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Annales gratuites Bac 1ère STI : Le Clézio, Désert

Le sujet  2010 - Bac 1ère STI - Français - Commentaire littéraire Imprimer le sujet
Avis du professeur :
Le texte de Le Clézio propose la lecture d'un extrait de roman : la promenade en ville d'une pauvre enfant immigrée à Marseille.
Sans difficulté du point de vue du vocabulaire, le texte est plutôt facile d'accès, peu complexe et bien mis en perspective par le chapeau.
LE SUJET

Faites le commentaire du texte de Le Clézio (document D) en vous aidant du parcours de lecture suivant :

  • Montrer comment se met en place la description de la « vieille ville » et ses caractéristiques.

  • Analysez comment se traduit le sentiment de malaise et de peur qu’elle inspire à Lalla.





Texte D : Le Clézio, Désert

Lalla, née dans le désert, a vécu une enfance heureuse dans le bidonville d’une grande cité marocaine.

Adolescente, elle est obligée de fuir et se rend à Marseille. Elle y découvre la misère et la faim, « la vie chez les esclaves ».

Lalla continue à marcher, en respirant avec peine. La sueur coule toujours sur son front, le long de son dos, mouille ses reins, pique ses aisselles. Il n’y a personne dans les rues à cette heure-là, seulement quelques chiens au poil hérissé, qui rongent leurs os en grognant. Les fenêtres au ras du sol sont fermées par des grillages, des barreaux. Plus haut, les volets sont tirés, les maisons semblent abandonnées. Il y a un froid de mort qui sort des bouches des soupirails , des caves, des fenêtres noires. C’est comme une haleine de mort qui souffle le long des rues,qui emplit les recoins pourris au bas des murs. Où aller ? Lalla avance lentement de nouveau, elle tourne encore une fois à droite, vers les murs de la vieille maison. Lalla a toujours un peu peur, quand elle voit ces grandes fenêtres garnies de barreaux, parce qu’elle croit que c’est une prison où les gens sont morts autrefois ; on dit même que la nuit, parfois, on entend les gémissements des prisonniers derrière les barreaux des fenêtres. Elle descend maintenant le long de la rue des Pistoles, toujours déserte, et par la traverse de la Charité, pour voir, à travers le portail de pierre grise, l’étrange dôme rose qu’elle aime bien. Certains jours elle s’asseoit sur le seuil d’une maison, et elle reste là à regarder très longtemps le dôme qui ressemble à un nuage, et elle oublie tout, jusqu’à ce qu’une femme vienne lui demander ce qu’elle fait là et l’oblige à s’en aller.

Mais aujourd’hui, même le dôme rose lui fait peur, comme s’il y avait une menace derrière ses fenêtres étroites, ou comme si c’était un tombeau. Sans se retourner, elle s’en va vite, elle redescend vers la mer, le long des rues silencieuses.

LE CORRIGÉ

I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET



Sujet

Contraintes

Faites le commentaire du texte de Le Clézio en vous aidant du parcours suivant :


  • Un texte descriptif et narratif de Le Clézio.

Montrez comment se met en place la description de la vieille ville et ses caractéristiques.


  • Procédés d'écriture choisis pour rendre visible à son lecteur un lieu.

Analysez comment se traduit le sentiment de malaise et de peur qu'elle inspire à Lalla.

  • Procédés d'écriture choisis pour rendre perceptible les sentiments du personnage qui évolue dans ce décor.




II - LES DIFFERENTS TYPES DE PLANS POSSIBLES

Le plan est proposé par la consigne elle-même :

1) la description de la vieille ville et de ses caractéristiques ;
2) l'expression du malaise et de la peur.

III - LES PISTES DE REPONSES

Il faut rappeler dans l'introduction les caractéristiques du texte. Le personnage principal, Lalla, erre dans Marseille. Le texte, qui rend visible pour le lecteur le spectacle qui s'offre au regard de la jeune femme, fait une large place aux sentiments de la jeune femme, exprimés le plus souvent indirectement, c’est-à-dire à travers sa description physique et son attitude.

La problématique revient à se demander comment le passage parvient à peindre tout à la fois une réalité extérieure, la ville, et une réalité intérieure : la peur et le malaise croissants de Lalla.

PREMIERE PARTIE

La description commence par donner une image globale par l'emploi de groupes nominaux peu caractérisés au pluriel : "les rues", "quelques chiens", puis envisage des détails selon le même procédé : "les fenêtres", "les volets", "des soupirails", "des caves, des fenêtres noires".

(Notons au passage la faute sur le pluriel de « soupirail » qui devrait être écrit « soupiraux ». S’agit-il d’une coquille de l’auteur ou d’un effet de focalisation interne voulu ? C’est la petite Lalla qui regarde et nomme dans sa langue fautive.)

