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Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de Bruno Crémer

Le sujet  2004 - Brevet Série Collège - Français - Questions Imprimer le sujet
LE SUJET

L'acteur Bruno Crémer évoque la première représentation publique de Beckett, une pièce de Jean Anouilh...

Ce matin du 8 octobre 1959, depuis deux jours, j'avais trente ans et j'étais résolu à me battre et à m'affirmer. En arrivant dans les coulisses du théâtre, j'ai rencontré un Ivernel(1) aussi combatif que moi. Nous nous sommes embrassés, bien décidés à "mettre le paquet". Cette "générale", nous voulions l'enlever au tonus ! Nous pensions à toutes les personnalités qui se trouvaient dans la salle : Laurence Olivier, Maurice Chevalier, Jean Vilar, Jean-Louis Barrault et Madeleine Renaud, et bien d'autres metteurs en scène ou acteurs célèbres, une salle terrifiante par laquelle nous étions bien décidés à ne pas nous laisser manger. Dans mon esprit, cette représentation était devenue une bataille, un combat pour la vie, j'en avais oublié mon trac mais aussi, hélas, ma concentration et, dans notre euphorie belliqueuse, Ivernel et moi avons gaillardement surjoué toute la première partie de la pièce. Mais à l'entracte, nous étions plutôt contents de nous, les applaudissements avaient été suffisamment nourris. Poux une "générale", nous avions senti le public bien disposé à notre égard. Anouilh débarqua sur scène avec son sourire sarcastique et furieux : "Qu'est-ce qui vous a pris ! Vous hurlez, c'est vraiment très mauvais, vous faites n'importe quoi. On va se faire massacrer ! Essayez tout de même de sauver la deuxième partie !" Puis il disparut, suivi de son inséparable Piétri(2). J'étais consterné, d'autant plus que j'attendais la visite promise de Chantal et Pierre(3) à l'entracte et que je ne voyais personne arriver, même pas un petit mot d'encouragement, ou une indication utile sur ma prestation. Rien. Heureusement, la deuxième partie, plus grave pour mon personnage, plus méditative et tragique, risquait moins de m'entraîner à surjouer. J'avais donc conscience de pouvoir me ressaisir, et échapper au massacre annoncé par l'auteur. Je m'appliquai à jouer sagement, sérieusement, laborieusement, humblement, sans le moindre plaisir. Et ce fut un triomphe !
Le public criait : "Bravo", ce qui était exceptionnel à l'époque, et rappelait sans cesse sur scène les deux personnages principaux. Ce soir-là, le rôle, la pièce, le public, les critiques, les photographes, les astres, l'air du temps, la chance, firent de moi une vedette de théâtre.

1) Daniel Ivernel - Autre acteur, qui joue avec Bruno Crémer.
2) Piétri - Metteur en scène de la pièce.
3) Chantal, épouse de Bruno Crémer ; Pierre, ami du couple.

Bruno Crémer, Un certain jeune homme, 2000,
Livre de Poche, rééd. 2003, p. 283-284.

QUESTIONS (15 points)

l - Le défi (5 points)

1. A quel genre littéraire cet extrait appartient-il ? Justifiez votre réponse à l'aide du paratexte et des indices du texte. (1 point)

2. Pourquoi la salle est-elle terrifiante (l.7) pour les acteurs ? (1 point)

3. Dans quel état d'esprit Bruno Crémer aborde-t-il cette première représentation ? Quel est le champ lexical qui vous l'indique ? Citez quatre mots ou expressions appartenant à ce champ. (2 points)

4. En prenant appui sur vos réponses précédentes, dites comment se manifeste chez Bruno Crémer la volonté de faire de cette "générale" un succès. (1 point)

II - La déception (5 points)

1. Expliquez le sens du mot surjoué (l.11) après avoir donné sa formation. (l point)

2. Pour une "générale", nous avions senti le public bien disposé à notre égard Anouilh débarqua sur scène avec son sourire sarcastique et furieux. (l.13-15).
Quel rapport logique établissez-vous entre ces deux phrases ? Par quel connecteur pouvez-vous traduire ce rapport ? (1 point)

