Le sujet 2009 - Bac 1ère ES - Français - Ecriture d'invention |
Avis du professeur :
Il s'agit dans ce sujet de se plonger dans l'atmosphère qui précède les premiers mots prononcés par un acteur : l'entrée dans la salle, l'attente, le lever de rideaux. On vous donne là un sujet très intéressant et assez original. Il présente malgré tout deux difficultés : il est complexe et très difficile pour ceux qui ne sont jamais allés au théâtre. |
(16
points)
Dans Cyrano de Bergerac, avant le lever de
rideau, "Tout le monde s'immobilise. Attente." Vous
allez assister à la représentation d'une pièce
que vous connaissez. Les lumières s'éteignent
progressivement. Vous découvrez alors l'espace scénique.
Faites part de vos réactions, de cette expérience des
premiers instants du spectacle.
Attention, il ne s'agit ni de
raconter la pièce, ni de la résumer.
Texte B : Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac
Le premier acte est intitulé : " Une représentation à l'Hôtel de Bourgogne ". La didascalie initiale indique : "en 1640 ".
[...]
LA
SALLE
Commencez !
UN
BOURGEOIS, dont la perruque s'envole au bout d'une ficelle, pêchée
par un
page de la galerie
supérieure.
Ma perruque
!
CRIS
DE JOIE
Il est chauve
!...
Bravo, les pages !... Ha ! ha !
ha !...
LE
BOURGEOIS, furieux, montrant le poing.
5 Petit
gredin !
RIRES
ET CRIS, qui commencent très fort et vont
décroissant.
Ha ! ha ! ha
! ha ! ha ! ha !
(Silence complet)
LE
BRET, étonné.
Ce
silence soudain ?...
Un
spectateur lui parle bas.
Ah
?...
LE
SPECTATEUR
La chose me vient d'être
certifiée.
MURMURES,
qui courent.
10 Chut ! - Il paraît ?... -
Non ! - Si ! - Dans la loge grillée.
-
Le Cardinal ! - Le Cardinal ? - Le Cardinal(1) !
UN
PAGE
Ah ! diable, on ne va
pas pouvoir se tenir mal !...
On frappe sur la scène. Tout le monde s'immobilise. Attente.
LA
VOIX D'UN MARQUIS, dans le silence, derrière le rideau.(2)
Mouchez cette chandelle(3)
!
UN
AUTRE MARQUIS, passant la tête par la fente du rideau.
Une chaise !
Une
chaise est passée, de main en main, au-dessus des têtes.
Le marquis la prend
et
disparaît, non sans avoir envoyé quelques baisers aux
loges.
UN
SPECTATEUR
15 Silence !
On
refrappe les trois coups. Le rideau s'ouvre. Tableau. Les marquis
assis sur les
côtés,
dans des poses insolentes. Toile de fond représentant un décor
bleuâtre de
pastorale.
Quatre petits lustres de cristal éclairent la scène.
Les violons jouent
doucement.
LE
BRET, à Ragueneau, bas.
Montfleury(4)
entre en scène ?
RAGUENEAU,
bas aussi.
Oui, c'est lui
qui commence.
LE
BRET
Cyrano n'est pas là.
RAGUENEAU
J'ai
perdu mon pari(5).
LE
BRET
20 Tant mieux ! tant mieux !
On
entend un air de musette, et Montfleury paraît en scène,
énorme, dans un
costume
de berger de pastorale, un chapeau garni de roses penché sur
l'oreille, et
soufflant dans
une cornemuse enrubannée.
LE
PARTERRE, applaudissant.
Bravo,
Montfleury ! Montfleury !
(1)
Le cardinal Richelieu, qui assistait parfois aux spectacles, et
qui faisait régner son autorité sur les lettres et les
arts.
(2) Certains spectateurs, appartenant à
l'aristocratie, prenaient place sur des banquettes et des chaises, de
chaque côté de la scène.
(3) L'éclairage
aux chandelles exigeait qu'on les éteigne et qu'on les
remplace fréquemment.
