Le sujet 2009 - Bac L - Philosophie - Dissertation |
Avis du professeur :
Le sujet porte sur la science historique et l'ambiguïté de l'histoire qui tente d'établir une connaissance des faits passés mais qui ne peut pas totalement exclure la subjectivité de l'historien. C'est un sujet classique qui concerne à la fois la question de la connaissance et de l'histoire et met aussi en jeu la question de la subjectivité. |
L'objectivité
de l'histoire suppose-t-elle l'impartialité de l'historien ?
I – L'ANALYSE DU SUJET
C'est une
quasi-question de cours, qui relève avant tout du domaine de
l'épistémologie de la science historique. Elle convoque
implicitement les notions de vérité
et d'interprétation.
Mais on peut difficilement la traiter sans relever la dimension
idéologique et politique
de l'histoire.
Vos connaissances en histoire, avec des analyses
précises d'évènements historiques importants,
sont sans aucun doute bienvenues !
● La
notion principale est l'histoire,
au sens d'une science qui tend à reconstituer et expliquer le
passé des sociétés humaines, comme le terme
"historien" nous le précise dans la question.
●
Le concept d' "objectivité"
(qui s'oppose implicitement à "subjectivité")
désigne le caractère d'une représentation
conforme à la réalité, construite indépendamment
des désirs, sentiments, intérêts, convictions ou
passions de l'individu, et en relation avec une démarche
méthodique et réfléchie visant à faire
l'accord des esprits, ou au moins à obtenir l'assentiment de
la communauté scientifique concernée.
●
L' "impartialité"
désigne au sens étymologique la qualité de celui
qui est sans parti ; et
donc sans parti-pris ou préjugé amenant à un
jugement étroit, erroné, ou injuste.
● On
pourrait ainsi reformuler la question : l'effort de l'historien
pour être sans parti-pris est-il une condition subjective
nécessaire à la représentation conforme et
compréhensive du passé des sociétés
humaines ?
II - LA PROBLEMATIQUE
● Le
mot "histoire" a pour étymologie le
grec "historia" qui signifie "enquête".
Il y a d'emblée une volonté de connaissance objective
de la réalité passé, qui se précisera au
fur et à mesure que l'histoire se constituera comme une
science humaine, en précisant son domaine et ses méthodes
spécifiques d'investigation. L'historien se veut un
scientifique, non un idéologue.
Il se met à distance
de son objet d'étude et prétend le reconstituer et
l'expliquer avec une rigueur et une précision analogues à
celles qui prévalent dans les sciences de la
nature.
L'impartialité semble bien être une condition
nécessaire à la scientificité de son enquête.
●
Pourtant, cette impartialité a des limites : l'historien
est un homme qui étudie des actions humaines, il est lui-même
un être historique, il fait partie du devenir historique qu'il
étudie. Pour reprendre un concept sartrien, il est "engagé"
nécessairement dans l'histoire.
● Si, comme le dit
Fénelon, "le bon historien n'est d'aucun lieu ni
d'aucun temps", alors on peut se demander s'il existe un "bon
historien", un seul.
Comment comprendre la notion
d' "impartialité" chez l'historien ?
Quelle en est la nécessité, Quelles en sont les
limites ? La compréhension de l'histoire ne
nécessite-t-elle pas de réintroduire une dimension
subjective dans le travail de l'historien ?
III - LA BOITE A OUTILS
● La
constitution progressive de l'histoire comme science humaine impose à
l'historien une formation savante qui l'invite à
l'impartialité :
1.
Volonté de reconstituer le plus exactement possible
l'événement ou la période étudiés
en rassemblant et confrontant les archives et témoignages, en
observant les vestiges, en faisant appel à d'autres sciences
comme la chimie par exemple pour les problèmes de datation,
etc...
2.
Essai pour dégager les conditions objectives (géographiques,
sociales, politiques, culturelles...) du contexte historique afin non
seulement de raconter mais d'expliquer l'événement et
ses causes.
● Mais
l'objet d'étude de l'historien est spécifique :
1.
Ce sont des actions humaines. Pour comprendre le sens d'un événement,
il faut non seulement expliquer les conditions objectives, mais
comprendre les intentions subjectives de ceux qui le produisent. Cela
nécessite que l'historien fasse jouer sa propre subjectivité,
sympathise
pour ainsi dire avec les acteurs passés, s'y intéresse
au sens étymologique "se place parmi eux"
(inter-esse).
2.
Pour expliquer un événement, il doit hiérarchiser
les causes qui le produisent selon une certaine conception du devenir
historique et de ses causes déterminantes, ce qui implique une
anthropologie implicite, voire une philosophie de l'histoire. En ce
sens, expliquer c'est nécessairement prendre parti.
3.
Enfin l'historien est lui même situé dans une période
historique précise, avec son savoir, ses préoccupations,
ses désirs spécifiques "La conscience de
l'histoire est une conscience dans l'Histoire" (Aron). Chaque
époque réinterprète son passé à la
lumière du présent ou de ses craintes et de ses
espoirs.
● Il
faut donc être nuancé :
1.
Si on entend par "impartialité" le souci de
rigueur et de distance méthodiques, elle est bien une
condition nécessaire à l'objectivité de
l'histoire. Mais l'historien fait nécessairement partie de
l'objet qu'il étudie, d'où la dimension subjective,
historique, voire idéologique de l'explication historique.
2.
Finalement, l'historien ne doit-il pas implicitement ou explicitement
prendre parti sur le sens du devenir humain pour en expliquer le
passé ? On peut, en ce sens, penser aux analyses
marxistes de l'histoire, qui ne dissocient pas explication
scientifique et arme idéologique, car la manière dont
on éclaire le passé détermine l'orientation de
l'action à venir. Raconter l'histoire, c'est aussi la faire.