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Annales gratuites Bac 1ère ES : Le spectateur au théâtre

Le sujet  2009 - Bac 1ère ES - Français - Dissertation Imprimer le sujet
Avis du professeur :

Le sujet porte sur les rapports entre la création théâtrale et le public. Est-il simplement récepteur ou participe-t-il à l'élaboration de la représentation, et, si oui, dans quel sens ?
Le sujet est difficile surtout pour un élève qui n'aurait assisté à aucune représentation.
LE SUJET


(16 points)
Dans quelle mesure le spectateur est-il partie prenante de la représentation théâtrale ?
Vous répondrez en faisant référence aux textes du corpus, aux œuvres étudiées en classe, et à celles que vous avez vues ou lues.



Texte A : Molière, La Critique de L'Ecole des femmes

La Critique de L'Ecole des femmes met en scène un débat entre des personnages adversaires et partisans de la pièce L'Ecole des femmes, "quatre jours après" la première représentation. Quand Dorante entre en scène, la discussion est en cours.

     SCÈNE V
     DORANTE, LE MARQUIS, CLIMENE, ELISE, URANIE.

     DORANTE
     Ne bougez, de grâce, et n'interrompez point votre discours. Vous êtes là sur une
     matière qui, depuis quatre jours, fait presque l'entretien de toutes les maisons de
     Paris, et jamais on n'a rien vu de si plaisant que la diversité des jugements qui se
     font là-dessus. Car enfin j'ai ouï condamner cette comédie à certaines gens, par les
5   mêmes choses que j'ai vu d'autres estimer le plus.

     URANIE
     Voilà Monsieur le Marquis qui en dit force mal.

     LE MARQUIS
     Il est vrai, je la trouve détestable ; morbleu ! détestable du dernier détestable ; ce
     qu'on appelle détestable.

     DORANTE
     Et moi, mon cher Marquis, je trouve le jugement détestable.

     LE MARQUIS
10  Quoi ! Chevalier, est-ce que tu prétends soutenir cette pièce ?

     DORANTE
     Oui, je prétends la soutenir.

     LE MARQUIS
     Parbleu ! je la garantis détestable.

     DORANTE
     La caution n'est pas bourgeoise(1). Mais, Marquis, par quelle raison, de grâce, cette
     comédie est-elle ce que tu dis ?

     LE MARQUIS
15  Pourquoi elle est détestable ?

     DORANTE
     Oui.

     LE MARQUIS
     Elle est détestable, parce qu'elle est détestable.

     DORANTE
     Après cela, il n'y a plus rien à dire : voilà son procès fait. Mais encore instruis-nous,
     et nous dis les défauts qui y sont.

     LE MARQUIS
20  Que sais-je, moi ? je ne me suis pas seulement donné la peine de l'écouter. Mais
     enfin je sais bien que je n'ai jamais rien vu de si méchant(2), Dieu me damne ; et
     Dorilas, contre qui(3) j'étais, a été de mon avis.

     DORANTE
     L'autorité est belle, et te voilà bien appuyé.

     LE MARQUIS
     Il ne faut que voir les continuels éclats de rire que le parterre(4) y fait : je ne veux point
25  d'autre chose pour témoigner qu'elle ne vaut rien.

