Le sujet 2008 - Bac Pro Secteur Industriel - Français - Compétence de lecture |
Avis du professeur :
Trois questions cette année permettent d'expliquer le texte : |
1. Par quels procédés d'écriture le narrateur traduit-il l'abondance et la
variété de la nourriture ? Vous vous intéresserez en particulier à
l'organisation du texte, à la structure des phrases et au lexique. (4 points)
2. "On discutait. On riait. Chacun veillait sur son voisin, vérifiant que son assiette ne se vide jamais". (lignes 23 et 24). Quelles relations entre les convives sont mises en valeur dans ces trois phrases ? Par quels procédés (choix des pronoms, des verbes...) ? (2 points)
3. En vous appuyant sur les comportements, sur les sentiments et les sensations éprouvés par les personnages, dites quelle signification particulière prend ce repas. (4 points)
(10 points)
Texte
Dans une modeste famille de pêcheurs du sud de l'Italie, un repas de famille est organisé...
1 Ils
étaient une quinzaine à table et ils se regardèrent un temps, surpris de
constater à quel point
le clan avait grandi. Raffaele rayonnait de bonheur et de
gourmandise. Il avait tant rêvé de cet instant.
Tous ceux qu'il aimait étaient là, chez lui, sur son trabucco1.
Il s'agitait d'un coin à un autre, du four à
la cuisine, des filets de pêche à la table, sans relâche,
pour que chacun soit servi et ne manque de rien.
5 Ce jour resta gravé dans la mémoire des
Scorta. Car pour tous, adultes comme enfants, ce fut la
première fois qu'ils mangèrent ainsi. L'oncle Faelucc' avait
fait les choses en grand. Comme
antipasti2, Raffaele et Giuseppina apportèrent sur
la table une dizaine de mets. Il y avait des moules
grosses comme le pouce, farcies avec un mélange à base
d'œufs, de mie de pain et de fromage. Des
anchois marinés dont la chair était ferme et fondait sous la
langue. Des pointes de poulpes. Une salade
10 de tomates et de chicorée. Quelques fines tranches d'aubergine
grillées. Des anchois frits. On se
passait les plats d'un bout à l'autre de la table. Chacun
piochait avec le bonheur de n'avoir pas à
choisir et de pouvoir manger de tout.
Lorsque les assiettes furent vides,
Raffaele apporta sur la table deux énormes saladiers fumants.
Dans l'un, les pâtes traditionnelles de la région : les troccoli
à l'encre de seiche. Dans l'autre, un
15 risotto aux fruits de mer. Les plats furent accueillis avec un hourra
général qui fit rougir la cuisinière.
C'est le moment où l'appétit est ouvert et où l'on croit
pouvoir manger pendant des jours. Raffaele
posa également cinq bouteilles de vin du pays. Un vin rouge,
rugueux, et sombre comme le sang du
Christ. La chaleur était maintenant à son zénith. Les
convives étaient protégés du soleil par une natte
de paille, mais on sentait, à l'air brûlant, que les lézards
eux-mêmes devaient suer.
20 Les conversations naissaient dans le brouhaha des
couverts - interrompues par la question d'un
enfant ou par un verre de vin qui se renversait. On parlait
de tout et de rien. Giuseppina racontait
comment elle avait fait les pâtes et le risotto. Comme si
c'était encore un plaisir plus grand de parler de
nourriture lorsque l'on mange. On discutait. On riait. Chacun
veillait sur son voisin, vérifiant que son
assiette ne se vide jamais.
25 Lorsque les grands plats furent vides, tous étaient
rassasiés. Ils sentaient leur ventre plein. Ils
étaient bien. Mais Raffaele n'avait pas dit son dernier mot.
Il apporta en table cinq énormes plats
remplis de toute sorte de poissons pêchés le matin même. Des
bars, des dorades. Un plein saladier de
calamars frits. De grosses crevettes roses grillées au feu de
bois. Quelques langoustines même. Les
femmes, à la vue des plats, jurèrent qu'elles n'y
toucheraient pas. Que c'était trop. Qu'elles allaient
30 mourir. Mais il fallait faire honneur à Raffaele et Giuseppina. Et pas
seulement à eux. À la vie
également qui leur offrait ce banquet qu'ils n'oublieraient
jamais. On mange dans le Sud avec une
sorte de frénésie et d'avidité goinfre. Tant qu'on peut.
Comme si le pire était à venir. Comme si c'était
la dernière fois qu'on mangeait. Il faut manger tant que la
nourriture est là. C'est une sorte d'instinct
panique. Et tant pis si on s'en rend malade. Il faut manger
avec joie et exagération.
35 Les plats de poisson tournèrent et on les dégusta
avec passion. On ne mangeait plus pour le
ventre mais pour le palais. Mais malgré toute l'envie qu'on
en avait, on ne parvint pas à venir à bout
des calamars frits. Et cela plongea Raffaele dans un
sentiment d'aise vertigineux. Il faut qu'il reste des
mets en table, sinon, c'est que les invités n'ont pas eu
assez. A la fin du repas, Raffaele se tourna vers
son frère Giuseppe et lui demanda en lui tapotant le ventre :
"Pancia piena3 ?" Et tout le monde rit,
40 en déboutonnant sa ceinture ou en sortant son éventail. La chaleur
avait baissé mais les corps repus
commençaient à suer de toute cette nourriture ingurgitée, de
toute cette joyeuse mastication. Alors
Raffaele apporta en table des cafés pour les hommes...
