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Annales gratuites Bac L : Texte d'Aristote

Le sujet  1999 - Bac L - Philosophie - Commentaire d'un texte philosophique Imprimer le sujet
LE SUJET

Dégagez l'intérêt philosophique du texte suivant en procédant à son étude ordonnée :


Le choix n'est certainement pas la même chose que le souhait, bien qu'il en soit visiblement fort voisin. Il n'y a pas de choix, en effet, des choses impossibles, et si on prétendait faire porter son choix sur elles on passerait pour insensé ; au contraire, il peut y avoir souhait des choses impossibles, par exemple de l'immortalité.

D'autre part, le souhait peut porter sur des choses qu'on ne saurait d'aucune manière mener à bonne fin par soi-même, par exemple faire que tel acteur ou tel athlète remporte la victoire ; au contraire, le choix ne s'exerce jamais sur de pareilles choses, mais seulement sur celles qu'on pense pouvoir produire par ses propres moyens.

En outre, le souhait porte plutôt sur la fin, et le choix sur les moyens pour parvenir à la fin : par exemple, nous souhaitons être en bonne santé, mais nous choisissons les moyens qui nous feront être en bonne santé ; nous pouvons dire encore que nous souhaitons d'être heureux, mais il est inexact de dire que nous choisissons de l'être : car, d'une façon générale, le choix porte, selon toute apparence, sur les choses qui dépendent de nous.


ARISTOTE

LE CORRIGÉ

I - LES TERMES DU SUJET

Le texte procède à une analyse de la notion de choix, en la confrontant à celle de souhait.

En approfondissant cette confrontation, on obtient une formulation générale : "Le choix porte sur les choses qui dépendent de nous".

Mais le texte fournit aussi des exemples qu'il convient d'analyser dans l'explication.

Choix et souhait concernent l'action humaine. Ils mettent en jeu un ensemble plus large de notions : conduite "insensée", désir d'immortalité, recherche de la santé, du bonheur, qu'il ne faudra pas développer pour elles-mêmes, mais dont il faudra tirer l'essentiel pour approfondir le problème du texte.

II - UNE ANALYSE DU PROBLEME

Il y a en somme un problème d'analyse de notions : comment éviter toute confusion entre l'idée qu'on se fait d'un choix et celle qu'on se fait d'un souhait, quand on voit qu'on utilise couramment l'un pour l'autre ?

Mais ce problème en recouvre au moins un autre : à quoi cela sert-il de souhaiter quelque chose ?

Agir est une chose simple : on a un but, on détermine des moyens. Mais, aussi l'impossible, ou l'au-delà du possible (l'immortalité, le bonheur) nous intéressent. Qu'est ce que cela signifie précisément ?

III - ETUDE ORDONNEE

"Choix" et "souhait" sont posés à la fois comme distincts et "voisins", au début du texte.

La suite dégage l'un de l'autre de façon progressive et plutôt méthodique:


1 - Pas de choix de l'impossible ( du début jusqu'à "immortalité")

Le choix de l'impossible est une folie ; il reste cependant possible de souhaiter l'impossible. Par là, on voit que le choix se tourne plus précisément vers l'action.

On voit aussi quel sens peut prendre la notion de souhait : elle rend légitime de se représenter l'impossible comme possible.

Ne pas mourir est impossible, pourtant, on peut le souhaiter, ce qui signifie : on peut se représenter l'immortalité sans devenir insensé.

En ce sens, le souhait c'est le signe de la présence effective de l'esprit "théorique" (l'esprit qui pense, qui contemple) à côté de l'esprit pratique, qui choisit, qui agit.

2 - La signification du choix (de "d'autre part" jusqu'à "moyens")

D'où la position "réaliste" du choix : choisir, c'est d'abord choisir en bloc une action possible. Cela signifie, d'une part, que le but et ses moyens sont à notre portée ; d'autre part, qu'on se connaît suffisamment soi-même, on connaît suffisamment les données du réel pour juger qu'on peut déterminer un choix sans être insensé.

Ainsi, la victoire de l'acteur ou de l'athlète est un événement sans doute possible en soi, mais hors de notre portée : si on ne peut rien faire pour sa victoire, on ne peut la "choisir".

3 - La nécessaire distinction entre souhait et choix (de "en outre" jusqu'à la fin)

Le souhait porte sur la fin, le choix sur les moyens.
Ceci affine le point précédent : il y aurait peut-être toujours des moyens à mettre en oeuvre pour qu'une victoire ait lieu. Mais le choix et la mise en oeuvre des moyens de l'action ne suffisent pas toujours à rendre l'issue de celle-ci tout à fait certaine.
Toute finalité est visée (souhait, représentation d'une fin qu'ARISTOTE nomme par ailleurs "cause finale"), tout moyen est déterminé et mis en oeuvre.

Ainsi se révèle une tension entre la connaissance de soi-même nécessaire à déterminer un choix sensé, d'une part, et d'autre part, cette même connaissance de soi-même en tant qu'elle nous vaut aussi de viser l'immortalité et le bonheur.

ARISTOTE précise qu'"il est inexact" de dire que nous choisissons d'être heureux. En effet, nous le souhaitons seulement.
Mais peut-on dire que nous savons en choisir les moyens ? Y a-t-il pour nous des fins bien claires sans nul moyen ?



IV - L'INTERET PHILOSOPHIQUE

Ainsi, ARISTOTE établit une caractéristique précise du choix : il porte sur ce qui dépend de nous ; ce faisant il a soulevé le problème de l'idéalisme de nos fins, un problème inscrit en creux de l'analyse de notions qu'il expose.

Le choix qu'il fait des exemples invite à penser qu'il le fait consciemment.
Pour prolonger la réflexion, on peut se reporter à la distinction stoïcienne des choses qui dépendent de nous et de celles qui n'en dépendent pas.

Si on place notre bonheur dans des choses qui ne dépendent pas de nous, on se conduit à la manière des insensés. Il faut donc apprendre à désirer ce qui dépend de nous, conformément à la nature.

D'autre part, Machiavel pourrait aider à repenser la logique des moyens et des fins, dans la détermination de l'action.


V - REFERENCES POSSIBLES

STOICIENS : EPICTETE, MANUEL, pour l'éthique stoïcienne et la distinction des choses qui dépendent de nous et qui n'en dépendent pas.

PLATON : La République, pour la réflexion sur une cité idéale.

PHEDON pour l'immortalité ...

MACHIAVEL : Le Prince, pour une pensée des rapports de la fin et des moyens.

ARISTOTE : Ethique à Nicomaque, pour le contexte de ce passage.

VI - FAUSSES PISTES

Danger de paraphraser l'analyse sans parvenir à trouver les perspectives qu'elle génère.

Dénaturer le sujet en s'échappant dans une réflexion détachée du texte, sur l'immortalité ou sur le bonheur.


VII - POINT DE VUE DU CORRECTEUR

Un texte facile à la lecture, difficile à l'explication, mais pour peu qu'on utilise bien l'ensemble des données du texte, on doit pouvoir construire un devoir intéressant.

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