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Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de Laurent Gaudé

Le sujet  2006 - Brevet Série Collège - Français - Questions Imprimer le sujet
Avis du professeur :

Le texte proposé repose sur une narration-description très écrite, assez mystérieux puisqu'il repose sur divers effets de suspense, d'attente.
Le sujet, assez difficile, suppose que vous disposiez de bons outils pour l'analyse littéraire : les outils grammaticaux et les figures de style guident l'explication.

LE SUJET


Le Soleil des Scorta

 

Après une longue absence, un homme revient dans son village du sud de l'Italie.

 

         Sur un chemin de poussière, un âne avançait lentement. Il suivait chaque courbe
     de la route, avec résignation. Rien ne venait à bout de son obstination1. Ni l'air brûlant
     qu'il respirait. Ni les rocailles pointues sur lesquelles ses sabots s'abîmaient. Il
     avançait. Et son cavalier semblait une ombre condamnée à un châtiment antique2.
5   L'homme ne bougeait pas. Hébété de chaleur. Laissant à sa monture le soin de les
     porter tous deux au bout de cette route. La bête s'acquittait de sa tâche avec une
     volonté sourde qui défiait le jour. Lentement, mètre après mètre, sans avoir la force de
     presser jamais le pas, l'âne engloutissait les kilomètres. Et le cavalier murmurait entre
     ses dents des mots qui s'évaporaient dans la chaleur. "Rien ne viendra à bout de moi...
10  Le soleil peut bien tuer tous les lézards des collines, je tiendrai. Il y a trop longtemps
     que j'attends... La terre peut siffler et mes cheveux s'enflammer, je suis en route et
     j'irai jusqu'au bout."
         Les heures passèrent ainsi, dans une fournaise qui abolissait3 les couleurs. Enfin,
     au détour d'un virage, la mer fut en vue. "Nous voilà au bout du monde, pensa
15  l'homme. Je rêve depuis quinze ans à cet instant."
         La mer était là. Comme une flaque immobile qui ne servait qu'à réfléchir la
     puissance du soleil. Le chemin n'avait traversé aucun hameau, croisé aucune autre
     route, il s'enfonçait toujours plus avant dans les terres. L'apparition de cette mer
     immobile, brillante de chaleur, imposait la certitude que le chemin ne menait nulle
20  part. Mais l'âne continuait. Il était prêt à s'enfoncer dans les eaux, de ce même pas lent
     et décidé si son maître le lui demandait. Le cavalier ne bougeait pas. Un vertige l'avait
     saisi. Il s'était peut-être trompé. A perte de vue, il n'y avait que collines et mer
     enchevêtrées. "J'ai pris la mauvaise route, pensa-t-il. Je devrais déjà apercevoir le
     village. A moins qu'il n'ait reculé. Oui. Il a dû sentir ma venue et a reculé jusque dans
25  la mer pour que je ne l'atteigne pas. Je plongerai dans les flots mais je ne céderai pas.
     Jusqu'au bout. J'avance. Et je veux ma vengeance."
         L'âne atteignit le sommet de ce qui semblait être la dernière colline du monde.
     C'est alors qu'ils virent Montepuccio. L'homme sourit. Le village s'offrait au regard
     dans sa totalité. Un petit village blanc, de maisons serrées les unes contre les autres,
30  sur un haut promontoire qui dominait le calme profond des eaux. Cette présence
     humaine, dans un paysage si désertique, dut sembler bien comique à l'âne, mais il ne
     rit pas et continua sa route.

 

Laurent GAUDE, Le Soleil des Scorta, Editions Actes Sud, 2004.

(1) obstination : entêtement
(2) châtiment antique : référence aux héros de la tragédie grecque
(3) abolir : effacer

 

QUESTIONS (15 points)

Toutes les réponses doivent être rédigées.

