Annales gratuites Bac 1ère L : Réécrire est-ce dépasser son modèle?

Dissertation

Selon vous, réécrire, est-ce chercher à dépasser son modèle ?

Vous développerez votre argumentation en vous appuyant sur les textes du corpus, ainsi que sur ceux étudiés en classe et sur vos lectures personnelles. Vous pourrez vous intéresser à d’autres genres que le roman.

L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET

LES DIFFERENTS TYPES DE PLANS POSSIBLES

On attendra au minimum un plan en deux parties dont la première vérifierait l’hypothèse émise par le sujet (réécrire, c’est dépasser son modèle) et la seconde montrerait que la réécriture entretient d’autres formes de rapport avec le modèle.

Cette seconde partie (antithèse) peut être déclinée en deux temps, ce qui permet d’obtenir un plan en trois parties.

LES PISTES DE REPONSES

Introduction

Le sujet invite à interroger le projet littéraire des auteurs : pourquoi réécrit-on ? Quel dialogue l’auteur entretient-il avec les textes du passé ? Comment, dans ce contexte, comprendre le terme « dépasser » ?

PREMIeRE PARTIE : Surpasser son modèle ?

1. La compétition littéraire

Le cas des concours de théâtre, dans l’antiquité, montre un véritable exemple de rivalité entre auteurs. Ainsi, les dramaturges ont pu chercher ouvertement à dépasser leurs modèles.

Exemple : les tragiques grecs écrivaient volontairement autour des mêmes thèmes avec l’objectif de faire mieux que leurs prédécesseurs. Eschyle, Sophocle et Euripide écriront chacun leur version du mythe d’Electre.

2. L’émulation au XX^e siècle

Les auteurs classiques entretiennent également entre eux des rapports d’émulation, de concurrence, entretenus par la nécessité – morale et financière - d’exister à la cour.

Exemple : Racine et Corneille seront en rivalité avec leurs pièces Bérénice et Tite et Bérénice, représentées à une semaine d’intervalle en novembre 1670.

On pense également à cette phrase de Pascal : « Qu’on ne dise pas que je n’ai rien dit de nouveau : la disposition des matières est nouvelle ; quand on joue à la paume, c’est d’une même balle dont jouent l’un et l’autre, mais l’un la place mieux. » (Pensées, 1670) « Mieux », autant dire qu’il entend dépasser ses modèles.

3. Le dépassement personnel

Mais le terme de « dépassement » prend tout son sens quand l’auteur cherche à se réécrire lui-même, le projet impliquant la volonté de s’améliorer, de se dépasser soi-même.

Exemples : Flaubert réécrit la rencontre avec Elisa Schlesinger, dont il a déjà rendu compte dans les Mémoires d’un fou (A), sous une forme romanesque (B) qui sublime et véritablement dépasse le texte initial. Michel Tournier pense lui-même avoir dépassé son propre modèle dans la version de Vendredi qu’il écrit pour les enfants.

Transition

Rares semblent être les cas où le projet de l’auteur est un strict dépassement, terme qui semble impliquer un désaveu partiel du modèle. La réécriture est bien plus souvent teintée d’admiration.

DEUXIeME PARTIE : Dépasser son modele ; passer par lui pour Se Nourrir de lui

1. Prolonger son modèle : la littérature de cumul

Les Grecs et les Latins pensaient qu’une œuvre littéraire réussie devait reprendre, imiter et prolonger les maîtres du passé : ainsi, Virgile s’appuie sur l’Iliade et l’Odyssée d’Homère lorsqu’il écrit son épopée, l’Enéide. Les auteurs antiques traitent souvent les mêmes thèmes, écrivent autour des mêmes histoires, des mêmes personnages. Les classiques s’inscrivent dans ce même rapport au modèle non à dépasser mais à prolonger.

Au théâtre, Euripide écrit une pièce autour du mythe (tradition orale) d’Hippolyte, avant que le Latin Sénèque ne reprenne cette pièce dans sa langue et recentre la légende autour du personnage de Phèdre. Racine, enfin, traite le sujet en français dans sa Phèdre. En comédie, dans l’Avare Molière reprend l’Aulularia de Plaute.

