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Annales gratuites Bac Général ES spé SES : Travail et cohésion sociale

Le sujet  1997 - Bac Général ES spé SES - Sciences Economiques et Sociales - Dissertation Imprimer le sujet
LE SUJET

Le travail assure-t-il toujours la cohésion sociale ?

Vous intégrerez dans votre argumentation l'apport de Durkheim.


DOCUMENTS.

Document 1 : Pauvreté économique et vulnérabilité sociale selon la situation par rapport à l'emploi

 

Ensemble des actifs

Population économiquement pauvre (1)

Population socialement vulnérable (2)

En %

Effectifs estimés
(en millions)

En %

Effectifs estimés
(en millions)

En %

Effectifs estimés
(en millions)

Emploi stable

51,9

13,0

5,6

0,7

25,8

3,4

Emploi stables menacés

28,4

7,1

12,4

0,9

36,4

2,6

Emploi instable

7,8

1,9

19,4

0,4

38,5

0,7

Chômage de moins de 2 ans

6,7

1,7

26,6

0,4

38,5

0,7

Chômage de plus de 2 ans

5,2

1,3

40,2

0,5

49,3

0,6

Ensemble

100,0

25,0

11,8

2,9

32,0

8,0

 

(1) Personnes actives vivant dans un ménage dont le revenu par unité de consommation* est inférieur à 2 700 F par mois.
(2) Personnes actives dont la sociabilité familiale, les possibilités d’être aidées par leur entourage et les liens avec le monde associatif sont dans l’ensemble faibles.
* Unité de consommation : une unité de consommation (UC) est la dépense nécessaire à un adulte vivant seul. Un deuxième adulte entraîne une dépense de 0,7 UC ; un enfant de moins de quinze ans 0,5 UC.

Source Documents de CERC, n° 109, 3ème trimestre, 1993
Enquête INSEE, " Situations défavorisées " 1986-1987


Document 2 :

        Les trois éléments constitutifs d’une intégration par le travail - l’entreprise, le syndicat, la condition salariale - semblent, au moins dans le discours, singulièrement remis en cause. Toute la question est de savoir dans quelle mesure ce " modèle " est véritablement ébranlé, s’il constitue une norme ou une exception historiquement déterminé, et s’il peut (et doit) être sauvegardé coûte que coûte. Trois éléments font, aujourd’hui, obstacle à la capacité pour le travail de continuer à être le centre du lien social.

         En premier lieu, le rationnement de l’accès au travail. Comment le travail pourrait-il continuer à être considéré comme le vecteur privilégié du lien social si de plus en plus de personnes en sont privées ? En deuxième lieu, la qualité du lien salarial, le travail étant de plus en plus considéré comme un simple facteur de production et le lien comme trop épais, trop chargé. Enfin et surtout, la véritable question est celle-là : ce lien est-il, et a-t-il jamais été suffisant pour fonder et maintenir la société ? Est-il vraiment la figure essentielle du lien social ?

Source : D. MEDA, Sciences Humaines, hors série n°13, mai-juin 1996


Document 3 :

        Je fais ici la conjecture que notre " Grand Intégrateur ", depuis quatre siècles environ, est le travail. Bien entendu, il y a longtemps que les hommes travaillent. Mais il y a moins longtemps que s’est crée et développée une civilisation du travail, c’est-à-dire un ordre humain où toute le société et tous ses composants commencent à s’articuler où se ré-articuler autours du travail (…). L’industrie moderne et le capitalisme pour la première fois dans l’histoire humaine, fondent le pouvoir et le richesse sur la maîtrise directe du travail, des travailleurs, de la production. A partir de ce moment et pour un temps qui est encore un peu le nôtre, le travail est bien le " Grand Intégrateur " de nos petites pensées et actions personnelles et de nos grandes pensées et actions " sociétales ".

Sources : Yves BAREL, " Le Grand Intégrateur ", Connexions, n° 56,1990.


Document 4 :

De plus en plus d'emplois précaires (en milliers)
(France)

1983

1991

1992

1993

1994

Population active
Chômeurs (1)
Actifs occupés

23 968
1 913
22 055

24 605
2 228
22 377

24 826
2 496
22 330

24 978
2 781
22 197

25 137
3 115
22 022

Intérimaires
Contrats à durée déterminée
Apprentis
Stagiaires (2)
Total emplois précaires
en % de la population active

113
263
189
71
636
2,6

215
550
189
277
1 231
5,0

211
576
181
321
1 289
5,2

171
624
180
399
1 374
5,5

210
614
185
395
1 404
5,6

Taux de chômage (en %)

8 %

9,1 %

10,1 %

11,1

12,4

(1) Au sens du Bureau international du Travail
(2) Stages de formation professionnelle et contrats d'aide à l'emploi (CES, contrats de qualification...)

 Source : INSEE, Enquêtes Emploi

Document 5 :

         On peut formuler la proposition suivante : l’idéal de la fraternité humaine ne peut se réaliser que dans la mesure où la division du travail progresse. (…)
         Mais si la division du travail produit la solidarité, ce n’est pas seulement parce qu’elle fait de chaque individu un échangiste comme disent les économistes ; c’est qu’elle crée entre les hommes tout un système de droits et devoirs qui les lient les uns aux autres d’une manière durable. (…)
         Si les économistes ont cru qu’elle engendrait une solidarité suffisante, de quelque manière qu’elle se fît, et si, par suite, ils ont soutenu que les sociétés humaines pouvaient et devaient se résoudre en des associations purement économiques, c’est qu’ils ont cru qu’elle n’affectait que des intérêts individuels et temporaires ; (…)
         Mais une telle conception est, de tous points inadéquate aux faits. La division du travail ne permet pas en présence des individus, mais des fonctions sociales.


