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Annales gratuites Bac S : La justice

Le sujet  2007 - Bac S - Philosophie - Commentaire d'un texte philosophique Imprimer le sujet
Avis du professeur :

Le texte de Hume porte sur la justice. La justice des individus et celle des Etats.
Si le thème est classique, l'opposition que développe Hume entre la justice des individus et la justice des Etats était un peu "pointue". C'est un sujet qui demande de votre part d'avoir les "reins solides" en philosophie.

LE SUJET


Expliquer le texte suivant :

La validité des règles de justice, telles qu'elles prévalent entre les individus, n'est pas entièrement suspendue entre les sociétés politiques. Tous les princes se targuent de prendre en considération les droits des autres princes, et certains, cela ne fait pas de doute, sans hypocrisie. Des alliances et des traités sont conclus tous les jours entre Etats indépendants, et ils ne seraient qu'autant de parchemin gaspillé, si l'on ne constatait, à l'expérience, qu'ils ont quelque influence et autorité. Mais ici réside la différence entre les royaumes et les individus. La nature humaine ne peut en aucune façon subsister sans l'association des individus, et cette association ne pourrait exister si l'on ne respectait pas les lois d'équité et de justice. Désordre, confusion, la guerre de tous contre tous, sont les nécessaires conséquences d'une telle conduite licencieuse. Mais les nations peuvent subsister sans relations. Elles peuvent même subsister, dans une certaine mesure, dans une guerre générale. L'observance de la justice, bien qu'utile entre elles, n'est pas garantie par une nécessité si forte qu'entre les individus, et l'obligation morale est en proportion de l'utilité. Tous les politiques admettent, ainsi que la plupart des philosophes, que des raisons d'État peuvent, en cas d'urgences particulières, dispenser de suivre les règles de justice, et invalider tout traité ou alliance, si les respecter strictement était considérablement préjudiciable à l'une ou l'autre des parties contractantes. Mais rien de moins que la plus extrême nécessité, reconnaît-on, ne peut justifier que les individus violent une promesse, ou envahissent les propriétés des autres.

Hume, Enquête sur les principes de la morale

La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

LE CORRIGÉ


I – PRESENTATION DU TEXTE ET DE SES DIFFICULTES

Ce texte, centré sur des questions politiques, ne pose pas de problèmes de compréhension. Mais il convoque de nombreuses notions de programme : la société, l'État, la justice, le droit et le devoir.

Il y a donc un important travail d'explication des notions à fournir. Prenez garde de bien distinguer entre les obligations des individus à l'intérieur d'une société ou d'un État et celles qui existent, ou n'existent pas entre les États eux-mêmes.

II - L'IDEE PRINCIPALE DU TEXTE

Il s'agit ici d'un texte de philosophie politique portant sur les règles qui, selon l'auteur, doivent déterminer les rapports des individus à l'intérieur d'une société ou d'un État et celles qui doivent déterminer les rapports des États entre eux.

A ce sujet l'auteur affirme que, malgré des ressemblances importantes, ces rapports ne sont pas les mêmes.

Il affirme notamment, c'est un point très important, qu'un État a le droit, dans certaines circonstances, de violer des accords ("alliances" et "traités") qu'il a passés avec d'autres États alors que les individus ne peuvent violer une promesse qu'en cas de "la plus extrême nécessité".

Il s'agira notamment de discuter la question de savoir s'il y a une raison d'État.

III - LES NOTIONS-CLES DU TEXTE

La société et l'État : ne vous lancez pas dans une analyse des rapports entre la société et l'État. Ici, il s'agit de chercher à savoir dans quelle mesure les rapports entre les individus qui sont membres d'un État ou d'une société réglée par un État doivent être considérés comme différents des rapports que les États peuvent entretenir les uns à l'égard des autres.