I - "SUR UN CHEMIN DE POUSSIERE" (5 points)

1. Relevez quatre mots ou expressions appartenant au champ lexical de la chaleur. (1 point)

2. "Comme une flaque immobile qui ne servait qu'à réfléchir la puissance du soleil."  (l.16-17)
"réfléchir" (l.16)
Remplacez ce verbe dans la phrase par un mot ou une expression synonyme. (0,5 point)

3. Pour quelles raisons l'auteur insiste-t-il ainsi sur la chaleur ? (l.1 à l.5) (0,5 point)

4. "Enfin, au détour d'un virage, la mer fut en vue." (l.13-14)
"C'est alors qu'ils virent Montepuccio". (l.28)
a. Relevez les deux adverbes.
b. Justifiez le temps des verbes.
c. A partir de vos réponses, indiquez ce que marquent ces deux phrases dans la progression générale du récit. (2 points)

5. "Et son cavalier semblait une ombre condamnée à un châtiment antique." (l.4)
En vous appuyant sur cette comparaison, dites quel est le destin qui selon vous attend le cavalier. (1 point)

 

II - "J'IRAI JUSQU'AU BOUT" (5 points)

1. "Je plongerai dans les flots mais je ne céderai pas." (l.25)
a. A quelle phrase de ce même paragraphe cette phrase fait-elle écho ?
b. Qu'en déduisez-vous sur la relation entre l'homme et l'animal ? (1 point)

2. "Ni l'air brûlant qu'il respirait. Ni les rocailles pointues sur lesquelles ses sabots s'abîmaient." (l.2 et 3) et "Jusqu'au bout. J'avance. Et je veux ma vengeance." (l.26)
a. Observez la construction de ce passage et indiquez les procédés utilisés.
b. Que nous révèlent-ils sur le cheminement de l'homme et de sa monture ? (1,5 point)

3. "Je devrais déjà apercevoir le village. A moins qu'il n'ait reculé. Oui. Il a dû sentir ma venue et a reculé jusque dans la mer pour que je ne l'atteigne pas."(l.23-25)
a. Quelle est la figure de style utilisée pour évoquer le village dans ces lignes ?
b. D'après vous, quel sentiment le cavalier prête-t-il au village ? (1 point)

4. Dans ce même passage, le verbe "reculer" est employé deux fois à deux modes différents. Identifiez-les et expliquez la signification de ce changement de mode. (1,5 point)

 

III - "LA DERNIERE COLLINE DU MONDE" (5 points)

1. "Un petit village blanc, de maisons serrées les unes contre les autres, sur un haut promontoire qui dominait le calme profond des eaux." (l.29-30)
a. Précisez la nature de petit, puis celle de qui dominait le calme profond des eaux.
b. Dites à quelle forme de discours appartient cette phrase.
c. Quelles impressions donne-t-elle du village et du paysage ? Vous développerez votre réponse en utilisant d'autres éléments du dernier paragraphe. (2,5 points)

2. "L'homme sourit. Le village s'offrait au regard dans sa totalité." (l.28-29)
a. Comment interprétez-vous ce sourire ?
b. Quelle hypothèse ces deux phrases vous permettent-elles de formuler sur la suite du roman ? (1 point)

3. En vous appuyant sur vos connaissances (récits, théâtre, cinéma...), dites à quel type de personnage ce cavalier peut faire penser. Rédigez votre réponse en la justifiant. (1,5 point)

 

REECRITURE (4 points)

1. "Le cavalier ne bougeait pas. Un vertige l'avait saisi. Il s'était peut-être trompé". (l.21).
Réécrivez ce passage en remplaçant "Le cavalier" par "Les cavaliers". (2 points)

2. "Rien ne viendra à bout de moi... Le soleil peut bien tuer tous les lézards des collines, je tiendrai." (l.9-10).
Réécrivez ce passage au discours indirect en commençant par "Le cavalier murmurait que..." (2 points)

Attention : les fautes de copie seront sanctionnées.

LE CORRIGÉ


IMPORTANT !

Pour plus de clarté, nous répétons les questions, telles qu’elles figuraient sur votre sujet, mais vous n’étiez pas obligé de le faire. Il était souhaitable de développer et d’étoffer les réponses comme nous l’avons fait, pour des raisons de présentation et de lisibilité. Cependant les élèves n’ayant fourni que les réponses en lettres rouges auront l’intégralité des points indiqués.

