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Annales gratuites Bac Général ES spé SES : L'intégration et solidarité

Le sujet  2004 - Bac Général ES spé SES - Sciences Economiques et Sociales - Questions Imprimer le sujet
LE SUJET

Document 1

II en est tout autrement de la solidarité que produit la division du travail. Tandis que la précédente implique que les individus se ressemblent, celle-ci suppose qu'ils diffèrent les uns des autres. La première n'est possible que dans la mesure où la personnalité individuelle est absorbée dans la personnalité collective ; la seconde n'est possible que si chacun a une sphère d'action qui lui est propre, par conséquent une personnalité. Il faut donc que la conscience collective laisse découverte une partie de la conscience individuelle, pour que s'y établissent ces fonctions spéciales qu'elle ne peut pas réglementer ; et plus cette région est étendue, plus est forte la cohésion qui résulte de cette solidarité. En effet, d'une part, chacun dépend d'autant plus étroitement de la société que le travail est plus divisé, et, d'autre part, l'activité de chacun est d'autant plus personnelle qu'elle est plus spécialisée. Sans doute, si circonscrite qu'elle soit, elle n'est jamais complètement originale ; même dans l'exercice de notre profession, nous nous conformons à des usages, à des pratiques qui nous sont communes avec toute notre corporation.

Source : Emile Durkheim, De la division du travail social,
1ère édition 1893, PUF, 1991.

Document 2

La tendance à l'autonomie dans le travail et à l'individualisation de la performance conduit, presque inévitablement, les salariés, quel que soit leur niveau de qualification et de responsabilités, à chercher à se distinguer au sein même de leur groupe de travail, ce qui accroît les facteurs potentiels de rivalités et de tensions entre eux au-delà de leur appartenance à une catégorie déterminée dans l'échelle hiérarchique de l'entreprise. Par ailleurs, si la plupart des entreprises tentent de renforcer leur flexibilité, il existe toutefois de fortes variations d'une entreprise à l'autre, si bien que le risque de perdre son emploi et de vivre dans cette crainte est devenu un facteur propre d'inégalité entre les salariés.

Source : Serge Paugam, "Les nouvelles inégalités entre les salariés",
Les Cahiers Français, n° 314, mai-juin 2003.

Questions

1) A l'aide de vos connaissances et du document 1, vous caractériserez les deux formes de solidarité mises en évidence par Durkheim. (9 points)
2) Expliquez la phrase soulignée dans le document 1. (5 points)
3) Le document 2 confirme-t-il l'analyse de Durkheim ? (6 points)

LE CORRIGÉ

Eléments de correction

Question 1

Emile Durkheim, le père fondateur de la sociologie française, distingue deux types de solidarité : la solidarité mécanique et la solidarité organique.
La solidarité mécanique prévalait selon Durkheim dans les sociétés traditionnelles (antérieures à la révolution industrielle). Dans ces sociétés, il n'y a pas une vraie division du travail, les individus occupent donc des fonctions proches, ils se ressemblent, ont les mêmes croyances, la même histoire. La solidarité est "mécanique", elle est basée sur une conscience collective forte et des individus semblables.
Dans les sociétés modernes, caractérisées par une forte densité démographique et un développement industriel rapide, la division du travail sophistiquée donne une place et un rôle différenciés aux individus dont la personnalité peut ainsi s'épanouir. Selon Durkheim, la division du travail social donne naissance à une solidarité organique, basée sur la complémentarité des individus différents. Celle-ci permet à chacun de s'épanouir tout en favorisant le lien social, et ce qu'il nommait l'intégration.

Question 2

La division du travail, très forte dans les sociétés modernes, génère une très importante interdépendance entre les individus. Chacun joue un rôle spécifique et utile qui le rend nécessaire à l'autre. En même temps, chaque personne a un besoin croissant des autres. Cela vaut tant dans la vie professionnelle que dans la cité.
Le rôle croissant de chacun favorise donc à la fois l'épanouissement individuel et la solidarité interpersonnelle. Ainsi naît selon Durkheim une solidarité organique plus efficace que la solidarité mécanique passée.

Question 3

Les transformations de l'emploi évoquées par Serge Paugam (individualisation croissante de la situation des salariés, concurrence accrue entre eux, flexibilisation des emplois, crainte du chômage et montée des inégalités) atteignent-elles l'efficacité de la solidarité organique décrite par Durkheim ?
- Première hypothèse : la division du travail se transforme tout en conservant sa capacité a générer l'interdépendance et la solidarité. La crise actuelle manifestée par les phénomènes d'exclusion sociale et de "nouvelle pauvreté" ne serait alors que passagère, le temps de trouver un nouvel équilibre.
- Deuxième hypothèse : Les mécanismes mis en évidence par Durkheim auraient fait leur temps. Les difficultés actuelles, ce que certains ont appelé "la fracture sociale" révèleraient alors la nécessité de trouver de nouveaux mécanismes. Nous pourrions ainsi vivre les préludes d'une crise et d'un changement social profond.
- Troisième hypothèse : la division du travail serait devenue "anomique", comme Durkheim l'avait indiqué. La division du travail ne produit de la solidarité qu'à la condition d'être à la fois efficace et légitime. Au contraire, si les règles du jeu social sont trop inégales et/ou trop peu lisibles, la division du travail devient pathologique.
Le propos de Serge Paugam semble écarter notre première hypothèse pour privilégier un scénario de crise (crise profonde majeure et durable, ou phase anomique dont le durée peut être plus ou moins longue). Reste à en connaître l'ampleur, la durée et l'issue.

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