Le mouvement est très fortement marqué. Il est commandé par le déplacement du personnage. Le lecteur suit Lalla comme l'indiquent les nombreux verbes qui rapportent son déplacement : "continue à marcher" ligne 1, "Lalla avance lentement" ligne 8, "elle tourne encore une fois à droite" ligne 9, "elle descend maintenant" ligne 13, "elle redescend" ligne 21.

Le regard de Lalla est aussi l'un des axes de composition par le recours au champ lexical de la vue : "voit" ligne 10, "voir" ligne 14, "regarder très longtemps" ligne 16. Du coup, la description suit un parcours significatif : elle part du bas pour évoquer les "chiens", les "fenêtres au ras du sol", "les caves", ""au bas des murs". La mention "Plus haut" indique par la suite que le regard s'est déplacé : Lalla balaie du regard "les volets" avant de s'arrêter sur une maison en détail appelée "la vieille maison" ligne 9.

Ses yeux se posent sur certains bâtiments qui suscitent inquiétude ou émoi : ainsi le dôme de la Charité constitue habituellement une pause pour le personnage et donne lieu à une pause dans la description qui se fait plus précise et poétique et s'oriente vers le ciel par la comparaison du dôme à un nuage. Le lecteur peut éprouver l'envie de Lalla de fuir une réalité sombre par cette tension entre verticalité et horizontalité.



Cette impression est confirmée par le champ lexical de l'enfermement qui marque le décor : le mot "barreaux" est répété aux lignes 5, 10 et 13. Les nombreuses fenêtres et portes évoquées jouent le même rôle et la vieille maison qui ressemble à une prison est en fait une réduction de cette ville hostile dont les seuls habitants, des chiens, sont menaçants.

Transition

Lalla semble enfermée à l'extérieur, et en fuite. Mais le texte ne se limite pas à rendre visible pour le lecteur le lieu dans lequel évolue le personnage. Le choix d'une focalisation interne permet aussi de lui faire percevoir les sentiments qui oppressent Lalla.

DEUXIEME PARTIE

Le texte mentionne explicitement les sentiments du personnage. Le passage mentionne aux lignes 9-10 que "Lalla a toujours un peu peur" puis se clôt sur "le dôme rose lui fait peur". Mais cette mention a été largement préparée en amont. La focalisation interne est indiquée notamment par la question "Où aller ?" de la ligne 8 qui peut apparaître comme du discours indirect libre.

L'extrait décrit d'abord des symptômes physiologiques chez Lalla : "La sueur coule sur son front, le long de son dos, mouille ses reins, pique ses aisselles". Ils pourraient se limiter à évoquer l'effort qui fait qu'elle "respir(e) avec peine" dans sa course mais d'autres indices confortent l'hypothèse d'un malaise et d'une peur.

Le décor alentour est rendu inquiétant par de nombreux adjectifs qualificatifs : le "poil hérissé" des chiens "grognant" indique leur agressivité, les "fenêtres noires", "les recoins pourris", "la vieille maison" renvoient à la mort.

Ce thème intervient d'ailleurs à plusieurs reprises, notamment dans des comparaisons : "les volets tirés et les maisons abandonnées" peuvent dire métaphoriquement la mort de la ville. Le Clézio dit explicitement qu' "un froid de mort" ligne 6, qu'une "haleine de mort" ligne 7 se répandent.

La ville paraît même animalisée ou personnifiée : les "bouches des soupirails" peuvent faire intervenir une anatomie animale ou humaine que relaie le mot "haleine". De la même façon, le texte bascule dans le registre fantastique aux lignes 11-12 : la rumeur indiquée par le recours à l'indéfini "on" fait intervenir des fantômes puisqu'"on entend les gémissements des prisonniers".

Autre élément du malaise, l'écart noté par Lalla entre une habitude et ce qu'elle voit ce jour-là. La fin de l'extrait évoque de façon méliorative le dôme tel qu'il est vu "certains jours" et qui devient pour Lalla un support de rêverie avant de préciser qu'"aujourd'hui", il "lui fait peur". Les mots "menace" puis "tombeau" utilisés au sein de comparaisons aux lignes 19-20 achèvent d'indiquer que le personnage ressent de façon singulière le décor familier qui l'entoure. D'ailleurs, l'ultime action est une fuite qui confirme l'effroi suscité par le lieu sur Lalla.

CONCLUSION

Le Clézio parvient à peindre le décor dans lequel évolue son personnage tout en exprimant les sentiments éprouvés par ce dernier. Il exprime de façon saisissante l'oppression subie par Lalla dans une ville étrangère et inquiétante tant elle semble marquée par la mort.



IV - LES FAUSSES PISTES



Il ne fallait pas se répéter dans les deux axes et bien distinguer les éléments qui concernent le lieu de ceux qui renvoient aux sentiments du personnage.

















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