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Annales gratuites Bac 1ère STI : Ecriture d'invention

Le sujet  2010 - Bac 1ère STI - Français - Ecriture d'invention Imprimer le sujet
Avis du professeur :
L'invention propose une réécriture avec changement de point de vue : le regard de Lantier au lieu de celui de Gervaise. De l'angoisse de Gervaise, on passe à l'indifférence ou tout autre sentiment de Lantier vraisemblablement peu préoccupé par l'inquiétude de sa compagne.
La difficulté consiste à ne pas trop répéter simplement le texte tout en y restant fidèle, ce sont les mêmes éléments qui vont attirer le regard de Lantier.
LE SUJET

Invention

Lantier, attendu par Gervaise, revient d’une nuit de festivités qui le conduit à porter un regard sur la ville tout à fait opposé à celui de sa compagne. Décrivez de son point de vue le spectacle de la ville et du mouvement de la foule au petit matin, en vous efforçant d’en faire ressortir le charme et la poésie.

Votre texte sera essentiellement descriptif et mettra en valeur les sensations et les sentiments du personnage ; vous conserverez le niveau de langue utilisé par Zola (texte B).

Texte B : Zola, L’assommoir

Gervaise, blanchisseuse dans le quartier de la Goutte d’Or à Paris, attend au petit matin son amant Auguste Lantier qui, pour la première fois, n’est pas rentré de la nuit. Elle le guette depuis sa fenêtre.

L’hôtel se trouvait sur le boulevard de la Chapelle, à gauche de la barrière Poissonnière. C’était une masure de deux étages, peinte en rouge lie de vin jusqu’au second, avec des persiennes pourries par la pluie. Au-dessus d’une lanterne aux vitres étoilées, on parvenait à lire entre les deux fenêtres : Hôtel Boncoeur, tenu par Marsoullier, en grandes lettres jaunes, dont la moisissure du plâtre avait emporté des morceaux. Gervaise, que la lanterne gênait, se haussait, son mouchoir sur les lèvres. Elle regardait à droite, du côté du boulevard de Rochechouart, où des groupes de bouchers, devant les abattoirs, stationnaient en tabliers sanglants ; et le vent frais apportait une puanteur par moments, une odeur fauve de bêtes massacrées. Elle regardait à gauche, enfilant un long ruban d’avenue, s’arrêtant presque en face d’elle, à la masse blanche de l’hôpital de Lariboisière, alors en construction. Lentement, d’un bout à l’autre de l’horizon, elle suivait le mur de l’octroi1, derrière lequel, la nuit, elle entendait parfois des cris assassinés ; et elle fouillait les angles écartés, les coins sombres, noirs d’humidité et d’ordure, avec la peur d’y découvrir le corps de Lantier, le ventre troué de coups de couteau. Quand elle levait les yeux, au-delà de cette muraille grise et interminable qui entourait la ville d’une bande de désert, elle apercevait une grande lueur, une poussière de soleil, pleine déjà du grondement matinal de Paris. Mais c’était toujours à la barrière Poissonnière qu’elle revenait, le cou tendu, s’étourdissant à voir couler, entre les deux pavillons trapus de l’octroi, le flot ininterrompu d’hommes, de bêtes, de charrettes, qui descendait des hauteurs de Montmartre et de la Chapelle. Il y avait là un piétinement de troupeau, une foule que de brusques arrêts étalaient en mares sur la chaussée, un défilé sans fin d’ouvriers allant au travail, leurs outils sur le dos, leur pain sous le bras ; et la cohue s’engouffrait dans Paris où elle se noyait, continuellement. Lorsque Gervaise, parmi tout ce monde, croyait reconnaître Lantier, elle se penchait davantage, au risque de tomber ; puis, elle appuyait plus fortement son mouchoir sur la bouche, comme pour renfoncer sa douleur.

1octroi : administration et bâtiment où se payait la taxe d’entrée de certaines denrées.

LE CORRIGÉ



I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET

Sujet

Contraintes

Lantier attendu par Gervaise revient d’une nuit de festivités qui le conduit à porter un regard tout à fait opposé à celui de sa compagne sur la ville.