     DORANTE
     Tu es donc, Marquis, de ces Messieurs du bel air(5), qui ne veulent pas que le parterre
     ait du sens commun, et qui seraient fâchés d'avoir ri avec lui, fût-ce de la meilleure
     chose du monde ? Je vis l'autre jour sur le théâtre(6) un de nos amis, qui se rendit
     ridicule par là. Il écouta toute la pièce avec un sérieux le plus sombre du monde ; et
30  tout ce qui égayait les autres ridait son front. A tous les éclats de rire, il haussait les
     épaules, et regardait le parterre en pitié ; et quelquefois aussi le regardant avec
     dépit, il lui disait tout haut : " Ris donc, parterre, ris donc ! "Ce fut une seconde
     comédie, que le chagrin(7) de notre ami. Il la donna en galant homme à toute
     l'assemblée(8), et chacun demeura d'accord qu'on ne pouvait pas mieux jouer qu'il fit.
35  Apprends, Marquis, je te prie, et les autres aussi, que le bon sens n'a point de place
     déterminée à la comédie ; que la différence du demi-louis d'or et de la pièce de
     quinze sols(9) ne fait rien du tout au bon goût ; que, debout et assis, on peut donner un
     mauvais jugement ; et qu'enfin, à le prendre en général, je me fierais assez à
     l'approbation du parterre, par la raison qu'entre ceux qui le composent il y en a
40  plusieurs qui sont capables de juger d'une pièce selon les règles, et que les autres
     en jugent par la bonne façon d'en juger, qui est de se laisser prendre aux choses, et
     de n'avoir ni prévention aveugle, ni complaisance affectée, ni délicatesse ridicule.

     LE MARQUIS
     Te voilà donc, Chevalier, le défenseur du parterre ? Parbleu ! je m'en réjouis, et je ne
     manquerai pas de l'avertir que tu es de ses amis. Hai ! hai ! hai ! hai ! hai ! hai !

     DORANTE
45  Ris tant que tu voudras. Je suis pour le bon sens, et ne saurais souffrir les ébullitions
     de cerveau de nos marquis de Mascarille(10). J'enrage de voir de ces gens qui se
     traduisent en ridicules, malgré leur qualité ; de ces gens qui décident toujours et
     parient hardiment de toutes choses, sans s'y connaître ; qui dans une comédie se
     récrieront aux méchants endroits, et ne branleront pas à ceux qui sont bons ; qui
50  voyant un tableau, ou écoutant un concert de musique, blâment de même et louent
     tout à contre-sens, prennent par où ils peuvent les termes de l'art qu'ils attrapent, et
     ne manquent jamais de les estropier, et de les mettre hors de place. Eh, morbleu !
     Messieurs, taisez-vous, quand Dieu ne vous a pas donné la connaissance d'une
     chose ; n'apprêtez point à rire à ceux qui vous entendent parler, et songez qu'en ne
55  disant mot, on croira peut-être que vous êtes d'habiles gens.


(1) Remarque moqueuse : une garantie était dite "bourgeoise" quand elle était fournie par une personne solvable. Le marquis est un aristocrate.
(2) méchant : mauvais, sans valeur.
(3) contre qui : à côté de qui.
(4) le parterre : les spectateurs, qui n'appartenaient pas à l'aristocratie, s'y tenaient debout.
(5) le "bel air" : les belles manières, celles des gens "de qualité". Expression qui, après avoir été à la mode, s'employait souvent ironiquement.
(6) Certains spectateurs, appartenant à l'aristocratie, prenaient place sur des chaises, de chaque côté de la scène.
(7) chagrin : mauvaise humeur.
(8) Remarque moqueuse : en homme de bonne compagnie, puisqu'il s'offre lui-même en spectacle au public.
(9) Fait allusion au prix payé par les spectateurs assis aux places "sur le théâtre", et par ceux qui sont debout, au parterre.
(10) Mascarille : ce valet, dans Les Précieuses ridicules, singeait les marquis, ainsi ridiculisés par Molière.



Texte B : Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac

Le premier acte est intitulé : « Une représentation à l'Hôtel de Bourgogne ». La didascalie initiale indique : "en 1640 ».

     [...]

     LA SALLE
     Commencez !

     UN BOURGEOIS, dont la perruque s'envole au bout d'une ficelle, pêchée par un
     page de la galerie supérieure.
     Ma perruque !

     CRIS DE JOIE
     Il est chauve !...
     Bravo, les pages !... Ha ! ha ! ha !...

     LE BOURGEOIS, furieux, montrant le poing.
5   Petit gredin !

     RIRES ET CRIS, qui commencent très fort et vont décroissant.
     Ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! ha !