(4) Montfleury : cet
acteur a véritablement existé, jouant notamment à
l'Hôtel de Bourgogne, puis dans la troupe de Molière.
(5)
Ragueneau a parié que Cyrano, qui avait interdit à
Montfleury de se produire "pour un mois", viendrait le
chasser de la scène. Et, en effet Cyrano va faire bientôt
son entrée.
I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES
DU SUJET
Sujet |
Contraintes |
Dans Cyrano de Bergerac,… |
► Il s’agit de la pièce d’Edmond Rostand dont un extrait est proposé en commentaire, qui fournit un exemple de l’atmosphère qui précède la représentation, dans la salle. |
avant le lever du rideau,… |
► Indication temporelle, qui sera le moment de votre énonciation. |
« tout le monde s’immobilise. Attente. »… |
► Disdascalie du texte II qui décrit l’attitude des spectateurs. |
Vous… |
► Enonciation : « je ». |
allez assister à la représentation… |
► Situation qui présente un
horizon, une attente, celle d’une représentation. |
d’une pièce que vous connaissez… |
► Invitation à vous appuyer sur une pièce de théâtre que vous avez lue ou vue. |
Les lumières s’éteignent progressivement. Vous découvrez alors l’espace scénique… |
► Lieu. Espace à décrire. |
Faites part de vos réactions, de cette expérience des premiers instants du spectacle… |
► Compte-rendu des impressions, des sentiments du spectateur que vous êtes. |
Attention, il ne s’agit ni de raconter la pièce, ni de la résumer. |
► Mise en garde contre deux fausses pistes. |
Caractéristiques générales du texte attendu :
Genres
littéraires possibles :
1.
Autobiographie
(ou journal intime) dans laquelle vous racontez au présent de
narration cette expérience.
2.
Théâtre : vous êtes un personnage de théâtre
qui va assister à une pièce. (Voir l’exemple de
théâtre dans le théâtre présenté
dans Cyrano).
Types
de texte : Monologue
intérieur
du type de ceux que l’on peut trouver dans un roman ou une
autobiographie / Monologue tel qu’on peut en trouver au
théâtre, et qui contiendra des éléments
narratifs,
descriptifs, analytiques.
Enonciation :
Première
personne.
Je
(locuteur), nous (s’il s’inclut dans la communauté
des
spectateurs).
Temps :
Le
sujet invite à utiliser le présent, mais je ne crois
pas qu’on puisse exclure le passé composé, comme
on le rencontre dans un journal intime.
Niveau
de langue : Courant.
Tonalité
: Rien
de précis n’est requis.
II - PLAN POSSIBLE
Aucun plan précis ne s’impose, mais on s’attend à trouver un plan chronologique, avec éventuellement une analepse (retour en arrière), qui rappelle dans quelles conditions le spectateur en est venu à assister à ce spectacle, et / ou une prolepse (anticipation) qui évoque ce à quoi le spectateur s’attend.
C’est donc ce
type de plan que nous proposons :
1. Au théâtre,
avant le lever de rideau.
2. Analepse (Avant de se rendre
au théâtre)/ Prolepse (quelques éléments
de la pièce que l’on va voir).
3. Entre le
lever de rideau et le début du spectacle.
On pourrait choisir un tout autre ordre et commencer par le lever de rideau, pour ensuite introduire une analepse.
III - LES PISTES DE REPONSES
Toute la difficulté
consiste dans la manière dont vous
mêlez ce qui concerne la représentation à
proprement parler et les circonstances plus anecdotiques qui vous ont
amené au théâtre.
Je
me sers du Bourgeois gentilhomme pour choisir un exemple
connu, mais toute autre pièce que vous auriez vue ou lue est
possible.
PREMIERE PARTIE
Au théâtre, avant le lever de rideau.
Nous sommes au théâtre, pour assister à la représentation du Bourgeois gentilhomme. Il s’agit d’un petit théâtre à l’italienne, comme on en trouve parfois, avec sa corbeille, ses balcons, tout en haut son poulailler. Confortablement installé sur l’un des sièges de velours rouge, je regarde de la corbeille se remplir le théâtre.
