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Annales gratuites Bac 1ère STI : Rôle de la description dans le roman

Le sujet  2010 - Bac 1ère STI - Français - Dissertation Imprimer le sujet
Avis du professeur :
Le sujet porte sur une question particulière du programme : la description qui peut illustrer l'objet d'études « Vision de l'homme et du monde ».
La difficulté consiste à traiter un sujet aussi technique, sans tomber sur les platitudes, sur la lassitude provoquée chez le lecteur par les longues descriptions.
LE SUJET

Dissertation

Les écrivains proposent souvent des descriptions de lieux très précises dans leurs romans. Certains lecteurs ont le sentiment que ces descriptions sont inutiles ; d’autres en revanche, considèrent qu’elles jouent un rôle essentiel.

En vous appuyant sur les textes du corpus, les œuvres étudiées en classe et vos lectures personnelles, explicitez et justifiez ces deux points de vue.

LE CORRIGÉ

I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET



Sujet

Contraintes

Les romanciers insèrent souvent des descriptions de lieux très précises dans leurs romans.

L'objet d'étude est le roman. La perspective est particulière : la description de lieux.

Certains lecteurs ont le sentiment que ces précisions sont inutiles. D'autres en revanche considèrent qu'elles jouent un rôle essentiel.

Les descriptions provoquent des réactions opposées : le lecteur les juge inutiles (il faudra se demander pourquoi) ou indispensables (même question)

En vous appuyant sur les textes du corpus, les œuvres étudiées en classe et vos lectures personnelles, explicitez et justifiez les deux points de vue.

Les exemples doivent être pris dans le corpus et la culture personnelle du candidat.

La consigne donne le plan du devoir : il n'est pas exigé de discuter le sujet puisqu'il contient, de toute façon, deux opinions contraires.


Caractéristiques générales du texte attendu :

On attend un texte argumentatif, construit et illustré. Le niveau de langue doit être bien évidemment correct.



II - LES PISTES DE REPONSES



PREMIeRE PARTIE : les descriptions precises sont inutiles

Qu'appelle-t-on une description précise ?

Elle multiplie les détails très précis : Bardamu évoque dans la banque le "petit grillage", "les lampes bien douces", "un tout minuscule guichet".Zola évoque "la moisissure du plâtre" sur la façade de l'hôtel.

Elle utilise un vocabulaire technique, précis : dans le texte de Flaubert, "palonniers", "tombereaux", "tablier des ponts", "décrotteurs", "brûloirs à café". Zola parle, lui, de "l'octroi".

Elle contient enfin des noms propres précis : "rue des Pistoles", "traverse de la Charité" dans le texte de Le Clézio ; "boulevard de la Chapelle", "barrière Poissonnière", "boulevard de Rochechouart" dans le texte de Zola.

On peut ajouter que la description précise est plutôt caractéristique du roman du XIXe siècle et plus particulièrement des courants réalistes et naturalistes.

Toutes ces précisions ont un premier effet gênant pour le lecteur : elles constituent une pause dans l'action et cassent ainsi le rythme de la lecture. La plupart du temps en effet, il ne se passe rien : dans les textes du corpus, la seule activité des héros est de marcher (Frédéric, Lalla, Bardamu) ou de regarder à la fenêtre (Gervaise) : rien de bien palpitant.

Du coup, l'action est suspendue alors qu'on voudrait ardemment connaître la suite. Le texte de Zola par exemple fait durer l'attente de Gervaise au lieu de faire surgir immédiatement Lantier. Or, le lecteur se pose des questions : où est-il ? Va-t-il rentrer ? Ne lui est-il rien arrivé ? La description n'apporte aucun élément de réponse. Certains romans réalistes, comme ceux de Balzac, interrompent l'action pendant des pages. Ses contemporains parlaient d'ailleurs de descriptions de commissaire priseur ! Qui essaie de lire Le Père Goriot se heurte inévitablement à la description de la pension Vauquer. Combien de lecteurs ont été arrêtés dans leur lecture dès les premières pages ? De même, dans Notre Dame de Paris d’Hugo, l'histoire est sans cesse interrompue par de longues parenthèses sur les rues de la capitale qui donnent l'impression d'un guide touristique. Le résultat est que l'on peut perdre le fil de l'intrigue.

Un souci du détail qui gène la compréhension.

A ces pauses dans l'action, s'ajoute la difficulté contenue par les termes techniques propres au contexte historique qui sont inconnus d'un lecteur contemporain. Le texte de Flaubert contient plusieurs mots qu'on n'utilise plus aujourd'hui, en tout cas dans la vie courante : "les palonniers" dont le sens nous est donné en note, ou les "décrotteurs" auxquels on préfère aujourd'hui l'expression "cireurs de chaussures".

Faut-il lire le texte avec un dictionnaire ? Non, bien sûr. Pourtant, on sait que certains auteurs, dont Zola, établissaient avant d'écrire, de véritables fiches lexicales pour écrire leurs descriptions.

Transition

Une pause pénible dans l'action

Pourquoi, alors autant de descriptions ? Est-ce seulement pour ennuyer le lecteur ?