     (Silence complet)

     LE BRET, étonné.
     Ce silence soudain ?...
     Un spectateur lui parle bas.
     Ah ?...

     LE SPECTATEUR
     La chose me vient d'être certifiée.

     MURMURES, qui courent.
10  Chut ! - Il paraît ?... - Non ! - Si ! - Dans la loge grillée.
     - Le Cardinal ! - Le Cardinal ? - Le Cardinal(1) !

     UN PAGE
     Ah ! diable, on ne va pas pouvoir se tenir mal !...

     On frappe sur la scène. Tout le monde s'immobilise. Attente.

     LA VOIX D'UN MARQUIS, dans le silence, derrière le rideau.(2)
     Mouchez cette chandelle(3) !

     UN AUTRE MARQUIS, passant la tête par la fente du rideau.
     Une chaise !

     Une chaise est passée, de main en main, au-dessus des têtes. Le marquis la prend
     et disparaît, non sans avoir envoyé quelques baisers aux loges.

     UN SPECTATEUR
15  Silence !

     On refrappe les trois coups. Le rideau s'ouvre. Tableau. Les marquis assis sur les
     côtés, dans des poses insolentes. Toile de fond représentant un décor bleuâtre de
     pastorale. Quatre petits lustres de cristal éclairent la scène. Les violons jouent
     doucement.

     LE BRET, à Ragueneau, bas.
     Montfleury(4) entre en scène ?

     RAGUENEAU, bas aussi.
     Oui, c'est lui qui commence.

     LE BRET
     Cyrano n'est pas là.

     RAGUENEAU
     J'ai perdu mon pari(5).

     LE BRET
20  Tant mieux ! tant mieux !

     On entend un air de musette, et Montfleury paraît en scène, énorme, dans un
     costume de berger de pastorale, un chapeau garni de roses penché sur l'oreille, et
     soufflant dans une cornemuse enrubannée.

     LE PARTERRE, applaudissant.
     Bravo, Montfleury ! Montfleury !


(1) Le cardinal Richelieu, qui assistait parfois aux spectacles, et qui faisait régner son autorité sur les lettres et les arts.
(2) Certains spectateurs, appartenant à l'aristocratie, prenaient place sur des banquettes et des chaises, de chaque côté de la scène.
(3) L'éclairage aux chandelles exigeait qu'on les éteigne et qu'on les remplace fréquemment.
(4) Montfleury : cet acteur a véritablement existé, jouant notamment à l'Hôtel de Bourgogne, puis dans la troupe de Molière.
(5) Ragueneau a parié que Cyrano, qui avait interdit à Montfleury de se produire "pour un mois", viendrait le chasser de la scène. Et, en effet Cyrano va faire bientôt son entrée.



Texte C : Paul Claudel, Le Soulier de satin

PREMIÈRE JOURNÉE

[...]

Coup bref de trompette.

La scène de ce drame est le monde et plus spécialement l'Espagne à la fin du XVIe, à moins que ce ne soit le commencement du XVIIe siècle. L'auteur s'est permis de comprimer les pays et les époques, de même qu'à la distance voulue plusieurs lignes de montagnes séparées ne sont qu'un seul horizon.

Encore un petit coup de trompette. Coup prolongé de sifflet comme pour la manœuvre d'un bateau.
Le rideau se lève.

SCÈNE PREMIÈRE

L'Annoncier(1), le Père Jésuite.

