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Annales gratuites Bac S : Décolonisation : cas algérien

Le sujet  2004 - Bac S - Histoire - Etude de documents Imprimer le sujet
LE SUJET

Les difficultés de la décolonisation : la France et le cas algérien

Liste des documents :

Document 1 : Déclaration de Guy Mollet, président du Conseil
Document 2 : Extrait de la une de L 'Echo d'Alger, 20-21 mai 1956
Document 3 : Le point de vue, en 1958, d'un Français né en Algérie
Document 4 : Discours du général de Gaulle
Document 5 : Extrait de la une du Figaro, 19 mars 1962

NB : Les unes des journaux sont présentées dans un format réduit. De ce fait, certains passages sont difficilement lisibles : leur exploitation ne peut être attendue des candidats.

Questions :

1. Présenter les documents.
2. En fonction du sujet, sélectionner, classer et confronter les informations tirées de l'ensemble des documents et les regrouper par thèmes.
3. Rédiger de façon synthétique une réponse argumentée à la problématique définie par le sujet en faisant appel, y compris de manière critique, à l'ensemble des informations tirées des documents. À titre indicatif, il est conseillé au candidat de limiter cette synthèse à une page, soit 300 mots environ.

Document 1 : Déclaration de Guy Mollet(*), président du Conseil

Aujourd'hui, il ne faut pas se dissimuler la réalité. Parce qu'elle compte huit millions de musulmans non assimilés, l'Algérie n'est pas une province française comme les autres, l'Artois ou la Normandie par exemple.
De même, parce qu'elle comprend aussi ce million de Français d'origine métropolitaine auxquels elle doit tout, l'Algérie ne peut pas être un Etat national musulman. Nous rejetons absolument la conception d'un Etat algérien qui ne correspond pas plus à une réalité historique qu'à une réalité ethnique. (...) Mais s'il ne s'agit que de rétablir l'ordre, pour en revenir à la situation antérieure, ou l'aggraver même dans le sens de l'injustice et du mépris à l'égard du musulman, alors, mesdames, messieurs, il y a erreur, pas avec nous !
De même, s'il fallait préparer l'avènement d'un Etat musulman indépendant d'Algérie, ce qui reviendrait à éliminer la population d'origine européenne, alors, tout aussi fermement, pas avec nous ! (...)
Nous voulons à la fois assurer l'ordre et promouvoir les réformes. (...)
Dans le domaine militaire, des réformes radicales sont en cours. Les troupes seront mieux adaptées aux conditions de leur emploi.
Nous avons actuellement en Algérie le cinquième de l'armée française. II est possible, j'en suis convaincu, de faire à la fois plus et mieux. Le gouvernement entend donner à l'armée sa pleine efficacité, mais il entend aussi - et il le prouvera - être compris et obéi à tous les échelons.
Le gouvernement assurera sans défaillance la sécurité des personnes et des biens, celle des habitants d'origine européenne comme celle des musulmans (...).
Sur le plan économique et social et sur le plan des réformes administratives, vous connaissez nos intentions: effort massif d'investissements, réforme agraire, relèvement des salaires des travailleurs agricoles. (...)
Par une triple action militaire, sociale, diplomatique, la France entend témoigner de son esprit de justice, de sa résolution et de sa puissance de grande nation.

Déclaration à l'Assemblée nationale, le 9 mars 1956.

(*)Guy Mollet : secrétaire général du parti socialiste SFIO, président du Conseil sous la IV° République du 31 janvier 1956 au 21 mai 1957.

Document 2 : Extrait de la une de L'Echo d'Alger, 20-21 mai 1956

douar : village ou campement nomade des régions d'élevage en Afrique du Nord.
rappelés : soldats ayant déjà effectué leur service militaire et rappelés pour combattre en Algérie.
rebelles : nom utilisé pour désigner les combattants algériens luttant pour l'indépendance.

Document 3 : Le point de vue, en 1958, d'un Français né en Algérie

Les Français d'Algérie sont français à 100 % et entendent le rester. Les Musulmans d'Algérie veulent une patrie et ont choisi d'être français. Cette qualité, malgré de nombreuses sollicitations, ne leur a jamais été accordée par le Parlement français qui, seul, pouvait le faire. Ce sont, par conséquent, les hommes politiques qui portent entièrement et solidairement la responsabilité de la situation actuelle.