DEUXIEME PARTIE : LES DESCRIPTIONS PRECISES JOUENT UN ROLE ESSENTIEL

Créer l'illusion réaliste : mieux se représenter le cadre.

Longtemps, les lieux n'ont pas été décrits. Jusqu'au XIXe siècle, les romanciers restent la plupart du temps imprécis. Ainsi, on ne sait rien de la salle de bal ou Nemours et la Melle de Chartres se rencontrent pour la première fois dans La Princesse de Clèves de Mme de La Fayette. De même, la seule chose qu'on apprenne de la rencontre entre le chevalier des Grieux et Manon Lescaut est qu'elle se déroule à Amiens. Rien sur les rues de la ville notamment. Le résultat est que l'on a du mal à se représenter l'action.

La grande révolution romanesque du XIXe siècle consiste à créer l'illusion réaliste, c'est-à-dire à mettre en œuvre un ensemble de procédés qui permettent au lecteur de se représenter réellement la scène. En un temps où le cinéma n'existe pas, ces descriptions jouent un rôle essentiel : définir un cadre précis, que le lecteur peut d'ailleurs connaître. Les noms propres jouent ce rôle. Aujourd'hui encore, il existe des parcours en Normandie sur les traces de Maupassant.

Pour un lecteur d'une époque plus tardive, les descriptions apprennent beaucoup sur l'époque. Elles jouent le rôle d'un témoignage historique : les halles en plein cœur de Paris dans le texte de Zola nous rappellent ce que fut la géographie parisienne aux siècles derniers. L'agitation décrite au début du texte de Flaubert nous donne à voir la rue au XIXe siècle : des "balayeurs", des "piétons" qui se rangent, une circulation intense. Tout nous renvoie au monde d'aujourd'hui, sauf que "la boue" jaillit… et l'on se rend compte qu'évidemment, les rues n'étaient pas encore goudronnées. De même, le texte de Zola fait jaillir un étonnant tumulte où se mêlent animaux, hommes et charrettes : vision étonnante d'un boulevard parisien au XIXe siècle !

Enfin, pour un lecteur étranger, elles peuvent aider à se représenter un monde qu'il ne connaît pas. Lire de la littérature contemporaine chinoise, argentine ou américaine nous plonge dans un espace exotique, dépaysant.



La description : mieux comprendre les personnages et l'auteur.

Souvent la description donne plus d'informations sur celui qui regarde que sur ce qu'il regarde. Elle joue ainsi un rôle dans l'élaboration psychologique du personnage mais sans passer par de longues analyses. C'est le cas du texte de Zola : la description de Paris est faite du point de vue de Gervaise et révèle l'angoisse de l'héroïne. Elle remarque les "tabliers sanglants" des bouchers, entend "des cris d'assassinés". De même, la description faite du point de vue de Frédéric montre qu'il est amoureux : le "bon air de Paris" semble contenir pour lui "des effluves amoureuses" !

De même, le quartier de Manhattan vu par Bardamu est l'occasion d'une critique acerbe. La rue est comparée "à une plaie triste", qui suggère que cette richesse étalée est une cause de souffrance pour les pauvres comme Bardamu. La métaphore filée de l'église ou du temple suggère sur un ton satirique la vénération que les Américains vouent à l'argent. Cela révèle plus encore que le point de vue de Bardamu, celui de Céline. La description, au-delà du personnage révèle donc l'auteur.

De plus, les élèves qui auront trouvé ce troisième point auront une très bonne note !

Un rôle dans l'action

Les romanciers naturalistes vont plus loin encore : pour eux, le cadre, le milieu sont déterminants dans l'action. La misère de l'hôtel où vit Gervaise joue un rôle à part entière dans le roman. Sa description est donc essentielle : dès le début, on comprend que la jeune femme ne pourra s'en sortir. D'ailleurs, le texte multiplie les images symboliques de l'enfermement, comme pour annoncer la suite. Dans ce cas, la description a un rôle dramatique, elle contient l'action à venir.

Cela est sensible aussi dans certains romans du XXe siècle. Albert Camus, dans L'Etranger, décrit longuement le cadre où se déroule le meurtre. La description est symbolique : le ciel et le soleil semblent des personnages qui poussent le héros à appuyer sur la gâchette. Le texte se referme sur le bruit des coups de feu qui sont métaphorisés en quatre coups "frappés sur la porte du malheur". La description annonce le séjour de Meursault en prison et sa future exécution.

Conclusion

Les descriptions de lieux ont donc des effets contradictoires : longtemps négligées dans les premiers romans, leur développement au XIXe siècle a complètement changé la face du roman. Le lecteur doit mesurer que leur intérêt est immense : elles permettent en effet de replacer l'homme dans le monde qui l'entoure. On comprend mieux alors comment l'homme agit sur le monde et le monde sur l'homme.

IV- LES FAUSSES PISTES

Franchement, il n'y avait pas de fausses pistes. La seule erreur serait de ne pas avoir assez argumenté notamment pour la deuxième partie. Mais les questions préliminaires constituaient une aide précieuse.

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