  • Proposer une description de Paris, aux environs de la barrière Poissonnière.

  • Insouciance, absence d’attente de la part de Lantier, en opposition à l’attente angoissée de Gervaise

Décrivez de son point de vue le spectacle de la ville et du mouvement de la foule au petit matin …

  • Description en focalisation interne.

  • Reprendre les éléments du texte sur le mouvement de foule entrant par la porte de l’octroi.

  • Situer l’action au même moment : petit matin.

…en vous efforçant d’en faire ressortir le charme et la poésie.

  • Description qui souligne plutôt les aspects esthétiques du paysage urbain.

Votre texte sera essentiellement descriptif…




  • Vous êtes autorisé à proposer un court passage narratif de mise en place de la situation dans laquelle se trouve Lantier, par exemple laissant paraître l’humeur heureuse, insouciante et satisfaite du personnage, puisqu’il revient d’une « nuit de festivités ».

…et mettra en valeur les sensations et les sentiments du personnage.


  • Bien distinguer les sensations (notation sur le visuel, l’auditif, l’olfactif, le goût ou encore le chaud et froid mais aussi sensation de fatigue par exemple) et les sentiments liés à une soirée de festivité : joie, bonheur, plaisir satisfait.

Vous conserverez le niveau de langue utilisé par Zola

  • Niveau de langue courant, mais le registre du texte peut paraître plus soutenu du fait des métaphores.

Toute latitude est laissée au candidat pour mettre Lantier en situation de regarder la ville au petit matin :

Il peut arriver par l’octroi dans la foule et percevoir exactement les mêmes éléments que Gervaise d’un regard neuf, sans angoisse.

Vous pouvez aussi le situer en un autre endroit de Paris, au petit matin.

Caractéristiques générales du texte attendu :

Genre littéraire : roman
Type de texte : description
Enonciation : troisième personne avec narrateur externe effacé et possibilité de style indirect libre ou de style direct (monologue) pour traduire « sensations et sentiments » du personnage.
Niveau de langue : courant.

II - LES DIFFERENTS TYPES DE PLANS POSSIBLES

Les consignes du sujet indiquent les éléments attendus mais n’en prescrivent pas l’ordre.

Eléments attendus :

Description de perspectives urbaines : rues ou boulevards avec des noms propres, à la rigueur inventés si vous ne connaissez pas Paris. Description de bâtiments et de façades.

Description du mouvement de la foule allant au travail au petit matin.

Sens à exploiter : la vue, l’odorat, l’ouïe.

Sensations et sentiments de Lantier à développer.

Ordres possibles :

Un bref passage narratif mettant en situation Lantier suivi d’une page de description amorcée par « il regardait, il admirait, il suivait avec attention … »

Une amorce de description du lieu dans lequel se trouve Lantier suivie d’une description en focalisation interne, en mouvement et suivant la marche de Lantier vers le boulevard de La Chapelle.

III - LES PISTES DE REPONSES

Sensations et sentiments de Lantier :

Vous devez imaginer son humeur et son état d’esprit. La seule contrainte est qu’il ne soit pas angoissé au même titre que Gervaise.

Ses sentiments peuvent être de la joie, du contentement, du plaisir, de l’insouciance, sentiments possibles après « une nuit de festivités ». Il peut aussi être heureux à l’idée de retrouver Gervaise.

Sans être angoissé, il peut être ennuyé à l’idée de rentrer si tard, se plaire à voir la foule circuler et ainsi oublier ses tracas personnels et retarder le moment du retour. Il peut idéaliser ce qu’il voit en opposition avec le malaise, la culpabilité ou l’ennui qu’il peut ressentir.

Vous pouvez imaginer une sensation de fatigue, de vertige agréable qui serait liée à un abus de boisson et déformerait les sensations visuelles ou auditives.

Comment les exprimer ?

Manifestation physique des sensations et des sentiments. Gervaise a « son mouchoir sur les lèvres », elle l’appuie « fortement (…) sur la bouche, comme pour renfoncer sa douleur ». Lantier peut jouer avec un couvre chef, une cigarette, une veste … Sa démarche dans la rue, le rythme de son pas, ses arrêts éventuels peuvent signifier son état d’esprit.