QUESTIONS (15 points)

I -  "Sur un chemin de poussiEre" (5 points)

1. Relevez quatre mots ou expressions appartenant au champ lexical de la chaleur.
Les expressions suivantes peuvent être relevées : "air brûlant" (l. 2), "hébété de chaleur" (l. 5), "s'évaporaient dans la chaleur" (l. 9), "le soleil" (l. 10), "une fournaise" (l. 13), "la puissance du soleil" (l. 17) "brillante de chaleur" (l. 19) (1 point)

2. "Comme une flaque immobile qui ne servait qu'à réfléchir la puissance du soleil"(l. 16-17) Réfléchir (l. 16)
Remplacez ce verbe dans la phrase par un mot ou une expression synonyme.
"Comme une flaque immobile qui ne servait qu'à renvoyer (ou faire miroiter) la puissance du soleil." (0,5 point)

3. Pour quelles raisons l'auteur insiste-t-il ainsi sur la chaleur ?(l. 1 à l. 5)
L'auteur insiste sur la chaleur pour
mettre en valeur la résistance de l'animal et de l'homme face à cette épreuve  : "il avançait. Et son cavalier semblait une ombre condamnée à un châtiment antique." (l. 3-4).
Seule la chaleur accablante pourrait constituer un
obstacle à la quête du cavalier, l'empêcher d'aller au bout du voyage. (0,5 point)

4. "Enfin, au détour d'un virage, la mer fut en vue." (l. 13-14)
"C'est alors qu'ils virent Montepuccio" (l. 28)
a. Relevez deux adverbes.

"Enfin" et "alors"
sont les deux adverbes employés
b. Justifiez le temps des verbes.
Les passés simples des verbes, dans ces deux phrases indiquent
un fait bref, qui s'opposent aux verbes à l'imparfait le plus souvent utilisés dans le premier paragraphe.
c. A partir de vos réponses, indiquez ce que marquent ces deux phrases dans la progression générale du récit.
Ces deux phrases indiquent des
tournants dans l'action : dans la première phrase la vue de la mer constitue une première étape très attendue du voyage. Dans la deuxième, l'homme voit le village tant attendu. (2 points)

5. "Et son cavalier semblait une ombre condamnée à un châtiment antique." (l. 4)
En vous appuyant sur cette comparaison, dites quel est le destin qui selon vous attend le cavalier.
Le cavalier peut être
puni comme l'ont été certains héros de la mythologie (Sisyphe ou Prométhée), ou apprendre sur lui ou sur les siens, un secret terrible, à la façon d'Oedipe. (1 point)

 

II - "J'irai jusqu'au bout" (5 points)

1. "Je plongerai dans les flots mais je ne cèderai pas." (l. 25)
a. A quelle phrase de ce même paragraphe cette phrase fait-elle écho ?
Cette phrase fait écho à la suivante :
Il était prêt à s'enfoncer dans les eaux, de ce même pas lent et décidé si son maître le lui demandait."
b. Qu'en déduisez-vous sur la relation entre l'homme et l'animal ?
Cette phrase qui concerne l'âne montre la
confiance qui unit la bête à son maître. Elle met en relief sa fidélité et sa soumission à l'homme. (1 point)

2. "Ni l'air brûlant qu'il respirait. Ni les rocailles pointues sur lesquelles ses sabots s'abîmaient." (l. 2 et 3) et "Jusqu'au bout. J'avance. Et je veux ma vengeance." (l. 26)
a. Observez la construction de ce passage et indiquez les procédés utilisés.
Dans le premier passage, la longue phrase est interrompue par une
ponctuation forte. Cette ponctuation forte est également employée dans le second passage.
Les deux premières phrases commencent par la
répétition de la négation "ni".
Dans le deuxième passage, le
"Et" qui commence la troisième phrase met en valeur l'idée forte, celle de vengeance. (1,5 point)
b. Que nous révèlent-ils sur le cheminement de l'homme et de sa monture ?
Ces procédés : ponctuation forte, anaphore, emploi de "Et" en tête de phrase montrent qu'aucun obstacle naturel ne peut empêcher le cavalier d'avancer.