Je me prends comme exemple du Français de souche métropolitaine (je le fuis sans gloriole ni aucune arrière-pensée personnelle car nous sommes plus d'un million à pouvoir revendiquer des titres analogues). Tous mes ancêtres se sont fixés en Algérie entre 1838 et 1851 et il est pour cela indéniable que la souche dont je suis issu a enfoncé dans le terroir des racines profondes qu'il est maintenant impossible d'extirper. Les quatre générations de ma famille qui se succédèrent ont toutes donné des preuves de civisme et de patriotisme et chacune a laissé des morts sur les théâtres des batailles de la France. Moi-même j'ai fait, sans que rien ne m'y oblige, six ans de guerre et l'unité à laquelle j'appartenais, composée mi-partie d'Algériens comme moi-même, a été choisie symboliquement pour marcher la première quand les troupes ont défile sur les Champs-Elysées dans une France enfin libérée. Personne ne peut donc douter de ma qualité intangible de Français habitant la province algérienne. (...)

L'Algérie est française et le restera. Nous sommes des Français et nous le resterons, nous ne céderons pas sur ce point et entrerons en lutte contre le régime, s'il entend en disposer autrement. (...) Cette confrontation peut signifier, à bref délai, une révolution. Cette révolution, avec tous ses risques et ses aléas, le régime est-il prêt à la provoquer ? La question lui est maintenant posée.

Colonel Bourgoin(*), "Rassemblement de la France autour de l'Algérie qui entend rester française", L'Echo d'Alger, 14 mai 1958

(*)Colonel Bourgoin : né en 1907 à Cherchell, en Algérie. II accomplit une carrière militaire valeureuse durant la Seconde Guerre mondiale. II est démobilisé en 1945. À la fin de l'année 1958, il est élu député gaulliste à Paris.

Document 4 : Discours(*) du général de Gaulle, lors du putsch d'Alger

Un pouvoir insurrectionnel s'est établi en Algérie par un pronunciamiento(**) militaire.
Les coupables de l'usurpation ont exploité la passion des cadres de certaines unités spécialisées, l'adhésion enflammée d'une partie de la population de souche européenne qu'égarent les craintes et les mythes, l'impuissance des responsables submergés par la conjuration militaire.
Ce pouvoir a une apparence : un quarteron de généraux en retraite. Il a une réalité : un groupe d'officiers, partisans, ambitieux et fanatiques. Ce groupe et ce quarteron possèdent un savoir-faire expéditif et limité. Mais ils ne voient et ne comprennent la nation et le monde que déformés à travers leur frénésie. Leur entreprise conduit tout droit à un désastre national.
Car l'immense effort de redressement de la France, entamé depuis le fond de l'abîme, le 18 juin 1940 ; mené ensuite jusqu'à ce qu'en dépit de tout la victoire fût remportée, l'indépendance assurée, la République restaurée ; repris depuis trois ans, afin de refaire l'Etat, de maintenir l'unité nationale, de reconstituer notre puissance, de rétablir notre rang au dehors, de poursuivre notre œuvre outre-mer à travers une nécessaire décolonisation, tout cela risque d'être rendu vain à la veille même de la réussite, par l'aventure odieuse et stupide des insurgés en Algérie. Voici l'Etat bafoué, la nation défiée, notre puissance ébranlée, notre prestige international abaissé, notre place et notre rôle en Afrique compromis.
Et par qui ? Hélas ! hélas ! hélas ! par des hommes dont c'était le devoir, l'honneur, la raison d'être de servir et d'obéir.
Au nom de la France, j'ordonne que tous les moyens, je dis tous les moyens, soient employés pour barrer partout la route à ces hommes-là, en attendant de les réduire. J'interdis à tout Français et, d'abord, à tout soldat d'exécuter aucun de leurs ordres. (...) L'avenir des usurpateurs ne doit être que celui que leur destine la rigueur des lois.
Devant le malheur qui plane sur la patrie et devant la menace qui pèse sur la République, ayant pris l'avis officiel du Conseil constitutionnel, du Premier ministre, du président du Sénat, du président de l'Assemblée nationale, j'ai décidé de mettre en œuvre l'article 16 de notre Constitution. À partir d'aujourd'hui, je prendrai, au besoin directement les mesures qui me paraîtront exigées par les circonstances.
Par là-même, je m'affirme en la légitimité française et républicaine qui m'a été conférée par la nation, que je maintiendrai, quoi qu'il arrive, jusqu'au terme de mon mandat ou jusqu'à ce que viennent à me manquer soit les forces soit la vie, et que je prendrai les moyens de faire en sorte qu'elle demeure après moi.
Françaises, Français ! Voyez où risque d'aller la France par rapport à ce qu'elle était en train de redevenir.
Françaises, Français ! Aidez-moi !

