(2) I.D.H. = Indicateur de développement humain.

 

Document 2 : Les conditions de réussite des politiques anti-natalistes

Dans la mesure où le ralentissement de la croissance démographique est un ajustement "spontané" à de nouvelles conditions économiques et sociales qui font naître de nouvelles mentalités, les politiques de planning familial - du moins lorsqu'elles ne sont pas autoritaires et coercitives comme en Chine, par exemple - resteront inopérantes tant que ne se produira pas cette modification structurelle de l'économie et de la société , consécutive à la croissance économique. D'où l'échec de ces politiques dans tous les pays d'Afrique où la crise économique et politique a aggravé la situation des campagnes et relâché encore un encadrement sanitaire et social très rudimentaire.

(...) Une politique de planning familial n'est efficace que lorsqu'elle accompagne de profondes transformations structurelles et économiques, en donnant aux familles l'information et les moyens de satisfaire leur désir - déjà existant - de maîtriser la procréation.

Source : S. BRUNEL, Une tragédie banalisée, Hachette, collection pluriel, 1991.

 

Document 3 : Niveau scolaire des femmes et fécondité (indice synthétique de fécondité* en 1992).


* L'indice synthétique de fécondité ou indicateur conjoncturel de fécondité correspond au nombre d'enfants qu'une femme mettrait au monde si prévalait, au cours de sa vie féconde, les taux de fécondité par âge observés pendant la période considérée.


Document 4 : Les effets négatifs d'une fécondité élevée dans les pays en développement

Une fécondité élevée représente un frein au développement puisque les créations d'emplois sont insuffisantes pour absorber le surcroît d'actifs qui en résulte. Le chômage élevé fait pression sur les salaires et concourt à la pauvreté. A la campagne, le nombre de paysans sans terres augmente, ce qui favorise un exode rural incontrôlé et alimente le chômage urbain. Les investissements sanitaires, éducatifs et sociaux absorbent les maigres ressources des Etats qui ne peuvent aider au financement des investissements productifs.
L'UNICEF* rend compte de cette situation par ce qu'elle appelle la spirale P.P.E. : Pauvreté, Population, Environnement.

Source : M. ROUSSELET, Les tiers mondes, Marabout-Le Monde,1994.

* United Nation International Children Emergency Fund = Fonds des Nations Unis pour l'Enfance.

 

Document 5 : Le principe de population chez MALTHUS

Quelles sont les causes qui ont arrêté jusqu'ici les progrès des hommes, ou l'accroissement de leur bonheur ? (...)
L'objet de cet Essai est principalement d'examiner les effets d'une grande cause (...)
La cause que j'ai en vue est la tendance constante qui se manifeste dans tous les êtres vivants à accroître leur espèce, plus que ne le comporte la quantité de nourriture qui est à leur portée. (...)
La conséquence inévitable de ces deux lois d'accroissement* comparées est assez frappante. Portons à onze millions la population de la Grande Bretagne, et accordons que le produit actuel de son sol suffit pour maintenir une telle population. Au bout de 25 ans, la population serrait de 22 millions ; et la nourriture étant ainsi doublée suffirait encore à son entretien.
Après une seconde période de 25 ans, la population serait portée à 44 millions, et les moyens de subsistance n'en pourrait soutenir que 33. Dans la période suivante, la population, arrivée à 88 millions, ne trouverait des moyens de subsistance que pour la moitié de ce nombre.

Source : T.R. MALTHUS. Essai sur le principe de population, (1798) livre 1, chapitre 1.

* de la population et de la nourriture


Document 6 : La contestation de la thèse de MALTHUS

Depuis Malthus toute augmentation rapide de la population est perçue comme un danger. Mais l'histoire, nous l'avons vu, a vite démenti les sombres pronostiques de Malthus. Sa théorie a cessé d'être vraie à l'époque même où elle a été conçue. Prenant naissance en plein coeur de la Révolution industrielle anglaise, elle ne peut, en réalité s'appliquer qu'à des sociétés agraires traditionnelles. A sa base, en effet, on trouve une triple erreur sur la marche de l'histoire : le méconnaissance des effets du progrès technique dans le domaine agricole et surtout dans le domaine non-agricole ; l'idée de la croissance indéfinie de la population ; l'inexactitude du diagnostic sur les mécanismes de la croissance démographique moderne.

(...) L'origine de l'accélération démographique est dans la victoire sur la mort ; dénoncer la poussée démographique, c'est aussi, sans le savoir, s'insurger contre cette victoire. (...) La victoire sur les fléaux du passé bouscule les croyances et les traditions ; la marée démographique, à son tour, renverse des institutions conçues pour un univers stationnaire. Comment nier qu'il y ait là un des ferments même de l'innovation, qui prépare le terrain à la modernisation économique ?

Source : J.C. CHESNAIS, La revanche du Tiers-Monde, R. Laffont, 1987.

LE CORRIGÉ

I - ANALYSE DU SUJET

Le sujet proposé s'inscrit dans la partie du programme intitulée "les hommes : population et travail".

Les liens entre fécondité et développement dans les PED sont une question de cours assez classique. On suggère aux candidats de discuter la thèse selon laquelle la maîtrise de la fécondité permettrait une sortie du sous-développement.