3. "Je devais déjà apercevoir le village. A moins qu'il n'ait reculé. Oui. Il a dû sentir ma venue et a reculé jusque dans la mer pour que je ne l'atteigne pas." (l. 23-25)
a. Quelle est la figure de style utilisée pour évoquer le village dans ces lignes ?
La figure de style employée est
une personnification.
b. D'après vous, quel sentiment le cavalier prête-t-il au village ?
Le village est donc présenté comme
un personnage qui s'oppose au cavalier et qui semble le craindre, en avoir peur. (1 point)

4. Dans le même passage, le verbe reculer est employé deux fois à deux modes différents. Identifiez-les et expliquez la signification de ce changement de mode.
"A moins qu'il n'ait reculé" : le verbe est
au subjonctif pour marquer le doute, l'incertitude dans une proposition subordonnée.
"Il [...] a reculé" : le verbe est à
l'indicatif pour marquer la certitude du cavalier. Ce qui était un doute devient un fait avéré. (1,5 point)

 

III - "La derniere colline du monde" (5 points)

1. "Un petit village blanc, de maisons serrées les unes contre les autres, sur un haut promontoire qui dominait le calme profond des eaux". (l. 29-30)
a.
Précisez la nature de "petit", puis celle de "qui dominait le calme profond des eaux".
"Petit" est un
adjectif qualificatif, "qui dominait le calme profond des eaux" est une proposition subordonnée relative.
b. Dites à quelle forme de discours appartient cette phrase.
Cette phrase appartient au
discours descriptif.
c. Quelles impressions donne-t-elle du village et du paysage ? Vous développerez votre réponse en utilisant d'autres éléments du dernier paragraphe.
Le village
est isolé, très à l'écart, et s'offre dans sa totalité à la vue du voyageur. Les maisons serrées suggèrent la peur des habitants. Un peu plus haut, le village semblait craindre le cavalier. (2,5 points)

2. "L'homme sourit." "le village s'offrait au regard dans sa totalité "(l. 28-29)
a. Comment interprétez-vous ce sourire ?
L'homme sourit,
comme s'il se sentait maître de ce lieu qu'il domine de haut, et qu'il sait petit.
b. Quelle hypothèse ces deux phrases vous permettent-elles de formuler sur la suite du roman ?
Ce sourire, et le regard qui embrasse la totalité du lieu laisse penser
qu'il se vengera comme il le souhaite et que nul n'échappera à cette vengeance. (1 point)

3. En vous appuyant sur vos connaissances (récits, théâtre, cinéma), dites à quel type de personnage ce cavalier peut faire penser. Rédigez votre réponse en la justifiant.
Ce cavalier rappelle la figure du
vengeur solitaire. Souvent humilié, blessé autrefois, il revient pour "régler ses comptes". Ce personnage apparaît dans certains récits antiques, mais aussi dans les westerns, comme ceux que joue Clint Eastwood. C'est un personnage taciturne, monté sur un cheval, toujours mystérieux. Sa détermination ressemble à celle du cavalier dans le texte. (1,5 point)

REECRITURE (4 points)

1. "Le cavalier ne bougeait pas. Un vertige l'avait saisi. Il s'était peut-être trompé." (l. 21)
Réécrivez ce passage en remplaçant Le cavalier par les cavaliers (2 points)
"Les cavaliers ne bougeaient pas. Un vertige les avait saisis. Ils s'étaient peut-être trompés."

2. "Rien ne viendra à bout de moi... Le soleil peut bien tuer tous les lézards des collines, je tiendrai." (l. 9-10)
Réécrivez ce passage au discours indirect en commençant par "Le cavalier murmurait que"...
"Le cavalier murmurait que rien ne viendrait à bout de lui... Le soleil pouvait bien tuer tous les lézards des collines, il tiendrait." (2 points)

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