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Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de Nicolas Bouvier

Le sujet  1998 - Brevet Série Collège - Français - Questions Imprimer le sujet
LE SUJET

J'avais quitté Genève depuis trois jours et cheminais à toute petite allure quand à Zagreb, poste restante, je trouvai cette lettre de Thierry :

Travnik, Bosnie, le 4 juillet.

"Ce matin, soleil éclatant, chaleur ; je suis monté dessiner dans les collines. Marguerites, blés frais, calmes ombrages. Au retour, croisé un paysan monté sur un poney. Il en descend et me roule une cigarette qu'on fume accroupis au bord du chemin. Avec mes quelques mots de serbe, je parviens à comprendre qu'il ramène des pains de chez lui, qu'il a dépensé mille dinars pour aller trouver une fille qui a de gros bras et de gros seins, qu'il a cinq enfants et trois vaches, qu'il faut se méfier de la foudre qui a tué sept personnes l'an dernier.

Ensuite je suis allé au marché. C'est le jour : des sacs faits avec la peau entière d'une chèvre, des faucilles à vous donner envie d'abattre des hectares de seigle, des peaux de renard, des paprikas, des sifflets, des godasses, du fromage, des bijoux de fer-blanc, des tamis de jonc encore vert auxquels des moustachus mettent la dernière main et, régnant sur tout cela, la galerie des unijambistes, des manchots, des trachomeux, des trembleurs et des béquillards.

Ce soir, été boire un coup sous les acacias pour écouter les Tziganes qui se surpassaient. Sur le chemin du retour, j'ai acheté une grosse pâte d'amande, rose et huileuse. L'Orient, quoi !"


J'examinai la carte. C'était une petite ville dans un cirque de montagnes, au cœur du pays bosniaque. De là, il comptait remonter vers Belgrade où l'"Association des peintres serbes" l'invitait à exposer. Je devais l'y rejoindre dans les derniers jours de juillet avec le bagage et la vieille Fiat que nous avions retapée, pour continuer vers la Turquie, l'Iran, l'Inde, plus loin peut-être... Nous avions deux ans devant nous et de l'argent pour quatre mois. Le programme était vague mais, dans de pareilles affaires, l'essentiel est de partir.

C'est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi l'envie de tout planter là. Songez à des régions comme le Banat, la Caspienne, le Cachemire, aux musiques qui y résonnent, aux regards qu'on y croise, aux idées qui vous y attendent...


Nicolas BOUVIER, L'Usage du monde, Droz, 1983.
Rééd. Payot, 1992.



I - DEUX AMIS EN CHEMIN

1) a) Qui est représenté par le pronom "je" dans la phrase "J'avais quitté Genève..." ?

b) Qui est représenté par le pronom "je" dans la lettre ?

c) Pourquoi une partie du texte se trouve-t-elle entre guillemets ?

2) a) "Godasses". Dites à quel registre de langue appartient ce mot, puis relevez une tournure ou expression appartenant au même registre de langue.

b) Pourquoi l'auteur de ces lignes s'exprime-t-il ainsi ?

3) a) Relevez deux expressions montrant l'émerveillement de Thierry devant ce qu'il voit.

b) A quoi veut-il amener son destinataire ?

4) Après avoir relu tout le texte, indiquez quel projet ont en commun les deux amis.
La réponse doit être justifiée par des citations du texte.


II - PRENDRE LE TEMPS DE VOIR LE MONDE


1) De "J'examinai la carte" à "l'essentiel est de partir"
Si vous deviez caractériser le voyage des deux amis, quels sont les adjectifs qualificatifs que vous utiliseriez ? (On n'acceptera pas deux adjectifs synonymes).
Justifiez votre réponse à l'aide de citations relevées dans ces lignes.

2) a) Quelle semble être la profession de Thierry ?
Justifiez votre réponse à l'aide de deux indices relevés dans le texte.

b) "Marguerites, blés frais, calmes ombrages" : quelle est la caractéristique grammaticale de cette phrase ?
Pourquoi l'auteur de la lettre s'exprime-t-il ainsi ?

c) De "Ensuite je suis allé au marché" à "des béquillards"
Quel procédé de style utilise-t-il pour décrire le marché ?
Quel est l'effet produit ?