3. Anouilh débarqua sur scène avec son sourire sarcastique et furieux : "(...) vous faites n 'importe quoi. On va se faire massacrer ! Essayez tout de même de sauver la deuxième partie !" (l 14-17)
Mettez ce passage au discours indirect en commençant par " et hurla " et en opérant toutes les modifications nécessaires. Selon vous, pourquoi Bruno Crémer a-t-il choisi de rapporter au discours direct les propos de Jean Anouilh ? (2 points)

4. Dans les lignes 17 à 23, dites ce qui renforce le découragement soudain de Bruno Crémer. Quel terme indique qu'il n'a cependant pas perdu espoir ? (1 point)

III - Le triomphe (5 points)

1. Je m'appliquais à jouer sagement, sérieusement, laborieusement, humblement, sans le moindre plaisir. (l.24-25).
A quelle classe grammaticale (nature) ces termes en "-ment" appartiennent-ils ? Quel effet de style Bruno Crémer cherche-t-il à obtenir dans cette phrase ? (1 point)

2. Et ce fut un triomphe ! (l. 25).
Quels sentiments cette phrase traduit-elle ? Comment s'oppose-t-elle à la phrase qui précède ? (2 points)

3. A quoi et à qui Bruno Crémer attribue-t-il le succès de la pièce ? Finalement, qu'a-t-il appris sur son métier d'acteur lors de cette "générale" ? (2 points)

REECRITURE (3 points)

Ce matin du 8 octobre 1959, depuis deux jours, j'avais trente ans et j'étais résolu à me battre et à m'affirmer. En arrivant dans les coulisses du théâtre, j'ai rencontré un Ivernel aussi combatif que moi. Nous nous sommes embrassés, bien décidés à "mettre le paquet". (l.1-4).

Réécrivez ce texte en remplaçant "je" par "elle" et en effectuant les modifications nécessaires.

Attention : les fautes de copie seront sanctionnées.

LE CORRIGÉ

I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?

Il s'agit d'un texte narratif. Plus précisément une autobiographie écrite par un acteur, Bruno Crémer, qui revient sur les débuts de sa carrière et sur le moment de sa vie qui a déclenché sa notoriété. Tout est vu par son regard (focalisation interne). Les questions traitent des trois parties du texte et reviennent sur les impressions de Crémer, son état d'esprit avant la pièce, à l'entracte et à la fin de la représentation.

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

Ce sujet ne présente pas de difficultés majeures. Les questions mettent en évidence la focalisation interne de l'autobiographie. Toutes les questions, qu'elles soient grammaticales, lexicales ou sémantiques, renvoient à cette problématique.

III - LES QUESTIONS (15 points)

I. Le défi (5 points)

1. (0,50 + 0,50 point)
Cet extrait est un récit. Il appartient au genre autobiographie.
Dans le genre autobiographique on s'intéresse plus particulièrement à l'étude de l'énonciation et à ses marques : 1ère personne du singulier ou du pluriel : pronoms personnels (je : lignes 1, 2, 18, 23. nous : 3, 4,5... ) et déterminants (mon/ma : 10, 20,21 notre/nos : 10). On peut aussi étudier le jeu des temps verbaux. En effet, le récit autobiographique se caractérise par la distance qui sépare le moment de l'écriture et celui du récit. On peut noter ici, l'utilisation du passé. L'autobiographie repose sur des faits réels, des personnes réelles. Dans ce texte, Crémer fait allusion à l'auteur Jean Anouilh ainsi qu'à Piétri, son metteur en scène fétiche, comme il est précisé dans la note 2. Crémer cite aussi le nom des personnalités présentes dans la salle pour renforcer la véracité du récit. Les noms propres renvoient tous à la vie de l'acteur.

2. (0,50 + 0,50 point)
La salle est terrifiante car une "générale " est toujours difficile. De plus Crémer cite de nombreuses personnalités (metteurs en scène st acteurs) présentes dans la salle. L'effet d'accumulation produit, renforce la "charge" d'angoisse pour les acteurs.