     L'Annoncier - Fixons, je vous prie, mes frères, les yeux sur ce point de l'Océan
     Atlantique qui est à quelques degrés au-dessous de la Ligne(2) à égale distance de
     l'Ancien et du Nouveau Continent. On a parfaitement bien représenté ici l'épave d'un
     navire démâté qui flotte au gré des courants. Toutes les grandes constellations de
 5  l'un et de l'autre hémisphères, la Grande Ourse, la Petite Ourse, Cassiopée, Orion, la
     Croix du Sud, sont suspendues en bon ordre comme d'énormes girandoles(3) et
     comme de gigantesques panoplies(4) autour du ciel. Je pourrais les toucher avec ma
     canne. Autour du ciel. Et ici-bas un peintre qui voudrait représenter l'œuvre des
     pirates - des Anglais probablement - sur ce pauvre bâtiment espagnol, aurait
10  précisément l'idée de ce mât, avec ses vergues et ses agrès(5), tombé tout au travers
     du pont, de ces canons culbutés, de ces écoutilles(6) ouvertes, de ces grandes taches
     de sang et de ces cadavres partout, spécialement de ce groupe de religieuses
     écroulées l'une sur l'autre. Au tronçon du grand mât est attaché un Père Jésuite,
     comme vous voyez, extrêmement grand et maigre. La soutane déchirée laisse voir
15  l'épaule nue. Le voici qui parle comme il suit : "Seigneur, je vous remercie de
     m'avoir ainsi attaché..." Mais c'est lui qui va parler. Écoutez bien, ne toussez pas et
     essayez de comprendre un peu. C'est ce que vous ne comprendrez pas qui est le
     plus beau, c'est ce qui est le plus long qui est le plus intéressant et c'est ce que vous
     ne trouverez pas amusant qui est le plus drôle.

(Sort l'Annoncier.)
(1) L'Annoncier : "devant le rideau baissé", ce personnage," un papier à la main", a annoncé le titre de la pièce, "Le Soulier de satin ou Le Pire n'est pas toujours sûr, Action espagnole en quatre journées".
(2) la Ligne : l'équateur.
(3) girandoles a ici le sens de guirlandes lumineuses.
(4) panoplie : à l'origine, armure complète d'un chevalier, ici ensemble d'objets de décoration.
(5) Les "vergues" servent à porter la voile ; les "agrès" désignent l'ensemble de ce qui concerne la mâture d'un navire.
(6) écoutilles : ouvertures pratiquées dans le pont d'un navire pour accéder aux entreponts et aux cales.



Texte D : Jean Anouilh, Antigone

Un décor neutre. Trois portes semblables. Au lever du rideau, tous les personnages sont en scène. Ils bavardent, tricotent, jouent aux cartes. Le Prologue se détache et s'avance.

LE PROLOGUE(1)

     Voilà. Ces personnages vont vous jouer l'histoire d'Antigone. Antigone, c'est la petite
     maigre qui est assise là-bas, et qui ne dit rien. Elle regarde droit devant elle. Elle
     pense. Elle pense qu'elle va être Antigone tout à l'heure, qu'elle va surgir soudain de
     la maigre jeune fille noiraude et renfermée que personne ne prenait au sérieux dans
 5  la famille et se dresser seule en face du monde, seule en face de Créon, son oncle,
     qui est le roi. Elle pense qu'elle va mourir, qu'elle est jeune et qu'elle aussi, elle aurait
     bien aimé vivre. Mais il n'y a rien à faire. Elle s'appelle Antigone et il va falloir qu'elle
     joue son rôle jusqu'au bout... Et, depuis que ce rideau s'est levé, elle sent qu'elle
     s'éloigne à une vitesse vertigineuse de sa sœur Ismène, qui bavarde et rit avec un
10  jeune homme, de nous tous, qui sommes là bien tranquilles à la regarder, de nous
     qui n'avons pas à mourir ce soir. Le jeune homme avec qui parle la blonde, la belle,
     l'heureuse Ismène, c'est Hémon, le fils de Créon. Il est le fiancé d'Antigone. Tout le
     portait vers Ismène : son goût de la danse et des jeux, son goût du bonheur et de la
     réussite, sa sensualité aussi, car Ismène est bien plus belle qu'Antigone, et puis un
15  soir, un soir de bal où il n'avait dansé qu'avec Ismène, un soir où Ismène avait été
     éblouissante dans sa nouvelle robe, il a été trouver Antigone qui rêvait dans un coin,
     comme en ce moment, ses bras entourant ses genoux, et il lui a demandé d'être sa
     femme. Personne n'a jamais compris pourquoi. Antigone a levé sans étonnement
     ses yeux graves sur lui et elle lui a dit "oui" avec un petit sourire triste...
20  L'orchestre attaquait une nouvelle danse, Ismène riait aux éclats, là-bas, au milieu
     des autres garçons, et voilà, maintenant, lui, il allait être le mari d'Antigone. Il ne
     savait pas qu'il ne devait jamais exister de mari d'Antigone sur cette terre et que ce
     titre princier lui donnait seulement le droit de mourir. Cet homme robuste, aux
     cheveux blancs, qui médite là, près de son page, c'est Créon. C'est le roi. Il a des
25  rides. Il est fatigué. Il joue au jeu difficile de conduire les hommes. Avant, du temps
     d'Œdipe, quand il n'était que le premier personnage de la cour, il aimait la musique,
     les belles reliures, les longues flâneries chez les petits antiquaires de Thèbes. Mais
     Œdipe et ses fils sont morts. Il a laissé ses livres, ses objets, il a retroussé ses
     manches et il a pris leur place.