La Fontaine s’inspire des Fables d’Esope, le fabuliste grec, et de celle de Phèdre, le fabuliste latin.

2. Du modèle « dé-passé » à l’actualisation du modèle

Les auteurs réécrivent également les grands mythes afin d’en montrer la permanence, l’universalité, l’actualité même, au-delà de leur encrage dans le passé, dans un contexte qui peut les rendre datés.

Exemples : Antigone, dans le monde grec, pose la question de la légitimité des lois humaines face aux lois divines. Antigone au XXe siècle pose la question de l’individu face à la responsabilité collective. L’auteur peut éprouver de la fascination pour la plasticité du mythe, sa capacité à se transformer selon les évolutions de la société. Ainsi Œdipe devient, depuis Freud, une illustration des désirs profonds de l’homme.

3. Citer son modèle : un dialogue qui fait sens.

L’auteur réécrit parfois un texte afin d’instaurer un dialogue avec lui. De ce dialogue, le texte produit peut garder des traces tangibles.

Exemple : Aragon se nourrit du texte de Flaubert (C) pour écrire la dernière rencontre entre Blanche et Geoffroy (D) et les deux textes entrent en résonance par le jeu des citations.

Loin de montrer que le modèle est dépassé, le texte d’Aragon en montre la charge émotionnelle dans la mémoire collective. Le propos n’est donc pas tant d’actualiser le texte initial que de le faire résonner à nouveau.

Transition

Il faut sans doute entendre « dépasser » comme une manière d’accueillir et poursuivre le modèle. Néanmoins, une lecture plus iconoclaste est également possible.

TROISIeME PARTIE : DéPlacer son modele

1. Le pastiche, du dépassement au déplacement

Le pastiche consiste à imiter le style d’un écrivain de manière plaisante en amplifiant les procédés qu’il utilise. Il dépasse donc, stricto sensu, son modèle d’un point de vue stylistique. Mais il va de soi que ce dépassement est davantage un déplacement puisqu’il détourne le texte de son projet initial.

Proust a fait de très célèbres pastiches.

2. Parodie, la dégradation du modèle

La reprise parodique vise à susciter le rire par la dégradation du modèle. Une fois encore, il n’y a pas, chez l’auteur, de volonté de dépasser le modèle mais de le distordre pour s’en amuser.

Exemple. Ubu Roi de Jarry joue sur le modèle tragique en en présentant une forme burlesque, grotesque,

Autre exemple, la reprise du motif du graal, de Chrétien de Troyes (1135-1183) à Rabelais (l’épisode de la « dive bouteille » dans le Quart Livre, 1552), ou au Monty Python (Sacré Graal, 1974).

3. Adaptation

Enfin, les adaptations, à travers des genres nouveaux, des arts nouveaux, permettent de revoir les œuvres sous une autre forme. L’adaptation ne prétend pas tant dépasser le modèle qu’elle ne cherche à le déplacer pour l’enrichir.

Exemples : Baudelaire reprend le personnage de Don Juan dans son poème des Fleurs du Mal « Don Juan aux enfers ».

Mozart reprend Beaumarchais pour écrire et composer Les Noces de Figaro.

Conclusion

Dans la mesure où tout auteur qui est aussi lecteur écrit en référence à d’autres textes, tout texte est, en partie, réécriture. Pour exister de manière propre, le nouveau texte est aussi fait d’ajouts, d’écarts. Ainsi, il passe outre, il dépasse, son modèle.

LES FAUSSES PISTES

Faire un catalogue de réponses à la question générale : « qu’est-ce que réécrire ? », en oubliant que le sujet est centré sur le dialogue qu’entretient un auteur avec son modèle.

Se placer du point de vue du lecteur et lister les intérêts que ce dernier trouve à ces pratiques de dépassement d’un texte à l’autre en oubliant que le sujet interroge la démarche de l’écrivain.