France-Soir, 25 avril 1961

(*) Discours prononcé à la radio et à la télévision le 23 avril 1961.
(**) Pronunciamiento : coup d'Etat militaire.

Document 5 : Extrait de la une du Figaro, 19 mars 1962

Ben Khedda : président du gouvernement provisoire de la république algérienne.
Ben Bella : un des chefs historiques de l'insurrection algérienne.
ALN : armée de libération algérienne.

LE CORRIGÉ

I - LA PRESENTATION DU SUJET

Il s'agissait de traiter au travers de l'étude de cinq documents des "difficultés de la décolonisation".
Par rapport à ce thème une étude de cas était proposée au travers de l'exemple algérien.
Colonie de peuplement, l'Algérie posa pour sa décolonisation des problèmes spécifiques et suscita des enjeux contradictoires, mis en évidence dans ce corpus.

II - LES CONNAISSANCES ESSENTIELLES

A - PRESENTATION DES DOCUMENTS

Nous disposons de cinq documents source sur les difficultés que rencontre la France pour régler l'affaire algérienne entre 1956, date de la victoire du front républicain, et 1961, date de la tentative du putsch d'officiers supérieurs ayant servi en Algérie.

Deux textes de nature politique, une déclaration de Guy Mollet, Président du Conseil, à l'Assemblée nationale, le 9 mars 1956 et une allocution radiotélévisée prononcée par le général de Gaulle, Président de la République, le 23 avril 1961 et reprise par France-Soir, le 25. Le premier a été nommé à la tête du gouvernement après la victoire aux élections législatives sous la Quatrième République, en janvier 1956. Il explique sa politique pour l'Algérie, c'est-à-dire un refus de l'indépendance, une accentuation de l'effort militaire et l'approfondissement des réformes sociales.

Cinq ans plus tard, de Gaulle dénonce la tentative de coup d'état militaire de quatre généraux (Salan, Jouhaud, Challe et Zeller) et, se situant dans le droit fil de son action de juin 1940, il réaffirme sa légitimité et annonce qu'il appliquera l'article 16 de la constitution, à savoir qu'il exercera "les pleins pouvoirs".

Deux coupures de presse, l'une tirée de l'Echo d'Alger, l'autre du Figaro, rendent compte des "événements d'Algérie" à deux moments-clés. La première date de mai 1956 et montre les massacres perpétrés au nom de la lutte pour l'indépendance, massacres qui touchent aussi bien les appelés du contingent que les civils. Il s'agit d'un journal édité en Algérie, s'adressant plus particulièrement aux "Pieds-noirs". Le Figaro du 19 mars 1962 titre en une sur le cessez-le-feu en Algérie en donnant la parole aussi bien à de Gaulle qu'à Ben Khedda, un des leaders indépendantistes.

Le dernier document propose le point de vue d'un de ces "Pieds-noirs" ancien militaire gaulliste et qui, en mai 1958, soutient le maintien de l'Algérie dans la France. Quoique gaulliste, il annonce l'éventuel soulèvement des européens d'Algérie si la "métropole" décidait de lâcher cette "province".

B - CLASSER LES INFORMATIONS

Thème I : Une population coupée en deux

Document 1

  • 8 millions de musulmans non assimilés
  • 1 million de "Pieds noirs" d'origine européenne
  • Une sécurité à assurer
  • Document 2

  • Massacres de soldats et dans la population européenne et musulmane
  • Document 3

  • Une population formée de Français d'origine et de musulmans
  • Ancienneté de l'implantation de ceux venus de France
  • Document 4

  • Une partie des Européens d'Algérie souhaitent le putsch
  • Climat de guerre civile
  • De Gaulle demande au peuple de l'aider
  • Document 5

  • Deux peuples qui devront se comprendre
  • Deux pays qui devront coopérer
  • Annonce d'un référendum
  • Atmosphère lourde à Alger
  • Thème II : Des politiques successives différentes