(1) Dans la tragédie grecque, le Prologue précédait l'entrée du chœur. De manière originale, Anouilh utilise le mot pour désigner un personnage et la première partie de la pièce.



LE CORRIGÉ


I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET

Sujet

Contraintes

Dans quelle mesure

Ce sujet exige explicitement un plan dialectique

Le spectateur est-il partie prenante de la représentation théâtrale

Paradoxe d’un spectateur (au rôle traditionnel de récepteur et donc plutôt passif) qui deviendrait « acteur », du moins qui participerait à la création artistique : « partie prenante »

partie prenante : celui qui est intéressé par une offre, qui d’une certaine manière participe

on vous demande de vous interroger sur cette action du spectateur dans la mise en place d’une représentation théâtrale.

Vous répondrez en faisant référence aux textes du corpus...

Tous les textes du corpus sont exploitables

...aux œuvres étudiées en classe


Exploiter la séquence étudiée en classe sur le théâtre : texte et représentation, et retrouver dans ces œuvres et les didascalies ou monologues, des éléments exploitables. S’appuyer éventuellement sur des textes avec mise en abyme, comme les textes A et B.

...à celles que vous avez vues ou lues.

Comme il s’agit de représentation théâtrale il est judicieux de prendre appui sur une expérience personnelle de spectacle. Par exemple, fonctionnement du rire qui se propage dans une salle.


Caractéristiques générales du texte attendu :

Genre littéraire : texte argumentatif avec le plus d’exemples possibles développés de manière détaillée.
Type de texte : dissertation.
Enonciation :
nous ou on.
Niveau de langue
 : courant ou soutenu.


II - LES DIFFERENTS TYPES DE PLANS POSSIBLES

Réponse par un plan analytique : il sera accepté dans la mesure où vous travaillerez sur des sens différents de l’expression « partie prenante ».

1. Rôle passif de récepteur à qui l’on doit plaire : mise en œuvre de procédés pour séduire le public.

a. implication du spectateur dans le choix du texte théâtral : choix de thèmes, de personnages, de genre ; phénomènes de mode au théâtre : théâtre baroque du début du XVIIe, goût pour la reprise antique au XVIIe, mélodrame et drame romantique au XIX : le personnage romantique du héros hors la loi.
b. implication du spectateur dans les choix de mise en scène.
Choix d’acteurs (cf. succès de Montfleury dans le texte B)
Effets de lumière et de son pour capter l’attention du spectateur ou l’éblouir (théâtre à machine au XVIIe (texte B)
c. adresse directe pour expliquer le projet (textes C et D)

2. Rôle actif du spectateur :

a. réception de la pièce : succès ou échec, poursuite de la représentation.
Rire du spectateur et succès de la saison. Polémique et succès de scandale : poursuite de la représentation (texte A, la bataille d’Hernani) ou au contraire censure et arrêt des représentations (Molière, Le Tartuffe)
b. modifications du texte (Molière, Don Juan) : suppression d’une grande partie de la scène 2 acte III ; modifications du jeu : après effet comique improvisé, reprise de cet effet ( Cf. tradition de la commedia dell’arte ) .
Cependant, le plan dialectique est sans doute préférable, car on attend de vous de discuter du rôle du spectateur dans la création théâtrale.