II - DISSERTATION

Introduction

En 1974, la conférence de Bucarest se terminait sur une validation des thèses tiers-mondistes pour lesquelles "la meilleure pilule c'est le développement".

On justifiait ainsi que la croissance de la population se réduirait à la faveur du développement économique et social.

En 1994 la conférence du Caire se termine sur l'inversion de la problématique : la maîtrise de la fécondité apparaît comme un préalable incontournable au progrès économique et social.

On se propose de montrer que si les liens entre fécondité et développement sont encore discutés, la liaison inverse semble vérifiée : le progrès économique et social débouche sur une diminution de la fécondité.

A - Si les liens entre fécondité et développement sont encore discutés…

1. La fécondité élevée : un frein au développement.

- La loi de population de MALTHUS insistait déjà sur les aspects néfastes de la surpopulation sur le bien-être de la société (document 5).

En effet, une fécondité élevée bloque le développement économique en engendrant de nombreux dysfonctionnements : dilution du revenu par tête et donc de l'épargne nécessaire au financement du développement, utilisation des ressources disponibles pour financer des investissements non directement productifs (doc.4).

- D'autre part, une fécondité élevée aggrave les problèmes sociaux. Ainsi, le chômage augmente car l'économie ne peut absorber le surcroît d'actifs. Ce problème conjugué à l'exode rural favorise l'urbanisation anarchique et le développement de l'insécurité.


2. La fécondité : une chance pour le développement.

Selon JC. CHESNAIS (doc.6), les conséquences néfastes de la fécondité sur le développement ne sont pas une fatalité si le progrès technique joue un rôle compensateur.

- Une diminution du coût de la main d'oeuvre qui en résulte peut déboucher sur un avantage comparatif dont l'exploitation peut constituer un tremplin (Corée du Sud).

- Un rajeunissement de la population est un gage de dynamisme et d'innovation.

- Une pression démographique stimule l'innovation (thèse de la pression créatrice de BOSERUP).

- Un potentiel de demande important peut fournir des débouchés à terme.

On note par ailleurs que dans sa loi de population MALTHUS s'inquiète de l'évolution divergente de la population et des moyens de subsistance. Cette théorie est critiquée par MARX qui oppose à la théorie de la surpopulation de MALTHUS celle de la surpopulation relative. Pour MARX, le problème essentiel est l'insuffisance de l'emploi et non une population nombreuse (cf : 1. A)).

E. BOSERUP considère que la croissance démographique peut constituer un stimulant pour l'activité économique. En effet, elle peut exercer une pression créatrice qui pousse à l'innovation.

JC. CHESNAIS n'est pas trop éloigné de cette idée lorsqu'il pense que la croissance démographique combinée au progrès technique peut favoriser le développement. En cela, il contredit radicalement MALTHUS (cf : 1. B)).

B - Il apparaît que le développement contribue à une maîtrise de la fécondité.


1. Les améliorations économiques et leurs conséquences.

- Le développement économique se traduit par un dynamisme de l'activité économique et une augmentation des revenus propres à favoriser un ralentissement de la fécondité.
En effet suite à cette augmentation, l'Etat peut financer la mise en oeuvre d'une politique familiale (éducation des femmes, moyens de contraception...).

- Outre l'augmentation des revenus, le développement induit des mutations structurelles (amélioration de la productivité du travail, augmentation de l'épargne individuelle...) qui ôtent tout intérêt aux facteurs qui favorisent traditionnellement la hausse de la fécondité dans le Tiers-Monde.

Ainsi ce sont les pays qui ont amorcé un décollage économique et qui affichent un I.D.H. satisfaisant (Corée du Sud, Mexique) qui connaissent le plus fort ralentissement de leur indice synthétique de fécondité entre 1970 et 1992 (doc.1).


2. Des transformations sociales salutaires.

Les transformations structurelles induites par le développement se traduisent par une amélioration des infrastructures sanitaires et scolaires.

Les progrès médicaux dus aux campagnes de vaccinations, aux progrès de l'hygiène ont favorisé la réduction de la mortalité infantile dont le niveau élevé contribuait au maintien d'une fécondité forte.

L'élévation du niveau de formation de la population et notamment des femmes entraîne une transformation des mentalités favorable à une réduction de la fécondité.

Ainsi, le niveau de fécondité dans les PED est significativement corrélé au niveau scolaire des femmes (doc.3).

On note, par ailleurs, que les économistes tiers-mondistes ont souligné depuis les années 60 que la maîtrise de l'accroissement démographique passe d'abord par le progrès économique et social (cf : Samir AMIN par exemple).


Conclusion


Des progrès significatifs ont été réalisés dans la maîtrise de la démographie des PED.
La Chine ou la Corée du Sud en sont de bons exemples. Cependant, l'analyse montre que les liens entre démographie et développement sont complexes.

Des données récentes illustrent en tout cas à quel point les progrès sanitaires (lutte contre la mortalité infantile, hygiène, etc...) et sociaux (alphabétisation, éducation des filles) donnent des résultats probants.

L'examen des difficultés multiples des PED laisse à penser que la maîtrise démographique est sans doute une condition nécessaire du développement mais non suffisante.

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