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Annales gratuites Bac 1ère STI : Illusions perdues

Le sujet  2008 - Bac 1ère STI - Français - Questions Imprimer le sujet
Avis du professeur :

Les deux questions portent sur ce qui fait la cohérence du corpus. Aucune notion technique n'est sollicitée. La compréhension globale suffit.
Les questions sont accessibles. La première appelle tout de même une réflexion plus poussée.

LE SUJET


1. Le titre, Illusions perdues, choisi par Balzac pourrait-il convenir pour l'ensemble des textes proposés ? Justifiez votre réponse. (3 points)
2. Quels sentiments les personnages éprouvent-ils en regardant ce qui les entoure dans les différents textes du corpus ? (3 points)

 

Texte A

Jeune homme idéalement beau, Lucien quitte la ville d'Angoulême en compagnie de
sa protectrice, Madame de Bargeton, pour aller chercher à Paris la gloire littéraire. Il
y perdra vite ses illusions, comme ici, lors de sa première sortie au théâtre.

 1   [...] Le plaisir qu'éprouvait Lucien, en voyant pour la première fois le spectacle
     à Paris, compensa le déplaisir que lui causaient ses confusions1. Cette soirée
     fut remarquable par la répudiation2 secrète d'une grande quantité de ses idées
     sur la vie de province. Le cercle s'élargissait, la société prenait d'autres
 5   proportions. Le voisinage de plusieurs jolies Parisiennes si élégamment, si
     fraîchement mises, lui fit remarquer la vieillerie de la toilette de Mme de
     Bargeton, quoiqu'elle fût passablement ambitieuse : ni les étoffes, ni les
     façons, ni les couleurs n'étaient de mode. La coiffure qui le séduisait tant à
     Angoulême lui parut d'un goût affreux comparée aux délicates inventions par
 10  lesquelles se recommandait chaque femme. — Va-t-elle rester comme ça ? se
     dit-il, sans savoir que la journée avait été employée à préparer une
     transformation. En province il n'y a ni choix ni comparaison à faire : l'habitude
     de voir les physionomies leur donne une beauté conventionnelle. Transportée
     à Paris, une femme qui passe pour jolie en province, n'obtient pas la moindre
 15  attention, car elle n'est belle que par l'application du proverbe : Dans le
     royaume des aveugles, les borgnes sont rois. Les yeux de Lucien faisaient la
     comparaison que Mme de Bargeton avait faite la veille entre lui et Châtelet3.
     De son côté, Mme de Bargeton se permettait d'étranges réflexions sur son
     amant. Malgré son étrange beauté, le pauvre poète n'avait point de tournure4.
 20  Sa redingote5 dont les manches étaient trop courtes, ses méchants gants de
     province, son gilet étriqué, le rendaient prodigieusement ridicule auprès des
     jeunes gens du balcon : Mme de Bargeton lui trouvait un air piteux. [...]

Honoré de Balzac, Illusions perdues, 2e partie, 1836-1843.

1 Confusions : maladresses, embarras.
2 Répudiation : abandon.
3 Châtelet : le baron du Châtelet. Mme de Bargeton le préfèrera à Lucien.
4 Tournure : allure, élégance.
5 Redingote : veste de soirée.

 

Texte B

A la suite d'un héritage, Bouvard et Pécuchet renoncent à leur métier d'employé et à
leur vie urbaine pour aller s'installer en Normandie, où ils se lancent dans
l'agriculture. Mais, ils échouent lamentablement dans tout ce qu'ils entreprennent.

 1       Des jours tristes commencèrent.
          Ils n'étudiaient plus, dans la peur de déceptions, les habitants de
     Chavignolles s'écartaient d'eux, les journaux tolérés n'apprenaient rien, et leur
     solitude était profonde, leur désœuvrement complet.
 5        Quelquefois, ils ouvraient un livre, et le refermaient ; à quoi bon ? En
     d'autres jours, ils avaient l'idée de nettoyer le jardin, au bout d'un quart
     d'heure une fatigue les prenait ; ou de voir leur ferme, ils en revenaient
     écœurés ; ou de s'occuper de leur ménage, Germaine poussait des
     lamentations ; ils y renoncèrent. Bouvard voulut dresser le catalogue du
 10  muséum1, et déclara ces bibelots stupides. Pécuchet emprunta la canardière2
     de Langlois pour tirer des alouettes ; l'arme, éclatant du premier coup, faillît le
     tuer.
          Donc ils vivaient dans cet ennui de la campagne, si lourd quand le ciel
     blanc écrase de sa monotonie un cœur sans espoir. On écoute le pas d'un
 15 homme en sabots qui longe le mur, ou les gouttes de la pluie tomber du toit
     par terre. De temps à autre, une feuille morte vient frôler la vitre, puis tournoie,
     s'en va. Des glas3 indistincts sont apportés par le vent. Au fond de l'étable,
     une vache mugit.
          Ils bâillaient l'un devant l'autre, consultaient le calendrier, regardaient la
 20  pendule, attendaient les repas ; et l'horizon était toujours le même : des
     champs en face, à droite l'église, à gauche un rideau de peupliers ; leurs
     cimes se balançaient dans la brume, perpétuellement, d'un air lamentable.

