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Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de Andrée Chédid

Le sujet  1998 - Brevet Série Collège - Français - Questions Imprimer le sujet
LE SUJET

(Au petit matin, dans un square de Paris, un homme se prépare à ouvrir le manège de chevaux de bois dont il est propriétaire)


Ayant soulevé la bâche avec des gestes précis et exaspérés, Maxime poussa soudain un cri aigu. Il venait de découvrir, enroulé au fond du carrosse, un gamin chevelu que ses vociférations réveillèrent en sursaut.

D'un bond, le forain se jeta sur la porte du carrosse, qu'il ouvrit précipitamment. Il saisit, par son unique bras, le vagabond engourdi et le tira vers la sortie.

- Dehors ! hurlait-il. Dehors !

Retrouvant peu à peu ses esprits, l'enfant cherchait à se disculper :

- J'étais venu faire un tour de piste. Il n'y avait personne.

- Un tour de piste, en pleine nuit ?

- Chez nous, c'est toujours la nuit ! articula le gamin.

- Où ça, chez vous ?

Omar-Paul ne répondrait pas à cette question. Certains lieux ne peuvent se décrire. Les nommer ne ferait qu'augmenter le sentiment d'abandon et de solitude que procure l'indifférence de ceux qui ne savent pas.

Maxime rompit le silence :

- Je m'en fous de savoir d'où tu viens ! Je sais que, fagoté comme tu l'es, sans chaussures aux pieds (il n'osa pas parler du bras manquant), je ne t'aurais jamais laissé monter sur mon manège !

- Mes souliers sont dans ton carrosse, riposta l'enfant. Et il faudra me les rendre !

- M'en débarrasser, tu veux dire. Et toi, avec ta vermine, au plus vite! Tu vas voir ça !

- De la vermine, je n'en ai pas. Jamais eu ! Regarde. (Il secouait son abondante chevelure noire et bouclée). Dis-moi si tu trouves un seul pou là-dedans ?

- Tire-toi ou j'appelle la police !

Ces menaces n'effrayèrent pas l'enfant. D'un coup d'œil il avait jaugé l'individu qui lui faisait face. Derrière ses injures, son irritabilité, l'homme était fragile, sensible, et même compatissant.

A cause de tout ce qu'il avait vécu dans sa patrie détruite, Omar-Paul avait acquis, malgré son jeune âge, une exacte perception des humains ; un jugement sur l'existence et sa précarité, qui le rendait à la fois souple et patient.

- Pourquoi "je m'en fous" ? Pourquoi "tire-toi" ? Pourquoi "la police" ? Pourquoi me parles-tu avec ces mots-là ?

Dressé sur la pointe des pieds, l'enfant tenta d'ancrer son regard dans celui de son interlocuteur :

- Ne te fâche pas. Utilise-moi, tu ne le regretteras pas.

- T'utiliser ? Avec ton seul bras ? A quoi peux-tu me servir ?

- Primo : en t'aidant, je rembourserai ma nuit dans ton carrosse. Secundo : je nettoierai ton manège, j'en ferai un bijou. Tertio : je t'offre tous mes services gratis !

Sentant qu'il touchait là un point sensible, Omar-Paul insista :

- Tu m'entends : gratis !


Andrée CHEDID, Les Manèges de la vie, p. 24 à 27.
Castor Poche (Flammarion), L'Enfant des manèges.


I - NARRATION ET DIALOGUE


1) a) De "Ayant soulevé la bâche" à "à la fois souple et patient", repérez les passages de dialogue en indiquant les lignes de début et de fin de chacun d'eux.

b) Quel type d'indices du texte vous permettent de faire ce repérage ? Donnez en trois et relevez un exemple pour chacun d'eux.

2) Dans le passage allant de "Maxime rompit le silence" à "par là-dedans ?"

a) Expliquez l'emploi des parenthèses.

b) A quel temps est le verbe "n'osa pas" dans la parenthèse (il n'osa pas parler du bras manquant). Pourquoi ?

c) Relevez un autre passage où les parenthèses jouent le même rôle.