III - L'ENVIE DE PARTIR


1) "C'est la contemplation silencieuse des atlas, à plat ventre sur le tapis, entre dix et treize ans, qui donne ainsi l'envie de tout planter là"
Quelle tournure grammaticale le narrateur utilise-t-il pour mettre en valeur l'expression de son envie de partir ?

2) Expliquez pourquoi le narrateur a envie de voyager, en vous appuyant sur des expressions précises relevées dans le dernier paragraphe ?

3) a) Pourquoi l'auteur emploie-t-il le présent dans le dernier paragraphe ?

b) De quelle manière, dans le dernier paragraphe, le narrateur associe-t-il le lecteur à cette passion du voyage ?

LE CORRIGÉ

I - DEUX AMIS EN CHEMIN


1) a) Le pronom "je", dans le premier paragraphe, représente le narrateur, Nicolas Bouvier.

b) Dans le deuxième paragraphe, le pronom "je" représente Thierry, l'expéditeur de la lettre que le narrateur trouve à Zagreb.

c) Le texte se trouve entre guillemets car l'auteur retranscrit le contenu de la lettre de Thierry.

2) a) Le mot "godasses" appartient au registre de langue familier, terme d'argot.
"Boire un coup", appartient également au registre de langue familier.

b) L'auteur de ces lignes s'exprime ainsi parce qu'il ne fait pas d'effets de style dans sa lettre qui s'adresse à un ami proche.

3) a) Deux expressions témoignent de son émerveillement devant ce qu'il voit :"ce matin, soleil éclatant, chaleur" ; "marguerites, blés frais, calmes ombrages".

b) Il veut amener son destinataire à comprendre les contrastes qui font l'originalité de la Bosnie : chaleur et fraîcheur, pauvreté et élégance avec la scène du paysan.

4) Le projet commun des deux amis est de poursuivre le voyage jusqu'à la Turquie et l'Iran, disposant d'une voiture, de bagages, d'argent et de temps (deux ans).
En réalité, la destination du voyage importe peu pour eux.
Ce qui compte, c'est la découverte des pays traversés, à leur rythme.
"Plus loin peut-être, vieille Fiat, deux ans devant nous et de l'argent pour quatre mois, programme vague, l'essentiel est de partir".


II - PRENDRE LE TEMPS DE VOIR LE MONDE


1) On pourrait utiliser les adjectifs "itinérant, vagabond, improvisé, dilettante..." pour caractériser le voyage des deux amis.
Les citations suivantes peuvent le montrer : "plus loin peut-être, deux ans devant nous, programme vague".

2) a) Thierry est peintre : "je suis monté dessiner ; "l'Association des peintres serbes l'invitait à exposer".

b) "Marguerites, blés frais, calmes ombrages" est une phrase elliptique du verbe, ou phrase nominale.
On pourrait parler de style télégraphique : Thierry ne fait pas d'effets de style, il s'exprime comme dans un carnet de voyage, notant ses impressions au fil de la plume.

c) L'auteur utilise l'énumération pour décrire le marché.
L'effet produit est celui d'abondance de marchandises, de foule pauvre et nombreuse.


III - L'ENVIE DE PARTIR


1) Dans la phrase " C'est la contemplation silencieuse... qui donne ainsi l'envie de tout planter là", l'auteur utilise un présentatif (c'est... qui) pour mettre en valeur l'expression de son envie de partir.

2) Le narrateur a envie de découvrir de nouveaux horizons, de nouvelles cultures, il a envie de flâner, de prendre son temps.
"Contemplation silencieuse, envie de tout planter là, musiques qui y résonnent, regards qu'on y croise, idées qui vous y attendent".
Ce désir de voyager dans ces conditions est un vieux rêve d'enfant.

3) a) L'auteur emploie le présent dans le dernier paragraphe car il veut convaincre le lecteur, lui faire partager son point de vue sur le voyage, en utilisant un présent de vérité générale.

b) Il associe le lecteur à cette passion du voyage en utilisant l'impératif (songez), en l'interpellant directement, en vantant les charmes du voyage un peu comme un vendeur de rêves.

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