Gustave Flaubert, Bouvard et Pécuchet, Chapitre VII, 1881.

1 Muséum : musée.
2 Canardière : long fusil pour tirer les canards.
3 Glas : cloche que l'on fait sonner pour la mort ou les obsèques de quelqu'un.

 

Texte C

Jeanne, jeune fille noble, sort du couvent à l'âge de dix-sept ans. Elle épouse
l'homme de son coeur. Mais, il se révèle brutal et avare. Il trompe très vite sa jeune
épouse. Jeanne va de déception en déception et d'épreuve en épreuve. Elle ne
trouvera réconfort et espoir qu'à la toute fin du roman, en acceptant de prendre soin
de sa petite fille, laissée par ses parents. Le passage proposé constitue justement la
dernière page du roman.

 1        Le soleil baissait vers l'horizon, inondant de clarté les plaines verdoyantes,
     tachées de place en place par l'or des colzas en fleur, et par le sang des
     coquelicots. Une quiétude1 infinie planait sur la terre tranquille où germaient
     les sèves. La carriole allait grand train, le paysan claquant de la langue pour
 5   exciter son cheval.
          Et Jeanne regardait droit devant elle en l'air, dans le ciel que coupait,
     comme des fusées, le vol cintré2 des hirondelles. Et soudain une tiédeur
     douce, une chaleur de vie traversant ses robes, gagna ses jambes, pénétra sa
     chair ; c'était la chaleur du petit être qui dormait sur ses genoux.
 10       Alors une émotion infinie l'envahit. Elle découvrit brusquement la figure de
     l'enfant qu'elle n'avait pas encore vue : la fille de son fils. Et comme la frêle
     créature, frappée par la lumière vive, ouvrait ses yeux bleus en remuant la
     bouche, Jeanne se mit à l'embrasser furieusement, la soulevant dans ses
     bras, la criblant de baisers.
 15       Mais Rosalie3, contente et bourrue, l'arrêta. "Voyons, voyons, madame
     Jeanne, finissez : vous allez la faire crier."
          Puis elle ajouta, répondant sans doute à sa propre pensée : "La vie,
     voyez-vous, ça n'est jamais si bon ni si mauvais qu'on croit."

Guy de Maupassant, Une Vie, Chapitre XIV, 1883.

1 Quiétude : calme.
2 Cintré : en forme de courbe.
3 Rosalie : servante de Jeanne.

 

Texte D

Ecrivain parisien, Durtal entreprend d'écrire un livre sur Gilles de Rais, compagnon
d'arme de Jeanne d'Arc. Au cours de ses recherches, il rencontre Madame
Chantelouve avec qui il a une aventure.

 1        Ils montaient, cahotés dans un fiacre1, la rue de Vaugirard. Mme
     Chantelouve s'était rencoignée et ne soufflait mot. Durtal la regardait lorsque,
     passant devant un réverbère, une courte lueur courait puis s'éteignait sur sa
     voilette2. Elle lui semblait agitée et nerveuse sous des dehors muets. Il lui prit
 
5  la main qu'elle ne retira pas, mais il la sentait glacée sous son gant et ses
     cheveux blonds lui parurent, ce soir-là, en révolte et moins fins que d'habitude
     et secs. Nous approchons, ma chère amie ? — Mais, d'une voix angoissée et
     basse, elle lui dit : — Non, ne parlez pas. — Et, très ennuyé de ce tête-à-tête
     taciturne3, presque hostile, il se remit à examiner la route par les carreaux de
 
10  la voiture.
          La rue s'étendait, interminable, déjà déserte, si mal pavée que les essieux
     du fiacre criaient, à chaque pas ; elle était à peine éclairée par des becs de
     gaz qui se distançaient de plus en plus, à mesure qu'elle s'allongeait vers les
     remparts. Quelle singulière équipée ! se disait-il, inquiété par la physionomie4
 
15  froide, rentrée de cette femme.
          Enfin, le véhicule tourna brusquement dans une rue noire, fit un coude et
     s'arrêta.

