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Annales gratuites Bac Général ES spé SES : La démocratie chez Tocqueville

Le sujet  2007 - Bac Général ES spé SES - Sciences Economiques et Sociales - Questions Imprimer le sujet
Avis du professeur :

Le sujet porte sur l'analyse de la démocratie chez Alexis de Tocqueville. Un seul document accompagne les questions qui vous sont posées, il vous rappelle les caractéristiques de la démocratie pour l'auteur.
La question 3 vous invite à une réflexion personnelle et plus approfondie sur la pertinence de l'analyse de Tocqueville dans nos sociétés modernes.

LE SUJET


THEME DU PROGRAMME : Égalisation des conditions et démocratie

Document 1

Parmi les objets nouveaux qui, pendant mon séjour aux États-Unis, ont attiré mon attention,
aucun n'a plus vivement frappé mes regards que l'égalité des conditions. [...]
La dernière trace des rangs et des distinctions héréditaires est détruite [...]. Ce n'est pas qu'aux
États-Unis comme ailleurs il n'y ait des riches [...]. Mais la fortune y circule avec une incroyable
rapidité, et l'expérience apprend qu'il est rare de voir deux générations en recueillir les faveurs.
[...]
Les conséquences politiques d'un pareil état social sont faciles à déduire. Il est impossible de
comprendre que l'égalité ne finisse pas par pénétrer dans le monde politique comme ailleurs.
On ne saurait concevoir les hommes éternellement inégaux entre eux sur un seul point, égaux
sur les autres ; ils arriveront donc, dans un temps donné, à l'être sur tous.
Or, je ne sais que deux manières de faire régner l'égalité dans le monde politique : il faut
donner des droits à chaque citoyen, ou n'en donner à personne.
Pour les peuples qui sont parvenus au même état social que les Anglo-Américains, il est donc
très difficile d'apercevoir un terme moyen entre la souveraineté de tous et le pouvoir absolu d'un
seul.
Il ne faut point se dissimuler que l'état social que je viens de décrire ne se prête presque aussi
facilement à l'une et à l'autre de ses deux conséquences.
Il y a en effet une passion mâle et légitime pour l'égalité qui excite les hommes à vouloir être
tous forts et estimés. Cette passion tend à élever les petits au rang des grands ; mais il se
rencontre aussi dans le cœur humain un goût dépravé pour l'égalité, qui porte les faibles à
vouloir attirer les forts à leur niveau, et qui réduit les hommes à préférer l'égalité dans la
servitude à l'inégalité dans la liberté
. Ce n'est pas que les peuples dont l'état social est
démocratique méprisent naturellement la liberté ; ils ont au contraire un goût instinctif pour elle.
Mais la liberté n'est pas l'objet principal et continu de leur désir ; ce qu'ils aiment d'un amour
éternel, c'est l'égalité. [...].

Source : Alexis De Tocqueville, De la démocratie en Amérique, tome 1,
GF Flammarion, 1981 (1ère édition 1835).

QUESTIONS

1. À l'aide de vos connaissances et du document, vous montrerez comment A. De Tocqueville caractérise la démocratie. (9 points)

2. Expliquez le passage souligné. (6 points)

3. À l'aide d'un exemple de votre choix, vous montrerez que l'égalité et la liberté peuvent entrer
en contradiction dans les sociétés contemporaines. (5 points)

LE CORRIGÉ


I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET

Le sujet porte sur l'analyse de la démocratie chez Alexis de Tocqueville. Un seul document accompagne les questions qui vous sont posées, il vous rappelle les caractéristiques de la démocratie pour l'auteur.
La question 3 vous invite à une réflexion personnelle et plus approfondie sur la pertinence de l'analyse de Tocqueville dans nos sociétés modernes.

II – ELEMENTS DE REPONSE AUX QUESTIONS

Question 1

À partir d’un voyage d’étude aux États-Unis, Alexis de Tocqueville a présenté une analyse originale de la démocratie. Selon lui, le trait principal de ce régime est la tendance à l’égalisation des conditions, dans un cadre politique marqué par la souveraineté populaire. Si Tocqueville est un partisan de la démocratie, il y voit néanmoins un certain nombre de dangers. Il souligne en particulier l’opposition possible entre égalité et liberté dans la mesure où le goût instinctif et insatiable des individus pour l’égalité les conduit à se polariser sur la quête de droits et de richesses, au détriment de la vigilance citoyenne et de leur participation à la vie publique. Le risque existe alors qu’un État tyrannique réduise leur liberté sans qu’ils ne s’y opposent, soit par mégarde, soit parce que celui-ci leur assure une égalité qui les aveugle. Ce despotisme constitue pourtant une négation de la démocratie.

Question 2

La passion des individus pour l’égalité peut devenir négative si elle conduit à lui sacrifier la liberté. Ce risque existe lorsqu’on en vient à désirer l’égalité à tout prix, même par une limitation des droits, du moment qu’il en va de même pour tous. L’égalisation peut alors  se faire « par le bas » en alignant tout le monde sur un minimum de droits plutôt qu’en élevant au niveau supérieur ceux qui disposent de moindres acquis. Tocqueville affirme que les hommes pourraient en arriver à préférer être égaux sans être libres plutôt que d’être libres et inégaux, oubliant que c’est la liberté qui favorise le progrès vers l’égalité.

Question 3

Les politiques de discrimination positive sont un exemple d’arbitrage qui réduit la liberté individuelle au nom de la quête d’égalité. Ainsi, lorsqu’une embauche ou une inscription universitaire doivent privilégier le représentant d’une minorité visible (ou une femme) pour réduire les inégalités, la liberté du recruteur comme celle des autres candidats de postuler entre en contradiction avec la volonté d’égalité. Poussé à l’extrême, ce raisonnement pourrait conduire à préférer que tous les candidats à un emploi restent au chômage (« les faibles » attirant alors « les forts à leur niveau ») plutôt que permettre à l’un d’entr'eux d’y échapper. Dans la réalité, l’exemple des  États-Unis montre que la discrimination positive est loin d’avoir aboli la liberté et engendré une égalisation totale.

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