Laurent Gaudé, Le soleil des Scorta, 2004.
1 trabucco : ponton en bois
2 antipasti : hors-d'œuvre
3 "Pancia piena ?" : "Ton ventre est bien
rempli ?"
I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET ET PISTES de REPONSE:
La première question était la plus complexe et demandait une analyse serrée du texte:
PREMIERE QUESTION (4 points)
Sujet |
Contraintes |
Par quels procédés d'écriture... |
● Ce terme générique qui comprend toutes sortes de choses dont la structure des phrases et le lexique précisés ci-dessous. |
...le narrateur traduit-il l'abondance et la variété de la nourriture ? |
● On doit porter l'attention sur la quantité (abondance) et la qualité (variété). cette phrase délimite dans le texte l'étude des procédés d'écriture. |
Vous vous intéresserez en particulier à l'organisation du texte... |
● Structure générale du texte, partie par partie. |
à la structure des phrases... |
● La manière dont les phrases sont construites et s'enchaînent. |
et au lexique. |
● Les champs lexicaux, les types de mots, les expansions des groupes nominaux, etc. |
1) En introduction, on reprendra le thème sur lequel porte l'objet d'étude de cette manière et dans l'ordre les questions à traiter:
L'extrait du roman de Laurent Gaudé qui décrit le repas de cette famille de pêcheurs au bord de la mer est marqué par l'abondance et la variété des mets. Pour le décrire l'auteur:
● structure
son texte de manière chronologique en passant en revue les différents
moments de ce repas italien (hors-d'oeuvre, premiers plats, seconds plats),
● énumère les plats,
● décrit avec
précision.
2) Le développement abordera point par point ces différentes parties :
● Organisation du texte :
Dès le début du deuxième paragraphe, le repas est
annoncé comme exceptionnel.
Les entrées
La suite du paragraphe décrit les antipasti (entrées) : "une
dizaine de mets". L'auteur n'en évoque qu'une partie et interrompt
l'énumération pour décrire la manière dont on se sert.
Les premiers plats
le troisième paragraphe commence par une phrase de transition : "lorsque
les assiettes furent vides" avant de faire entrer Raffaele en scène avec
"deux énormes" plats rapidement annoncés. Il s'agit de riz et de
pâtes. Après une phrase qui exprime l'enthousiasme des convives, le narrateur
passe au vin, dont il précise le nombre, "cinq bouteilles". Il
s'attarde durant le quatrième paragraphe sur les conversations et l'atmosphère
du repas."
Les seconds plats
Le cinquième paragraphe est consacré aux poissons et fruits de mer. Une fois
encore, l'auteur précise leur nombre "cinq énormes plats". Une
nouvelle énumération donne le contenu de chacun d'eux, avant de laisser place à
un développement général sur la manière dont "on mange dans le sud avec
une sorte de frénésie et d'avidité goinfre."
Le sixième paragraphe clôt cette partie du repas d'abord sur l'impossibilité de
finir les poissons ("on ne parvint pas à venir à bout des calamars
frits"), puis sur la satisfaction de Raffaele de voir ses invités repus,
avant de passer au café.
On conclura ce premier aspect en disant que, comme les points de suspension l'indiquent, le repas n'est pas tout à fait terminé puisqu'il reste à décrire les desserts.
● Structure du texte :
Le texte est structuré par un certain nombre de
phrases au passé simple:
"ce jour restera gravé dans la mémoire des Scorta. Ce fut la première fois
qu'ils mangèrent ainsi." ; "Raffaele et Giuseppina apportèrent sur la
table une dizaine de mets" ; "Lorsque les assiettes furent vide,
Raffaele apporta sur la table deux énormes saladiers fumants." etc. qui
ponctuent les différentes étapes du repas.
Ces annonces sont suivies d"énumérations (moules, anchois marinés, poulpes, salade de tomate, aubergine, anchois frits) et de descriptions introduites par un verbe à l'imparfait : "Il y avait des moules..." On trouve ensuite des phrases nominales : "Des anchois marinés... Des pointes de poulpes. Une salade... Quelques fines tranches d'aubergines grillées. Des anchois frits." Ces phrases n'épuisent pas l'énumération puisque l'auteur ne nomme que six entrées sur dix, avant de revenir à des imparfaits qui décrivent la manière dont on se sert.
Il vous fallait montrer ensuite que le même procédé était repris pour les premiers et les seconds plats.
● Le lexique :
Deux types d'éléments principaux concourent à donner l'idée d'abondance
et de variété :
D'abord les noms des aliments
:
Produits de la pêche, poissons (anchois, bars, dorades) et fruits de mer (moules, anchois, poulpes, calamars, crevettes, langoustines.) Féculents (riz, pâtes, mie de
pain) et autres produits de la terre (tomate et de chicorée, aubergine), sans oublier les oeufs,
le fromage qui servent de garniture, le vin et à la fin de café.