Kark-Joris Huysmans, Là-Bas, Chapitre XIX, 1884.

1 Cahotés dans un fiacre : secoués dans une voiture à cheval. (le fiacre sert de taxi au XIXe siècle.)
2 Voilette : petit voile de tulle accroché au chapeau d'une femme et pouvant se rabattre sur le visage.
3 Taciturne : silencieux et renfrogné.
4 Physionomie : le visage et plus largement l'apparence.

LE CORRIGÉ


I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DE LA QUESTION 1

Sujet : Question 1

Contraintes

Le titre, Illusions perdues, choisi par Balzac...

Vous devez réfléchir à l'ensemble du corpus à partir du titre d'un des romans.

...pourrait-il convenir à l'ensemble des textes proposés ?

La réponse doit donc montrer si tous les textes renvoient à la même idée ou si ils présentent des différences. L'emploi du conditionnel fait que plusieurs points de vue, à condition qu'ils soient justifiés, peuvent être défendus.

Justifiez votre réponse.

La note prendra en compte la présence de citations de chacun des textes.


II - LES DIFFERENTS TYPES DE PLANS POSSIBLES

Par un plan catalogue : vous étudiez les textes les uns après les autres pour montrer en quoi le titre du roman de Balzac peut s'appliquer à chacun d'eux
Par un plan dialectique : dans ce cas vous montrez :
1. D'abord que le titre du roman de Balzac peut être aussi le titre du corpus.
2. Ensuite pourquoi les textes, ou certains des textes, ne correspondent pas tout à fait à la peinture d'illusions perdues par les personnages.

Par un autre plan dialectique, c’est celui que nous proposons :
1. Chacun des textes propose la peinture de personnages qui perdent leurs illusions.
2. Mais la perte de ces illusions ne s'écrit pas selon les mêmes procédés.

III - LES PISTES DE REPONSES

Le plan choisi, et qui nous a semblé le plus simple, est de type dialectique. Il consiste à :
1. Justifier pour quelles raisons le corpus peut s'intituler Illusions perdues.
2. Montrer que chaque texte propose une variation sur ce thème.

PREMIERE PARTIE

Dans les quatre textes du corpus, les personnages sont confrontés à une réalité nouvelle. Cette réalité nouvelle les amène à réviser leur point de vue. Dans l'extrait d'Illusions perdues, Lucien découvre l'élégance parisienne et réalise que ce "qui le séduisait tant à Angoulême", sa ville natale, est en fait "d'un goût affreux". Dans Bouvard et Pécuchet, les deux personnages veulent vivre dans la nature, mais ils se détournent de leur projet agricole suite à leur échec. Dans Une Vie, Maupassant finit son roman par une phrase sans appel : il faut abandonner toute illusion, comme le prouve la vie malheureuse de Jeanne. Enfin, dans l'extrait de Là-bas, Huysmans montre au lecteur comment Durtal voit sous un nouveau jour la femme qu'il croit aimer.

Transition

Chacun des textes propose une variation sur le thème de la perte des illusions. Mais il l'écrit différemment.

DEUXIEME PARTIE

Balzac organise son texte en confrontant le regard des personnages. Le terme "répudiation" de la ligne 3 signale tout de suite que Lucien va changer de point de vue. Les "jolies Parisiennes" sont décrites par des termes mélioratifs et intensifs ("si élégamment, si fraîchement mises"), ce qui s'oppose aux mots "vieillerie" et "passablement ambitieuses" qui peignent péjorativement sa protectrice. Mme de Bargenton connaît le même changement : l'"étrange beauté" concédée à Lucien par l'emploi de "malgré" est suivie d'une accumulation de termes dépréciatifs : "pauvre, point de tournure, trop courtes, méchants gants, étriqué, prodigieusement ridicule, air piteux".

Le passage en focalisation interne est suivie d'une digression générale du narrateur : "Transportée à Paris, une femme qui passe pour jolie en province, n'obtient pas la moindre attention". Le texte induit donc l'idée que les personnages finissent tous par perdre leur illusion.