Le devoir : les devoirs des individus à l'intérieur d'un État doivent-ils être conçus sur le même modèle que les devoirs des États entre eux ? L'auteur affirme que l'observance, c'est-à-dire l'obéissance aux règles de la justice, bien qu'étant utile entre les États, n'est pas aussi nécessaire qu'entre les individus d'une société donnée. L'État a ainsi le droit de s'affranchir, dans certaines conditions, et plus facilement que les individus, des règles de justice.

Le droit : vous devez distinguer le droit national (intra-étatique) du droit international. Le droit international admet, selon Hume, des entorses aux engagements (promesses). Un engagement, une promesse, peuvent être invalidés si cela est utile à l'État "en cas d'urgence particulière".

IV - LA STRUCTURE DU TEXTE

Du début jusqu'à "...quelque influence et autorité" (ligne 6) : l'auteur commence par faire remarquer que les règles de justice, qui assurent les droits des individus à l'intérieur d'une société donnée, sont également valables, dans une certaine mesure, plutôt faible cependant, "entre les sociétés politiques", c'est-à-dire entre les États eux-mêmes. Il justifie cette thèse en se fondant sur les faits : les accords ("alliances et traités") passés entre États ont une efficacité certaine ; ils ne sont pas que du "vent" ("parchemin gaspillé").

De "Mais ici réside..." jusqu'à "...conduite licencieuse" (ligne 10), Hume fait remarquer qu'il existe une différence "entre les royaumes et les individus". Certes, les États sont bien des personnes mais ces personnes ne doivent pas être confondues avec les personnes que sont les individus d'une nation car, dit-il, les individus ne peuvent subsister à l'intérieur d'un État que dans la mesure où ils sont associés, c'est-à-dire liés par un pacte ou une promesse, c'est-à-dire engagés, ou obligés les uns à l'égard des autres.
Ce qui revient à :
1. Respecter le droit ("lois d'équité et de justice") ;
2. Respecter la personne d'autrui et ses biens (sécurité, liberté individuelle, propriété) ;
3. Avoir une attitude conforme aux obligations de tout individu membre d'un État, ce sans quoi il n'en résulterait qu'une situation "de guerre de tous contre tous" (formule reprise à Hobbes).

De "Mais les nations..." (ligne 10) à la fin, Hume explique pourquoi les États ne sont pas dans une situation analogue :
1. La guerre entre les nations ne détruit pas nécessairement les nations ;
2. Les devoirs des États les uns à l'égard des autres n'existent qu'en fonction de l'utilité de ces devoirs. L'auteur sous-entend par là qu'il n'en va pas de même pour les individus entre eux ;
3. Il existe en effet des "raisons d'État" (notion très importante dans ce sujet) qui, dans certains cas, quand cela est utile, dispensent les Etats de tenir leurs engagements, c'est-à-dire les rend libres de rompre les traités ou les alliances, alors que seule "la plus extrême nécessité" pourrait en dispenser des individus à l'intérieur d'un État.

V – LE PROBLEME SOULEVE PAR LE TEXTE ET SES PISTES DE DEVELOPPEMENT

Qu'est-ce qui fonde la cohésion sociale à l'intérieur d'un État ? Valeur de la promesse, du contrat dans la société.

Les droits d'autrui sont-ils inviolables ? Y a-t-il des cas où nous ne sommes pas obligés de les respecter ?

Y a-t-il une raison d'État ? L'État peut-il (est-il autorisé à) s'affranchir de ses obligations (promesse, alliance, traité) ? De manière plus générale, le droit international peut-il reconnaître l'existence de la raison d'État ? La raison d'État n'entraîne-t-elle pas la faillite du droit international ?

Si l'on voulait approfondir, on pouvait encore s'interroger sur ce qui fonde l'existence d'un État : est-ce, comme le dit Hume, l'utilité ? Ou bien doit-on, comme Kant par exemple, partir de l'idée que le respect d'un droit cosmopolitique est premier et doit suffire, à lui seul, à garantir la paix, la sécurité et le droit de tout État, fut-il le plus petit ?

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