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Annales gratuites Brevet Série Collège : Suite de texte

Le sujet  2004 - Brevet Série Collège - Français - Rédaction Imprimer le sujet
LE SUJET

Ce matin-là, l'aire du Muguet avait des couleurs si riantes sous le jeune soleil que l'autoroute pouvait paraître en comparaison un enfer de bruit et de béton. Gaston avait entrepris de faire le ménage dans la cabine et avait déployé toute une panoplie de chiffons, plumeaux, balayettes et produits d'entretien sous l'œil ironique de Pierre qui était sorti pour se dégourdir les jambes.
- J'ai calculé que cette cabine, c'est l'endroit où je passe le plus d'heures de ma vie. Alors autant que ça soit propre, expliqua-t-il comme se parlant à lui-même.
Pierre s'éloigna, attiré par l'atmosphère de fraîcheur vivante du petit bois. Plus il s'avançait sous les arbres bourgeonnants, plus le grondement de la circulation s'affaiblissait. II se sentait envahi par une émotion étrange, inconnue, un attendrissement de tout son être qu'il n'avait jamais éprouvé, si ce n'était peut-être il y avait bien des années en s'approchant pour la première fois du berceau de sa petite sœur. Le feuillage tendre bruissait de chants d'oiseaux et de vols d'insectes. Il respira à pleins poumons, comme s'il se retrouvait enfin à l'air libre après un long tunnel asphyxiant.
Soudain, il s'arrête. A quelque distance, il aperçoit un tableau charmant. Une jeune fille blonde en robe rose assise dans l'herbe. Elle ne le voit pas. Elle n'a d'yeux que pour trois ou quatre vaches qui divaguent paisiblement dans le pré. Pierre éprouve le besoin de la voir mieux, de lui parler. Il avance encore. Tout à coup il est arrêté. Une clôture se dresse devant son nez. Un grillage rébarbatif, carcéral, presque concentrationnaire avec son sommet arrondi en encorbellement hérissé de fils d'acier barbelés. Pierre appartient à l'autoroute. Une aire de repos n'est pas un lieu d'évasion. La rumeur lointaine de la circulation se rappelle à lui. Il reste pourtant comme médusé, les doigts accrochés dans le grillage, les yeux fixés sur la tache blonde là-bas, au pied du vieux mûrier. Enfin un signal bien connu lui parvient, l'avertisseur du véhicule. Gaston s'impatiente. Il faut revenir. Pierre s'arrache à sa contemplation et revient à la réalité, au semi-remorque, à l'autoroute.
C'est Gaston qui conduit. Il est encore tout à son ménage à fond, Gaston.
- C'est quand même plus propre maintenant, constate-t-il avec satisfaction.
Pierre ne dit rien. Pierre n'est pas là. Il est resté accroché au grillage qui limite l'aire du Muguet. Il est heureux. Il sourit aux anges qui planent invisibles et présents dans le ciel pur.
- T'es bien silencieux d'un coup. Tu dis rien ? finit par s'étonner Gaston.
- Moi ? Non. Qu'est-ce que tu veux que je dise ?
- Je sais pas moi.
Pierre se secoue, tente de reprendre pied dans le réel.
- Eh bien voilà, finit-il par soupirer, c'est le printemps !

Michel Tournier, L'aire du Muguet, in Le Coq de bruyère, Gallimard, 1978.

"T'es bien silencieux d'un coup. Tu dis rien ? finit par s'étonner Gaston"

En commençant juste après cette réplique, vous imaginerez une autre suite au cours de laquelle Pierre raconte à Gaston ce qu'il vient de vivre.

Votre texte comprendra un dialogue et des passages narratifs. Vous prendrez bien en compte la différence de caractère entre les deux personnages.

LE CORRIGÉ

I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?

Il s'agit d'une suite de texte. Les limites sont clairement posées ("En commençant juste après cette réplique").
Il s'agit d'imaginer une "autre" suite que ce que propose le texte, dans lequel Pierre ne parle pas.
Le sujet est précisé "Pierre raconte à Gaston ce qu'il vient de vivre".
Aucun des éléments apportés par l'élève ne peut donc entrer en contradiction avec le récit de Tournier.
Il s'agira donc de faire dire à Pierre dans son dialogue avec Gaston, les mêmes choses, mais différemment.
Les formes du discours à employer sont précisées elles aussi : "un dialogue et des passages narratifs". On en déduira donc qu'il fallait imaginer un dialogue de Gaston interrompu de temps à temps par un passage narratif, consacré par exemple à une description de la route ou à une réaction d'un des deux personnages.
Comme dans toute suite de texte, il fallait être cohérent avec le style employé par Tournier, familier dans le dialogue, soutenu dans le récit.

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

D'un côté, ce sujet est rassurant car il résout le problème des élèves en mal d'imagination. D'autre part, l'abondance des contraintes imposées au candidat exige une rigueur dans l'analyse du sujet qui peut déconcerter certains candidats qui n'ont pas l'habitude de bien lire les consignes.

III - UN TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET

1. L'amorce de la confidence :
La première réplique, ne doit pas entrer en contradiction violente avec le silence de Pierre.
Exemple :
- T'es bien silencieux d'un coup. Tu dis rien ? finit par s'étonner Gaston.
- Non, j'ai pas envie d'parler, tu sais.
- Allez, raconte, c'est pas bon de tout garder pour soi. A quoi tu penses ?
- J'ai vu quelque chose sur l'aire d'autoroute qui m'a fait une drôle d'impression, pendant que tu briquais la cabine.

2. Une interruption peut favoriser l'amorce de la confidence.
Exemple :
Pierre avait la gorge serrée, et Gaston, à sa voix, se rendait bien compte que Pierre était submergé par l'émotion. Ils avaient souvent roulé ensemble et se connaissaient bien. Ils se comprenaient sans se parler. Cependant Gaston sentait que Pierre souffrait. Depuis quelque temps le métier lui pesait.

3. Le récit dialogué et la confidence qui va se faire peu à peu :
- Si tu veux pas me raconter, je peux comprendre... T'en as marre de la route, pas vrai ?
- Ben, pendant que tu nettoyais la cabine...

4. Nouvelle interruption du dialogue qui reprend les éléments du texte :
Tout en parlant, Pierre revoyait la jeune fille assise sur l'herbe...

5. Reprise du dialogue qui peut se terminer par des propos de Gaston, destinés à consoler Pierre.

IV - LES FAUSSES PISTES

Le danger était de ne pas prendre en compte l'intégralité des contraintes imposées par le sujet.
D'autre part, le langage pouvait être familier, mais ne devait pas tomber dans la vulgarité.

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