III - LES PISTES DE REPONSES

Le plan choisi, et qui nous a semblé le plus simple, est de type dialectique :

Le sujet va à l’encontre de l’idée d’un spectacle conçu par un auteur et une troupe de théâtre pour un spectateur qui ne serait que passif, pour proposer l’idée que le spectateur, à sa manière, participe à la conception de la représentation.

1. Certes, le spectateur est partie prenante de la représentation théâtrale dans le sens où il est le récepteur qui doit être intéressé par l’offre. Traditionnellement, en tant que récepteur du spectacle, on peut penser que le spectateur est partie prenante de la représentation car on s’adresse à lui et on se doit de lui plaire.

a. la double communication au théâtre ou la double énonciation. Le dialogue au théâtre entre deux personnages ne doit jamais faire oublier le dialogue qui s’instaure entre l’auteur et le spectateur. Le monologue est le signe de la double communication au théâtre, il est, par son artifice, révélateur de cette contingence que constitue le spectateur. Le monologue est avant tout une adresse au spectateur et c’est ce que révèlent les textes C et D du corpus.
b. choix de textes ou de sujets et de mises en scène liés à la mode, à une époque. Pour les sujets, on peut songer au XVIIe siècle, aux différentes versions du Don Juan, de Phèdre ou de Bérénice, émulation d’auteurs en quête de public et de succès ; les rivalités entre Racine et Corneille sont connues.
Pour le choix des mises en scène, on peut songer au XVIIe siècle et le goût pour le théâtre à machines, développant des effets spectaculaires que Molière utilise dans son Don Juan à travers le personnage de la statue du commandeur.
Choix d’acteurs : voir visiblement le goût du public pour un acteur très attendu : Montfleury. On peut rappeler les succès de Sarah Bernhardt, ou plus proche de nous Isabelle Huppert.
c. Capter l’attention du spectateur au cours du spectacle : des contingences matérielles créatrices.
Lever de rideau, trois coups, intermède musical, jeu de lumière. Des signes convenus (texte B) à l’adresse du spectateur (texte B) pour capter son attention dispersée avant le début de la représentation : lever de rideau, trois coups, mais aussi l’éclairage de la scène « quatre petits lustres de cristal éclairent la scène ». Au cours du spectacle, le noir sur la scène va indiquer l’entracte ; le jeu de lumière sur tel ou tel acteur indiquer un moment important après l’effervescence de l’action précédente, il établit une pause que le metteur en scène souligne par un éclairage sur le seul Figaro. Le spectateur est partie prenante donc du développement du spectacle.

Importance du décor, du costume : « toile de fond représentant un décor bleuâtre de pastorale » ou « costume de berger de pastorale, un chapeau garni de oses penché.. » texte B. Rostand dans cette mise en abyme de la représentation théâtrale souligne l’importance de ces éléments pour capter l’attention du public qui s’écrie alors « Bravo Montfleury », manifestant ainsi son plaisir.

Transition : Avant et pendant le spectacle le metteur en scène doit donc tenir compte du public pour penser la représentation théâtrale mais cela ne saurait signifier sa servilité. Dans ces conditions, on peut penser que le spectateur commande moins un spectacle qu’il n’en est le récepteur attendu. Le metteur en scène lui propose sa lecture du monde.

