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Annales gratuites Bac L : Le statut des oeuvres d'art

Le sujet  2007 - Bac L - Philosophie - Dissertation Imprimer le sujet
Avis du professeur :

Un sujet sur les œuvres d'art et leur statut d'objet.
C'est une belle occasion de réfléchir à la culture qui est le cœur de la formation des séries littéraires.

LE SUJET


Les œuvres d'art sont-elles des réalités comme les autres ?

LE CORRIGÉ


I – PRESENTATION DE LA QUESTION ET DE SES DIFFICULTES

Le sujet sur l'art ne soulève aucune difficulté du point de vue de sa compréhension. Mais cette simplicité n'est qu'apparente. Le risque est de s'en tenir à des lieux communs, à des généralités sur l'œuvre d'art et de laisser de côté la notion de réalité. C'est là que réside toute la difficulté de ce sujet qui supposait une problématisation de cette notion, garantie contre le risque de hors sujet ou de platitude. On pouvait se référer à différents repères qui pouvaient être très utiles pour problématiser le sujet :
idéal - réel
formel - matériel
objectif - subjectif

Le sujet est transparent. Se demander si "les œuvres d'art sont des réalités comme les autres", c'est d'abord supposer qu'il y a en elles des caractéristiques qui les distinguent des autres réalités. La question invite donc à examiner en quoi elles diffèrent des autres réalités. Parmi celles-ci on pourrait évoquer les réalités naturelles (plantes, animaux) ou d'autres artifices tels que les outils, les machines.

Il s'agit aussi d'analyser ce qui spécifie ces réalités que sont les œuvres d'art au regard d'autres réalités : comment et par quoi s'en distinguent-elles ?
Y a-t-il en elles des caractéristiques par lesquelles elles se présentent comme des réalités différentes ?
Ou cette différence réside-t-elle dans le rapport que nous établissons avec ces "objets" que nous, spectateurs, qualifions d'œuvres d'art ? Car un tableau, c'est avant tout une toile recouverte par de la matière. De ce point de vue, en quoi diffère-t-il d'un objet matériel quelconque ?

Il se pourrait aussi que la spécificité des œuvres d'art, leur réalité propre, réside dans le processus par lequel elles adviennent à l'existence ? Il n'est peut-être pas anodin de rappeler ici que l'on oppose production et création pour distinguer des objets dont la nature diffère. La notion de réalité doit faire l'objet d'une analyse rigoureuse : la réalité (du latin "res" qui signifie chose) est d'abord ce qui a une existence objective et constatable, ce dont on peut faire l'expérience parce qu'elle est dotée de qualités sensibles. De ce point de vue, on ne peut pas vraiment distinguer l'œuvre d'art d'un autre objet artificiel, destiné à une fonction (outil par exemple) ou d'un produit naturel.

Mais la réalité, c'est aussi ce qui s'oppose à l'apparence. Par réalité, on désigne alors l'être d'une chose, son essence, ce par quoi elle est ce qu'elle est. On dit souvent que les œuvres d'art nous ouvrent à un monde imaginaire qui serait irréel et qui relèverait strictement de l'imagination.

Dès lors, le sujet vous invite à examiner quelle est la réalité des œuvres d'art ? Ne nous donnent-elles accès qu'à un monde des apparences ?
Nous invitent-elles à entrer dans un monde illusoire qui n'aurait de réel que l'apparence, un monde destiné sinon à nous tromper du moins à nous transporter dans une "autre" réalité que celle de notre expérience habituelle ?

II - LA PROBLEMATIQUE

Il s'agit donc d'analyser ce qui distingue les œuvres d'art comme réalités des autres réalités. Pour éviter de se perdre dans une étude comparative sans fin, tout le champ de ce qui constitue "les autres réalités" étant ouvert, il était impératif de centrer son analyse sur la nature propre de cette réalité qu'est l'œuvre d'art.