3) "Où ça, chez vous ?" : l'homme pose une question à laquelle l'enfant ne répond pas.
Relevez, dans la suite du texte, une expression où le narrateur donne un élément de réponse à cette question.


II - LES PERSONNAGES


1) a) Quel est le nom de chacun des personnages ?

b) Relevez dans le texte pour chacun d'eux deux groupes nominaux qui les désignent.

2) "Il n'osa pas parler du bras manquant"
Relevez, dans l'ensemble du texte, deux autres passages dans lesquels la même information est reprise.

3) Dans le passage allant de "D'un bond, le forain se jeta" à "Tire-toi ou j'appelle la police !", la réaction de l'adulte, lorsqu'il découvre l'enfant, est violente.
Relevez quatre expressions montrant que cette violence est à la fois physique et verbale.

4) Dans le passage allant de "Ces menaces n'effrayèrent pas l'enfant" à "à la fois souple et patient"

a) Omar-Paul avait acquis "une exacte perception des humains".
Rédigez une phrase pour expliquer ce que signifie cette expression.

b) Relevez le groupe de mots qui explique que l'enfant ait "acquis une exacte perception des humains".
Quelle est sa fonction grammaticale ?

c) Relevez, dans ce passage, le groupe nominal exprimant un rapport logique d'opposition.

5) a) Dites lequel des deux personnages maîtrise le mieux la situation.

b) Expliquez pourquoi (donnez deux raisons).

LE CORRIGÉ

I - NARRATION ET DIALOGUE


1) a) Vous avez reconnu les passages de dialogue :
- de "- Dehors !" à "Dehors".
- de "J'étais venu" à "chez vous ?"
- de "Je m'en fous" à "j'appelle la police"
- de "Pourquoi je m'en fous" à "mes services gratis"
- et " Tu m'entends : gratis !"

b) Les types d'indices du texte qui vous ont permis de faire ce repérage sont les tirets, marques de dialogue, les propositions incises comme "hurlait-il", le temps présent ("je m'en fous"), les points d'exclamation et la disposition des phrases.

2) a) Les notations entre parenthèses ne peuvent faire partie du dialogue.
La première (il n'osa parler du bras manquant) dévoile les pensées de l'enfant : sa gêne devant l'infirmité.
La seconde parenthèse (Il secouait son abondante chevelure noire bouclée) décrit un geste de l'enfant.
Dans les deux cas, le narrateur omniscient ne veut pas interrompre le dialogue, mais désire ajouter à la scène une remarque qui la rende plus vivante.

b) "N'osa pas" est un passé simple. Ce temps marque une action brève et ponctuelle.

c) Les parenthèses jouent le même rôle dans "Il secouait son abondante chevelure noire et bouclée".

3) Le narrateur donne un élément de réponse sur le lieu d'origine du garçon quand il dit "sa patrie détruite".


II - LES PERSONNAGES


1) a) Le propriétaire du manège s'appelle Maxime, l'enfant Omar-Paul.

b) Maxime est désigné par "le forain, l'individu". L'enfant par "un gamin chevelu, le vagabond".

2) L'information concernant le bras manquant se retrouve dans : "son unique bras", "avec ton seul bras".

3) La violence de l'adulte lorsqu'il décrit l'enfant est physique et verbale :
"vociférations, se jeta sur la porte, le tira, je m'en fous, avec ta vermine, tu vas voir ça, tire-toi ou j'appelle la police".

4) a) Omar-Paul avait acquis "une exacte perception des humains" à cause de ses longues années de souffrance et d'exil causées par la guerre.

b) "A cause de tout ce qu'il avait vécu dans sa patrie détruite" explique cette expression.
Sa fonction grammaticale est complément circonstanciel de cause du verbe acquérir.

c) "Malgré son jeune âge" exprime un rapport logique d'opposition.

5) a) C'est l'enfant qui maîtrise le mieux la situation.

b) Il garde son calme, les menaces de Maxime ne l'impressionnent pas.
C'est un enfant aguerri, très mûr pour son âge, qui possède une grande facilité d'adaptation.
Malgré son handicap, il propose même ses services à Maxime.
Il est dégourdi et courageux et n'a sans doute plus rien à perdre.

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