    Document 1

  • Refus d'un état national musulman en 1956
  • Promotion de réformes économiques et sociales
  • Document 2

  • Opération de contrôle en Algérie
  • Document 3

  • Les musulmans n'ont pas la nationalité française en 1958
  • Les musulmans ont été impliqués et associés à la libération de la France en 1945
  • Document 4

  • De Gaulle utilisera les "pleins pouvoirs" pour régler la question algérienne
  • De Gaulle souligne la légitimité du Président de la République
  • Document 5

  • L'indépendance est en vue avec la fin des négociations avec le FLN
  • Thème III : Une armée traumatisée

    Document 1

  • Il ne s'agit pas seulement de rétablir l'ordre
  • Document 2

  • De jeunes appelés victimes d'un guet-apens
  • Des rebelles abattus
  • Document 3

  • La question du maintien de l'Algérie dans la France peut se poser
  • Document 4

  • Putsch d'officiers généraux
  • Légitimité républicaine contre une partie de l'armée
  • Document 5

  • Cessez-le-feu
  • C - ELEMENTS DE SYNTHESE

    L'Algérie est constituée d'une population disparate : 1 million d'origine européenne, les "Pieds-noirs", et 8 millions de musulmans qui ne sont pas forcément assimilés et qui n'ont pas la nationalité française à la fin de la Quatrième République. Les Pieds-noirs se sentent légitimes eu égard à l'ancienneté de leur implantation en Algérie. Cette population est directement touchée par la guerre, lors de massacres dont sont victimes aussi bien les appelés que les civils, musulmans compris. L'armée semble avoir du mal à assurer la sécurité. Lors du putsch des généraux de 1961, une partie des Européens d'Algérie soutient cette tentative de renversement du Président et celui-ci en appelle au soutien populaire. Nous sommes dans un climat de guerre civile. Le traumatisme perdure en mars 1962 quand survient le cessez-le-feu et que se profile l'indépendance de l'Algérie, même si de Gaulle évoque la coopération future de deux peuples, de deux pays.

    De 1956 à 1962, l'Etat a mené des politiques bien différentes, voire contraires. Guy Mollet, à la tête du gouvernement sous la Quatrième République en 1956, refuse un "Etat national musulman" et promet des réformes économiques et sociales. La guerre d'Algérie apparaît comme de simples opérations de police alors même que le contingent est envoyé. En 1961, de Gaulle doit faire face à une tentative de coup d'état et, pour rétablir l'ordre, il rappelle sa légitimité. Il annonce aussi l'utilisation de l'article 16 de la Constitution pour maintenir l'ordre et trouver une solution politique à la crise algérienne. Celle-ci sera une acceptation d'un cessez-le-feu moins d'un an après, prélude à l'indépendance pour laquelle le Président de la République demandera l'avis de la nation par référendum.

    Durant tous ces événements, l'armée s'est sentie ballottée au gré des politiques suivies et a subi un fort traumatisme. La Quatrième République lui a demandé de rétablir l'ordre, mais Guy Mollet a accentué l'effort militaire en envoyant de plus en plus d'appelés, maintenus en Algérie, au-delà de leur temps légal de service. Ces appelés ont pu être victimes des actions de l'ALN (Armée de Libération Nationale). Ils devront aussi se battre contre des "rebelles". Lors du putsch de 1961, l'armée sera coupée en deux, entre ceux qui suivent les généraux dressés contre l'Etat et de Gaulle et ceux qui respecteront la légalité républicaine. Certains n'ont pas compris ce qu'on demandait à l'armée et ne pouvaient accepter l'abandon de l'Algérie, comme le montre le point de vue du colonel Bourgoin en mai 1958. Le cessez-le-feu de mars 1962 a donc été vécu différemment au sein d'une armée ballottée au gré de politiques contradictoires de Guy Mollet au général de Gaulle.

    Les qualités attendues étaient :

  • Montrer l'évolution de la politique de la France à la fin de la Quatrième République et avec le retour de de Gaulle. Bien tenir compte des limites temporelles : de 1956 à 1962 (avec le tournent de 1961).
  • Mettre en valeur les traumatismes : dans une population d'Algérie diverse et somme toute opposée ; dans une armée soumise à une forte discontinuité politique.
  • Ce sujet se place dans le mouvement général de décolonisation mais il traite essentiellement de la politique intérieure française.
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