Différentes questions pouvaient guider la réflexion :
● De quelle nature est la réalité des œuvres d'art ?
Les œuvres d'art peuvent-elles être qualifiées de réelles si l'on prend acte de ce qu'elles nous invitent à entrer dans un autre monde dont la réalité semble illusoire ?

● On peut aussi aborder le sujet en se plaçant du point de vue de la différence entre production et création. Comment cette réalité qu'est l'œuvre d'art advient-elle à l'existence ? En quoi le processus de la création affecte-t-il la réalité de l'œuvre d'art ?

● Il était aussi possible d'interroger la réalité de l'œuvre d'art à partir de la relation qui s'établit entre l'œuvre et le spectateur. On dit souvent qu'il n'y a pas d'œuvre d'art sans spectateur, façon de dire que c'est aussi le spectateur qui "fait" l'œuvre par la façon dont il la comprend et selon l'expérience qu'il en a. On pouvait donc aussi se demander si cette relation que le spectateur entretient avec l'œuvre d'art définit sa réalité ?

III - LES PISTES DE REFLEXION

● On pouvait évoquer la célèbre analyse de Platon (République X) pour qui la réalité des œuvres d'art n'est que celle des apparences. Les œuvres d'art sont, de ce point de vue, trompeuses car elles nous offrent, à travers une expérience sensible, une copie du réel que l'on confond avec le réel lui-même. Si l'on peut parler de réalité de l'œuvre d'art, c'est à condition de préciser qu'il ne s'agit que de la réalité d'une illusion. Les œuvres d'art nous trompent en ce qu'elles nous donnent accès à des apparences qui se font passer pour le réel. Cette approche conduit Platon à condamner l'art et à le considérer comme nuisible pour la cité.

● Mais on pouvait alors se demander si l'intérêt des œuvres d'art ne réside pas précisément dans cette distance qu'elles instaurent avec la réalité. Cette distance est pour Aristote ce qui permet au spectateur d'avoir un autre rapport avec le réel et ainsi de le comprendre. La façon dont l'œuvre transforme la réalité est aussi ce qui donne à la réalité une forme d'intelligibilité, le propre de la représentation artistique réside dans cette mise en forme du réel grâce à laquelle nous pouvons mettre à distance ce qui nous affecte dans la vie ordinaire (voir le rôle de la tragédie dans la purification de nos passions dans la Poétique).

● On pouvait alors se demander comment s'opère cette mise en forme de la réalité dans l'œuvre d'art. C'est-à-dire s'intéresser au processus de création artistique. Kant montre dans la Critique de la faculté de juger que la création est cette activité qui a l'apparence de la nature même si elle répond à un projet, à une intention. L'artiste ne sait pas comment l'œuvre se fait : aucun concept ne préside à sa réalisation. C'est pourquoi aussi les œuvres des beaux-arts se distinguent des objets des arts mécaniques.

L'œuvre d'art ne répond à aucune fonction, elle n'est d'aucune utilité. C'est pourquoi elle établit les conditions d'une relation spécifique avec le spectateur qui est strictement contemplative et désintéressée.
Il s'agissait donc de montrer que c'est d'abord cette relation qui s'établit entre l'œuvre et le spectateur plutôt que ses qualités objectives qui permettent de distinguer la réalité propre aux œuvres d'art en regard de celle des autres réalités.

IV - LES PISTES DE DEVELOPPEMENT

Analyse du constat que l'œuvre d'art est un objet naturel comme un autre doué de qualités sensibles.
Mais l'œuvre d'art n'est pas pour autant réductible à un objet ordinaire : elle n'est ni consommable, ni utile. En quoi résident alors sa spécificité et son statut ?
Sont-ils identifiables comme des propriétés de l'œuvre ou sont-ils davantage l'effet de la relation qui s'instaure entre le spectateur et l'œuvre d'art ?
Comment finalement caractériser la relation que les sujets entretiennent avec l'œuvre d'art ?

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