Source : E. DURKHEIM, De la division du travail social, (1893), PUF 1978


Document 6 :

          Les sociétés industrielles avancées, ou post-industrielles, sont en train de redécouvrir l’existence de catégories de gens occupant une position que l’on pourrait qualifier de surnuméraire (1). Des gens qui sont comme en trop, au sens qu’ils ne peuvent occuper une place stable dans la structure sociale. Par exemple un chômeur de longue durée, ou un jeune qui n’arrive pas à trouver un emploi. Dès lors on ne sait pas trop qu’en faire, on ne sait pas bien non plus ce qu’ils vont pouvoir devenir. Ils ne sont pas intégrés, et ils ne sont peut être pas intégrables, au sens où quelqu’un comme Emile Durkheim par exemple parle d’intégration. L’intégration renvoie à une conception de la société comme un tout au sein de laquelle les individus et les groupes occupent des positions interdépendantes. Cela ne veut pas dire l’égalité des positions, ni la justice sociale. Néanmoins dans le modèle durkheimien les groupes, même subordonnés, ont leur place, parce que leur présence est nécessaire à l’ensemble. Par exemple un ouvrier spécialisé ou un manœuvre peuvent être exploités, ils n’en sont pas moins indispensables.

Source : R. CASTEL : " La précarité : transformations historiques et traitement social ". in De la non intégration : essais de définition théorique d’un problème social contemporain, sous la direction de M.H. Soulet, Editions universitaires de Fribourg, 1994.

(1) en surnombre
LE CORRIGÉ

I - ANALYSE DU SUJET

Le travail assure-t-il toujours la cohésion sociale ? Ce sujet, très classique dans sa formulation appartient à la partie du programme : "changements et solidarités sociales".

On attend un devoir nuancé montrant que si le travail a été longtemps un facteur essentiel du lien social, la crise oblige à se demander s'il peut encore jouer pleinement ce rôle.


II - DISSERTATION

Introduction

Depuis l'apparition du capitalisme et son développement lors de la révolution industrielle, le travail semble être devenu le "grand intégrateur" de notre société.

Depuis une vingtaine d'années, la crise dans les PDEM s'accompagne d'une remise en cause du travail comme élément essentiel de la cohésion sociale et ce d'autant plus qu' Emile DURKHEIM a montré que la division du travail n'avait pas seulement une fonction économique mais également des fonctions sociales (document 5).


A - Le déclin du travail en tant que facteur de cohésion sociale.

1. Les transformations de l'appareil productif conduisent au chômage et à la précarité...

- Le constat : de 1991 à 1994, le nombre d'actifs occupés a baissé d'environ 350 000 personnes. De 1983 à 1994, les emplois précaires ont plus que doublé et le nombre de chômeurs a cru d'un peu plus de 60% (document 4).

- La vulnérabilité : 7,8% des emplois sont instables et 28,4% des emplois stables sont menacés. Si les chômeurs de plus de deux ans représentent 5,2% des actifs, 40,2% d'entre eux sont pauvres et près de la moitié sont socialement vulnérables. Nous constatons donc que le rationnement de l'accès au travail entraîne exclusion et pauvreté.


2. ... et à la crise des autres éléments constitutifs d'une intégration par le travail.

On assiste à un affaiblissement de la cohésion sociale à cause de la baisse de la qualité du lien salarial (le travail est réduit à sa simple dimension productive) et de crise du syndicalisme (document 2)."En schématisant... la zone de désaffiliation conjugue absence de travail et isolement social" (document 5).

Ces éléments montrent donc que nous sommes dans une phase de mutations : la "civilisation" du travail est en crise (document 3). Le travail n'est plus suffisamment intégrateur, nous serions dans une société de simple "insertion" (document 6).

Dans le document 6, Robert CASTEL nous montre qu'une fraction importante de la population risque d'être considérée comme surnuméraire ( Marx avait déja analysé le concept d'armée industrielle de réserve).

Ces exclus du travail peuvent être marginalisés au point de ne plus être intégrables au sens durkheimien du terme.

B - Mais le travail reste encore un vecteur privilégié du lien social.

1. La recherche d'un emploi stable demeure un objectif essentiel.

- Le travail est la source principale du revenu qui autorisera la consommation, ces éléments permettant aux salariés d'avoir un statut économique et de s'intégrer dans la société (les emplois stables restent encore majoritaires : document 1).

- La division du travail subsiste toujours et comme l'avait déjà vu DURKHEIM, elle est un élément de solidarité.


2. Le monde du travail, lieu de socialisation, d'échange et d'intégration.

La société se construit sur une base d'intégration et de socialisation à partir du lieu de travail comme le montre le document 5 (articulation de la société autour du travail).

Les politiques de l'emploi restent fondées sur l'insertion par le travail et donc la reconstitution du lien qui tend à se déliter actuellement.

DURKHEIM, dans "de la division du travail social", insiste sur les droits et devoirs qui lient les hommes entre eux (document 5).

"L'intégration renvoie a une conception de la société comme un tout au sein de laquelle les individus et les groupes occupent des positions interdépendantes"(Castel, document 6).

Conclusion

Après la vague libérale des années 1980 qui s'est manifestée par un développement de l'individualisme, on assiste à un retour du débat sur l'intégration sociale à travers une critique des méfaits de la société à deux vitesses. Le travail apparaît essentiel pour assurer la cohésion sociale et éviter l'éclatement de notre société.

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