C'est sans doute Maupassant qui fait le mieux ressentir le processus de la perte d'illusion. Les quatorze premières lignes du texte donnent l'impression que Jeanne découvre une raison de vivre. Le paysage est marqué par des signes positifs : "clarté, verdoyantes, or, quiétude, terre tranquille où germaient les sèves, tiédeur, chaleur, chaleur". La nature environnante est fertile. L'enfant est sur les genoux de Jeanne, comme si elle venait de lui donner naissance. L'"émotion infinie" déborde et se manifeste en "baisers" furieux. Tout cela est balayé par Rosalie. Ces deux interventions rapportées au discours direct coupent l'élan de Jeanne : elle lui donne des ordres comme l'indique l'impératif, et emploie des termes négatifs : "finissez", "jamais si bon ni si mauvais". Le verbe "croire", dernier mot du roman, indique qu'il faut se méfier des illusions.

Flaubert insiste moins sur l'idée d'illusion perdue. Le texte ne dit rien des illusions des personnages. Le lecteur comprend implicitement que Bouvard et Pécuchet abandonnent toute activité parce qu'elle leur paraît inutile : l'expression "à quoi bon ?" à la ligne 5 est très claire, de même que l'emploi de la négation "ne ...plus" dans "Ils n'étudiaient plus" à la ligne 2.

Huysmans est lui aussi plus implicite : la mention temporelle "ce soir-là" indique que son regard diffère des autres jours. Du coup il note surtout des éléments négatifs ("moins fins, secs" pour décrire les cheveux) et qualifie le "tête-à-tête" d'adjectifs éloquents : "taciturne, presque hostile".

Conclusion

Le titre du roman de Balzac pourrait donc s'appliquer au corpus même si tous ne présentent pas de façon aussi claire ce thème propre au roman d'initiation.

 

IV - LES FAUSSES PISTES

 Il ne fallait pas oublier de citer les textes pour justifier.
Il fallait absolument faire référence à tous les textes.
Il ne fallait pas forcément répondre de façon totalement affirmative.

 

 

I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DE LA QUESTION 2

 

Sujet : Question 2

Contraintes

Quels sentiments les personnages éprouvent-ils...

Vous devez relever dans les textes les termes qui permettent d'identifier les sentiments des différents personnages.

... en regardant ce qui les entoure dans les textes du corpus ?

Ces sentiments doivent être suscités par ce que regardent les personnages.

 

II - LES DIFFERENTS TYPES DE PLANS POSSIBLES

Par un plan analytique : la question appelle une analyse de chacun des textes afin d'en dégager les sentiments des personnages.

III - LES PISTES DE REPONSES

Le plan choisi, et qui nous a semblé le plus simple, est de type analytique. Il consiste à étudier les textes les uns après les autres.

REPONSE

Dans les romans d'initiation, le narrateur s'attache souvent à la peinture des sentiments des personnages.

Dans Illusions perdues, Lucien éprouve d'abord du "plaisir" (ligne 1) : il se rend au théâtre et ressent une vive satisfaction que vient troubler la découverte de la vraie élégance en observant les Parisiennes par comparaison avec sa protectrice. La question de la ligne 10 "Va-t-elle rester comme ça ?" peut être interprétée comme de l'étonnement ou déjà comme de l'ironie. De son côté, Madame de Bargenton méprise Lucien qui ne soutient pas la comparaison avec les "jeunes gens du balcon" : elle le trouve "prodigieusement ridicule" et passe en revue tous les éléments de sa tenue pour les critiquer. Elle est déçue.

Les personnages de Flaubert sont frappés par "l'ennui de la campagne" (ligne 13). Ils se détournent de toutes leurs activités agricoles. Chaque action commencée est rapidement abandonnée comme l'indique la construction du troisième paragraphe. "Ecoeurés" (ligne 8), ils sont décrits dans le dernier paragraphe comme revenus de tout : "ils bâillaient, attendaient...". L'imparfait de répétition traduit cette lassitude et cet abandon.

Dans Une Vie, Jeanne est soudainement prise d'"une émotion infinie" (ligne 10). L'amour maternel semble s'emparer d'elle lorsqu'elle regarde le paysage puis sa petite-fille. Rosalie au contraire appelle à quitter toute espérance excessive dans la dernière phrase.

Dans le texte écrit par Huysmans, c'est le regard "inquiété" (ligne 14), porté sur la route qui informe le lecteur des sentiments de Durtal : le paysage est contaminé par son pessimisme. C'est comme si le panorama qu'il observe portait les signes annonciateurs d'une rupture puisque les essieux "criaient". Les idées de désert, de distance sont inscrites dans le passage.

IV - LES FAUSSES PISTES

 Il ne fallait pas s'attacher aux sentiments du narrateur dans le texte de Balzac.
Il fallait identifier et nommer les sentiments lorsqu'ils ne sont pas explicitement évoqués.
Il ne fallait pas oublier de citer les textes.

 

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