Ces noms sont suivis d'une série d'expansions qui insistent sur l'abondance et la variété :
Des moules grosses comme le pouce, farcies avec un mélange à base d'œufs, de mie de pain et de fromage. Deux énormes saladiers fumants. Cinq énormes plats, toute sorte de poissons, Un plein saladier de calamars frits, de grosses crevettes roses.
Il y avait bien d'autres éléments que l'on pouvait signaler mais que vous n'aviez pas le temps de dégager si vous vouliez traiter les questions suivantes.
DEUXIEME QUESTION (2 points)
Sujet |
Contraintes |
"On discutait. On riait. Chacun veillait sur son voisin, vérifiant que son assiette ne se vide jamais". (lignes 23 et 24). |
● Trois phrases seules suffisent à éclairer l'idée qui imprègne tout le texte. |
Quelles relations entre les convives sont mises en valeur dans ces trois phrases? |
● L'attention porte sur un point : "les relations". |
Par quels procédés (choix des pronoms, des verbes...)? |
● Il ne s'agit pas seulement de comprendre le sens mais de s'appuyer sur l'analyse précise du discours. |
Trois phrases suffisent à résumer l'atmosphère qui se dégage
du texte de Laurent Bordé, marqué par la joie
("on riait"), la communication
("on discutait"), l'attention à
l'autre ("Chacun veillait sur son voisin, vérifiant que son assiette ne se
vide jamais"). Cette atmosphère de partage et d'amour est celle d'une fête
de famille.
Les pronoms impersonnels ("on" répété,
"chacun") désignent tous les convives et signifient qu'il n'y a pas
d'exception, pas d'exclus de ce partage et que la famille est unie.
L'imparfait par son aspect verbal montre bien
que d'un bout à l'autre de ce repas, cette atmosphère conviviale dure dans le temps. Rien ne vient interrompre ni
gâcher la fête.
TROISIEME QUESTION (4 points)
Sujet |
Contraintes |
En vous appuyant sur les comportements, |
● ce que font les personnages. |
sur les sentiments et les sensations éprouvés par les personnages, |
● ce qu'expriment les personnages. |
dites quelle signification particulière prend ce repas. |
● la signification de ce festin. |
Il ne s'agissait pas de tout relever comme je l'ai fait mais de signaler les idées principales en s'appuyant sur quelques exemples :
● Ce que font les personnages : Le
texte est rythmé par les actions de Raffaele et de sa femme qui servent tandis
que les autres mangent, parlent, rient (voir les passages en bleu),
● Ce qu'expriment les personnages : Il est aussi rythmé
par les marques d'étonnement, de bonheur, de satisfaction, de joie d'être
ensemble (voir les passages en rouge).
Ils étaient une quinzaine à table et ils se regardèrent un temps, surpris de constater à quel point le clan avait grandi. Raffaele rayonnait de bonheur et de gourmandise.... Il s'agitait d'un coin à un autre, du four à la cuisine, des filets de pêche à la table, sans relâche, pour que chacun soit servi et ne manque de rien.... Comme antipasti, Raffaele et Giuseppina apportèrent sur la table une dizaine de mets... On se passait les plats d'un bout à l'autre de la table. Chacun piochait avec le bonheur de n'avoir pas à choisir et de pouvoir manger de tout. Lorsque les assiettes furent vides, Raffaele apporta sur la table deux énormes saladiers fumants... Les plats furent accueillis avec un hourra général qui fit rougir la cuisinière.... Les conversations naissaient dans le brouhaha des couverts... Giuseppina racontait comment elle avait fait les pâtes et le risotto. Comme si c'était encore un plaisir plus grand de parler de nourriture lorsque l'on mange. On discutait. On riait... Ils sentaient leur ventre plein. Ils étaient bien. Mais Raffaele n'avait pas dit son dernier mot. Il apporta en table... Les femmes, à la vue des plats, jurèrent qu'elles n'y toucheraient pas. Que c'était trop. Qu'elles allaient mourir. Mais il fallait faire honneur à Raffaele et Giuseppina. Et pas seulement à eux. À la vie également... Et cela plongea Raffaele dans un sentiment d'aise vertigineux.... Raffaele se tourna vers son frère Giuseppe et lui demanda en lui tapotant le ventre : "Pancia piena ?" Et tout le monde rit... de toute cette joyeuse mastication. Alors Raffaele apporta en table des cafés pour les hommes...
● La signification que revêt ce festin est celle d'un moment privilégié de joie et de communion familiale, un de ces moments qui marquent la vie de chacun des membres d'une famille. Cette union exceptionnelle autour d'un repas exceptionnel marque le triomphe de cette famille pauvre sur la misère.
II - LES FAUSSES PISTES
La
difficulté principale du texte étant sa richesse, il fallait avoir su gérer son
temps de manière à ne pas se laisser déborder dès la première question.