Brefs passages d’analyse : « avec la peur d’y découvrir le corps de Lantier » lignes 14-15. Donc possibilité de reproduire ce système de notation

Autre solution non proposée par le texte : style indirect libre du type « Il songeait à ces pauvres malheureux qui se rendaient au travail. Quelle satisfaction de savoir sa journée libre, un soleil qui s’élevait pour une journée libre de labeur … » ou monologue intérieur en style direct, du type « Il songeait » : « Pauvres malheureux qui doivent se rendre au travail. Béni ce jour qui me voit chômer au soleil ! Après une nuit de bonheur !»

Description du point de vue de Lantier

Lantier ne retient pas les sensations désagréables relevées dans le texte support : « odeurs nauséabondes, ombre et humidité, murs et sensations d’enferment, « grondement matinal » / Rues et avenues sous le soleil, dans la lumière ; façades agréables à l’œil par leur élégance ornementale ou par leur matériau ; odeurs végétales ou agréables ; bruit léger de trot de cheval ou de calèche, pépiements des oiseaux …

Procédés d’écriture attendus :

Métaphore ou comparaison comme dans le texte support : « un piétinement de troupeau » ou « une odeur fauve de bêtes massacrées » qui révèlent l’angoisse de Gervaise craignant la mort de son amant.



IV - Exemple de production

« Lantier cheminait le long de l’avenue de la République. Il venait de passer une nuit bienheureuse en compagnie de ses amis, tous joyeux vivants et amateurs d’absinthe. Il n’avait pas vu passer la nuit et le petit matin le surprit quand il franchit le seuil de l’appartement. Un soleil radieux, heureux comme il l’était lui-même, éclairait la façade et la lavait de toutes les fatigues de la nuit et du temps. Un soleil plein de promesse qui éveillait gentiment les oiseaux perchés sur les branches de platane qui longeaient la vaste avenue. Il prit le temps de les observer : c’étaient des moineaux, des pigeons s’éveillant à l’air qui allait se réchauffant, s’essayant à quelque vol matinal, comme s’ils se balançaient sur les feuilles qu’ils effleuraient de leurs ailes. Lantier se sentit alors une âme de rêveur, s’égaillant dans les vapeurs matinales d’une nuit de légère ivresse. Il ne songeait à rien, pas même à Gervaise ; il savourait cette lumière blanche et douce de l’aube naissante, il s’amusait des jeux que l’on menait au-dessus de sa tête ignorant encore la foule des hommes partis tôt au travail. Il avait repris sa marche d’un pas lent et nonchalant, il laissait errer ses yeux sur ces jolies façades bourgeoises avec leurs corniches sculptées et leurs larges fenêtres. Leurs entrées somptueuses respiraient le luxe et la sérénité et elles se succédaient en ordre et selon un rythme régulier qui le berçait. Tous dormaient ici encore, et il accéléra le pas, pris soudain du désir de retrouver la chaleur du lit et les caresses de sa maîtresse.

Toutefois, plus il avançait, plus les immeubles perdaient de leur superbe. Lantier était d’humeur heureuse et ne voyait que la lumière sur les façades qui faisait reculer les ombres de la nuit, les volets ou les persiennes, s’ouvraient pour faire entrer l’air neuf du matin dans les intérieurs encore sombres. Il entendait le cri joyeux des enfants qui, dès le lever, s’emparaient avec ardeur de la vie, et si les mères hurlaient, Lantier n’y entendait que le tintamarre de voix assourdies pas sa fatigue. A chaque entrée d’immeuble, à présent il croisait quelqu’un, le trottoir se peuplait d’ouvriers vaguement éveillés, se suivant sans se voir, guidés par un fil invisible qui semblait les mener dans ce labyrinthe de rues étroites vers les ateliers installés sur les boulevards. Les échoppes ouvraient leurs portes comme à présent la perspective de La Chapelle. Lantier avait la sensation d’être porté par cette foule, de ne plus avoir à fournir le moindre effort pour rejoindre l’hôtel Boncoeur… »

IV – FAUSSES PISTES

Le sujet ne se prête pas à un texte à la première personne.

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