Les spectateurs entrent et je les vois s’installer par petits groupes. Certains bavardent, évoquent le nom d’un acteur qui leur semble excellent. Quelqu’un dit avoir déjà vu la pièce montée en scène par un metteur en scène au nom compliqué que je ne reconnais pas. Il est déjà 19 heures et rien n’arrive.
Transition
Je suis impatient, cela fait longtemps que je ne suis pas allé au théâtre et le travail que nous avons fait en classe m’a vraiment donné envie d’y aller et en même temps frustré car notre professeur qui nous avait promis de faire une sortie a dû y renoncer au dernier moment.
DEUXIEME PARTIE
Analepse
Nous
avons étudié avec mon professeur de français
cette pièce en seconde, et je voulais absolument la voir, car
d’après lui c’est
un spectacle total. Il n’y a pas que des
dialogues. La musique, la danse, les déguisements à la
turque, tout cela doit être magnifique. Ma mère adore le
théâtre, mon père beaucoup moins, il a tout de
même fait un effort pour m’accompagner. Au fur et à
mesure que les minutes s’écoulent, je suis de plus en
plus curieux. Je fixe le
lourd rideau de scène. De temps en temps, on
entend passer quelqu’un derrière, comme si quelque chose
était encore à mettre en place.
Prolepse
L’un
des moments que j’attends le plus est la scène
où le professeur de philosophie commence par expliquer la
différence entre les voyelles et les consonnes. Mais c’est
surtout cet imbécile de bourgeois gentilhomme, qui doit être
drôle.
Transition
Les lumières commencent à diminuer dans la salle. Grâce à des variateurs, on voit les ampoules baisser d’intensité et cela a un effet presque immédiat sur les spectateurs, dont les conversations s’éteignent peu à peu, elles aussi.
TROISIEME PARTIE
Le lever de rideau.
La salle est déjà presque plongée dans la pénombre, quand sept coups rapides sont suivis de trois coups, plus lents, plus solennels. Le rideau s’élève rapidement sur un espace bien éclairé, et presque vite.
Je suis surpris, je m’attendais à voir surgir un salon de l’époque de Louis XIV, des fauteuils recouverts de tapisserie fine. Des lustres de bronze et de cristal brillant de mille feux, et un bourgeois plutôt ventru dans un vêtement brodé et orné plein de rubans. Rien de cela. Un homme assez petit, coiffé et vêtu comme aujourd’hui est assis dans un fauteuil. Il semble attendre quelqu’un car de temps en temps, il regarde une grosse montre très voyante. On dirait une Rolex. Sur un guéridon très design, à côté de lui, se trouve une paire de Ray Ban et un téléphone portable très tendance. Il porte des chaussures avec de hauts talons, sans doute pour avoir l’air plus grand. Il semble nerveux, car il ne tient pas en place, il remue les épaules comme s’il était mal à l’aise dans son costume un peu voyant.
Autour de lui, quelques fauteuils aux lignes épurées, un canapé. Je suis vraiment très étonné, car normalement, on ne voit M. Jourdain qu’à la scène deux et la première scène s’ouvre sur « un grand assemblage d'instruments, un élève du Maître de musique ». Le metteur en scène a apparemment préféré introduire tout de suite le protagoniste. Mais on entend déjà s’annoncer en coulisse les musiciens. Que le spectacle commence.
CONCLUSION
Je m’arrête là car le spectacle va vraiment commencer et c’est un moment sacré. Je veux me concentrer et en profiter au maximum. Les commentaires viendront plus tard.
IV - LES FAUSSES PISTES
"Attention,
il ne s’agit ni de raconter la pièce, ni de la résumer."
Le sujet était clair là-dessus.
Le deuxième
écueil aurait été de faire porter l’accent
soit sur des éléments trop anecdotiques comme la
configuration du théâtre lui-même, soit uniquement
sur la scène sans prendre en compte l’ensemble de
l’atmosphère qui précède la
représentation.