2. Mais une représentation théâtrale est avant tout une lecture de pièce, une interprétation, un engagement du metteur en scène qui peut aussi heurter le public.

a. la création d’une représentation : le double travail de l’auteur et du metteur en scène.
Une représentation a pour support un texte dramatique qui induit une représentation et le travail du metteur en scène par le biais des didascalies. Dans le texte il n’est pas question du spectateur, et la didascalie est une indication de jeu pour les acteurs ou de choix de décors et de costumes comme dans Le Mariage de Figaro ou dans Ruy Blas.
b. choix d’auteur de création qui peuvent heurter le public : le texte B souligne le caractère polémique de la pièce qui déplaît aux aristocrates. Si le Cid rencontra son public, Corneille dut affronter les critiques de son époque et défendre son projet … Horace déplut mais Corneille le défendit et ne modifia jamais son texte pour plaire à son public … La bataille d’Hernani dit la volonté de Victor Hugo d’en découdre avec le théâtre classique et défendre le projet romantique.
c. choix de mises en scène : quand Jean-Louis Barrault indique à Sylvia Monfort un jeu pathétique pour sa Phèdre, il lit la pièce de Racine, et propose d’y voir la détresse du cœur pathétique quand Chéreau demande à Dominique Blanc de jouer une Phèdre faite de chair, de violence autant que de culpabilité et d’excès, véritable monstre sœur du minotaure. L’engagement du metteur en scène se fait plus en fonction de sa lecture du texte que du spectateur à qui il propose, plus qu’il ne sert, un propos. La mise en scène de Don Juan par Mesguish qui propose un M Dimanche juif en a choqué plus d’un.

Transition : Si la représentation théâtrale peut donc se construire contre le goût du public c’est par conviction d’auteur ou par provocation. D’une certaine manière, c’est accorder au public encore une fois sa part dans la création artistique et les choix faits tant par rapport au texte que par rapport à la mise en scène.

3. Dans ces conditions, auteur, metteur en scène peut jouer de ce rôle du public dans son texte ou dans sa mise en scène.

a. le jeu avec le spectateur dans le texte :
Le monologue adressé : textes C et D. Le personnage du texte C indique ouvertement au spectateur que tout n’est qu’illusion théâtrale ou que le texte ne se fera comprendre que selon des principes qu’il faut suivre texte C lignes 17 -19.
L’aparté qui peut créer une connivence avec le public. Ainsi en est-il de Figaro et du comte qui lors de leur affrontement à l’acte III ne cessent de s’adresser au public …
La mise en abyme : texte B mais aussi dans L’Ile des esclaves où les esclaves jouent devant leurs anciens maîtres la comédie de l’amour et ce dispositif indique au vrai spectateur que le théâtre n’est jamais que satire.
b. le jeu avec le spectateur lors de la représentation :
Le comique de geste ou la pantomime : que l’on songe à l’arrivée de Mascarille dans Les Précieuses ridicules, au jeu de Sganarelle tombant après sa fameuse démonstration ratée de l’existence de Dieu dans le Don Juan de Molière, à l’ivresse mimée et ridiculisée dans le Médecin malgré lui par exemple. L’excès dans le jeu correspond au plaisir du jeu avec le spectateur qui est devenu partie prenante du spectacle.
Le spectateur peut devenir acteur ou se confondre avec l’acteur quand le metteur en scène va faire surgir son acteur des rangs du spectateur ou va le faire jouer au sein des spectateurs.

Conclusion

Si le spectateur, en tant que récepteur du texte, conditionne l’établissement du texte comme la représentation, il n’est pas pour autant le prescripteur, et auteurs et metteurs en scène organisent la création en laissant le spectateur juger … La part de provocation participe donc aussi à la création et, conscients du rôle primordial du spectateur dans la représentation, auteurs et metteurs en scène jouent de cette dimension.



IV - LES FAUSSES PISTES

Attention à ne pas prendre d’exemples qui excluent l’idée de mise en scène.

Attention aux erreurs sur l’expression « partie prenante » !


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