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Annales gratuites Bac L : Queneau : Les graffitis

Le sujet  2000 - Bac L - Littérature - Question Imprimer le sujet
LE SUJET

Quels rôles jouent les graffitis dans Les Fleurs Bleues ?

LE CORRIGÉ

I - FICHE SIGNALETIQUE

     Cette question est une question qui fait appel d'une part à la connaissance narrative de l'œuvre et d'autre part à la connaissance de la conception de la littérature que Queneau a développée tout au long de sa vie.

II - PREMIERES IMPRESSIONS

     L'aspect narratif de la question est facile à traiter. Par contre la deuxième partie fait appel à un savoir plus théorique sur les conceptions littéraires de Queneau en référence au mouvement auquel il appartient : l'Oulipo. Il s'agit malgré tout de la question dite mineure, et on ne peut donc exiger une connaissance encyclopédique du problème. Cependant, une allusion nette et précise ne peut manquer.

III - TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET

     Dans Les Fleurs bleues, les graffitis peuvent avoir plusieurs significations.

La première représente le fil rouge du roman. En effet, quel est le mystérieux inconnu qui écrit ces injures sur la palissade de Cidrolin ? C'est en quelque sorte le nœud de l'énigme policière, qui n'est certes guère palpitante, il faut bien le reconnaître, mais qui permet à la narration de suivre son cours en se raccrochant à ce fil d'Arianne.

Par ailleurs, on peut trouver dans les graffitis une valeur beaucoup plus symbolique qui nous est donnée par Cidrolin lui-même lorsqu'il explique : " les graffitis, qu'est-ce que c'est ? Juste de la littérature."

L'intrigue policière repose donc sur le crime qui est commis par un inconnu, que le duc d'Auge et Cidrolin nomme "salopard" dont l'identité ne sera dévoilée qu'à la toute fin du roman. Ce crime touche Cidrolin, ou plus précisément la propriété privée de Cidrolin. En effet, ce maniaque du pinceau s'attaque sans cesse à la palissade du malheureux Cidrolin qui se voit contraint tous les jours de repeindre sa barrière. Toute l'intrigue va donc consister à découvrir le coupable, tâche à laquelle va s'atteler résolument le duc d'Auge dès son arrivée au XXe siècle.

Comme dans toute enquête policière, Queneau distille au fil des pages, des indices plus ou moins ténus, plus moins utiles. Ainsi, par exemple, voit-on apparaître au fur et à mesure les lettres du mot "graffité" sur la palissade. A, AS… Par ailleurs, on sait que Cidrolin habite au 21 comme le célèbre assassin de Georges Clouzot.

On a aussi droit à un faux coupable: Labal, accusé par le duc d'Auge qui parviendra à s'innocenter en démasquant le vrai coupable : Cidrolin lui même. La clé des graffitis, réside dans son interprétation sémantique. Le mot inscrit était en effet le mot ASSASSIN et Cidrolin apprend à Lalix à la fin du roman qu'il ne faut pas croire ce qu'il a écrit, car dit-il " je ne suis pas un assassin, même pas un meurtrier. Rien. J'étais innocent. J'ai fait un an et demi de préventive. On a fini par reconnaître que j'étais innocent.

Cet aspect du roman montre tout d'abord à quel point Cidrolin s'ennuie dans la vie, au point d'être obligé, pour se distraire, de recouvrir sa palissade de graffitis pour pouvoir ensuite les repeindre. Par ailleurs, on peut aussi imaginer, que derrière cet acte, Queneau cherche à mettre en exergue le thème de la boue et de la souillure qui apparaissent de façon récurrente dans le roman, aux abords du château du duc d'Auge, autour de la péniche…

L'idée de la littérature très restrictive, voire péjorative qu'énonce Cidriolin en disant que "les graffitis c'est juste de la littératur" reprend un thème que Queneau avait déjà abordé quelque pages plus haut par l'intermédiaire de "l'ératépiste" qui se demandait "pourquoi les gens éprouvent le besoin d'écrire. Ca vous concerne ?", demande-t-il à Cidrolin.

Par ailleurs, Cidrolin précise qu'il n'a pas le vice du romancier puisqu'il explique à Lalix qu'il n'est pas "un travailleur de l'écritoire."

     On pourrait donc en conclure que l'écriture est mise en cause dans Les Fleurs bleues, puisque que Queneau ne lui donne qu'une vie éphémère, souillée, associée à un crime. L'image qui nous est ainsi transmise, par l'intermédiaires de graffitis est une image très pessimiste de la littérature et du rôle de l'écrivain dans la société. D'autant plus que le deuxième acte de "gribouillage" est associé au duc d'Auge et à la copie des dessins de la grotte de Lascaux, ce qui n'est guère plus valorisant. Mais ce qui sauve la littérature de ces criminels c'est la multiplication des références à la tradition littéraire, de Homère à Baudelaire, dans laquelle lui, Queneau, cherche à s'inscrire.

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