3. (0,50 + 0,50 + 0,25 + 0,25 + 0,25 + 0,25 points)
Bruno Crémer est dans un état d'esprit tout à fait particulier. Tout d'abord par rapport à son âge. Il a trente ans. Il s'agit d'une date clef. Il doit s'imposer à la fois face au public, à l'auteur et aux personnalités présentes dans la salle. Tous ces éléments renforcent l'esprit combatif dans lequel il se trouve comme nous l'indique l'étude du champ lexical, celui de la lutte, de la bataille : me battre - combatif- "mettre le paquet" - l'enlever au Tonus - nous laisser manger - bataille - combat pour la vie - belliqueux

4. (0,50 + 0,50 point)
La volonté de Bruno Crémer se traduit par son énergie (aussi combatif l.3), sa résolution (décidés à "mettre le paquet" l. 4 - résolu à me battre l.1 et 2) son euphorie ( Ivernel et moi avons gaillardement surjoué l.11)

II. La déception (5 points)

1. (0,25 + 0,25 + 0,50 point)
Le mot surjoué est formé du préfixe "sur" marquant l'intensité, l'exagération et du verbe "jouer". Cela signifie jouer en exagérant.

2. (0,50 + 0,50 point)
Le rapport logique entre les deux phrases est un rapport d'opposition.
Les connecteurs qui traduisent ce rapport sont bien que - quoique - mais - or - cependant - pourtant... On pouvait aussi penser à tandis que, alors que.

3. (1,50 point)
Discours indirect.
Anouilh débarqua sur scène avec son sourire sarcastique et furieux, et hurla que nous faisions n'importe quoi, qu'on allait se faire massacrer, et que nous devions essayer tout de même de sauver la deuxième partie.
Si Bruno Crémer a fait le choix du discours direct c'est pour rendre l'action plus présente, plus vivante et pour insister sur l'importance des propos d'Anouilh : l'intervention de celui-ci modifie brutalement les sentiments de Bruno Crémer.

4. (0,50 + 0,50 point)
Le découragement de Bruno Crémer est renforcé par l'absence de Chantal (sa femme) et de Pierre (son ami) (1. 18-19) ainsi que par l'absence de mot d'encouragement (1. 19-20. Cependant on peut voir qu'il n'a pas perdu complètement espoir grâce à l'adverbe Heureusement. (l.21)

III. Le triomphe (5 points)

1. (0,50 + 0,50 point)
Les termes en -ment appartiennent à la classe grammaticale des adverbes
L'effet de style que cherche à obtenir Bruno Crémer est une énumération, une accumulation. Cela insiste aussi sur l'effet pesant de la pièce donné par le jeu des acteurs.

2.(0,50 + 0,50 + 0,50 + 0,50 point)
Et ce fut un triomphe : par cette phrase, Bruno Crémer indique à la fois sa joie et son étonnement.
Cette phrase s'oppose à la phrase qui précède d'une part par la marque de l'exclamation et d'autre part par l'utilisation du connecteur et qui marque une transition proche de l'opposition. Le mot triomphe est hyperbolique. On peut aussi noter la brièveté de la phrase par rapport à la précédente.

3.(1 + 0,50 + 0,50 point)
Tous les éléments du succès de la pièce se trouvent dans les lignes 27 et 28.
Ce que Bruno Crémer a appris c'est que l'énergie et le trop grand enthousiasme peuvent être dangereux. C'est qu'il faut se mettre humblement au service de son personnage et c'est enfin que le succès n'est pas forcément lié à l'acteur (nécessité de la modestie).

IV - L'EXERCICE DE REECRITURE (3 points)

Ce matin du huit octobre 1959, depuis deux jours, elle avait trente ans et elle était résolue à se battre et à s'affirmer. En arrivant dans les coulisses, elle a rencontré un Ivernel aussi combatif qu'elle. Ils se sont embrassés, bien décidés à "mettre le paquet".

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