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Annales gratuites Bac ES : La rigueur morale

Le sujet  2005 - Bac ES - Philosophie - Commentaire d'un texte philosophique Imprimer le sujet
LE SUJET


Expliquer le texte suivant :

L'éthique peut proposer des lois de moralité qui sont indulgentes et qui s'ordonnent aux faiblesses de la nature humaine, et ainsi elle s'accommode à cette nature en ne demandant rien de plus à l'homme que ce qu'il est en mesure d'accomplir. Mais l'éthique peut aussi être rigoureuse et réclamer la plus haute perfection morale. En fait, la loi morale doit elle-même être rigoureuse. Une telle loi, que l'homme soit en mesure ou non de l'accomplir, ne doit pas être indulgente et s'accommoder aux faiblesses humaines, car elle contient la norme de la perfection morale, laquelle doit être stricte et exacte. La géométrie donne par exemple des règles strictes, sans se demander si l'homme peut ou non les appliquer et les observer : le point qu'on dessine au centre d'un cercle a beau ne jamais être assez petit pour correspondre au point mathématique, la définition de ce dernier n'en conserve pas moins toute sa rigueur. De même, l'éthique présente des règles qui doivent être les règles de conduite de nos actions ; ces règles ne sont pas ordonnées au pouvoir de l'homme, mais indiquent ce qui est moralement nécessaire. L'éthique indulgente est la corruption de la mesure de perfection morale de l'humanité. La loi morale doit être pure.

Kant, Leçons d'éthique.

La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

LE CORRIGÉ


I - LES TERMES DU SUJET

Le thème du texte est l'éthique, discipline qui réfléchit sur le but de la vie humaine et sur les règles qui doivent régir nos actes.
Il est d'autre part question de nature humaine. Cette expression désigne ce qui est commun à tous les hommes, ce qui définit l'homme en tant que tel, indépendamment des particularités individuelles. Cette nature humaine est qualifiée par Kant de faible (Pascal : "l'homme est un roseau pensant", c'est-à-dire que l'homme a une conscience qui fait sa grandeur mais qui est impuissante à lui fournir des règles de vie effective).
Enfin il est question de géométrie pour expliquer ce qu'est l'éthique. Il s'agit d'une science pure, non empirique : elle énonce des règles universelles et nécessaires, valables dans un espace idéal, sans se soucier de la réalité, de l'existence sensible, irrégulière.

II - L'ANALYSE DU PROBLEME

Le problème est très clairement posé par Kant dès les premières lignes du texte : l'éthique doit-elle tenir compte des faibles possibilités des hommes tels qu'ils existent empiriquement ? Ou au contraire, doit-elle énoncer des règles pures et parfaites ? En d'autres termes, l'éthique doit elle être une science qui énonce la loi morale au même titre que la géométrie énonce des règles strictes ? Une telle science est-elle possible concernant l'homme et ses actes ? Mais si les règles morales ne sont pas strictes, l'éthique ne se condamne-t-elle pas à n'être qu'une simple description, non normative, des conduites humaines existantes ?

III - UNE DEMARCHE POSSIBLE

Dans une première partie, Kant énonce le problème : l'éthique doit-elle s'adapter aux faiblesses humaines ou doit-elle être rigoureuse et stricte telle une science "exacte" ?

Dans une seconde partie, il énonce la réponse au problème, c'est-à-dire la thèse du texte, au moyen d'une analogie : de même que la géométrie énonce des règles strictes et pures, de même l'éthique "présente des règles qui (...) indiquent ce qui est moralement nécessaire". Kant condamne donc l'éthique indulgente aux faiblesses humaines. Mais une très bonne explication devait interroger les présupposés (implicites) du texte afin de mener une lecture critique. En effet, malgré la construction rigoureuse du texte, la notion de "loi morale" n'est pas justifiée : elle est introduite sans justification réelle ("En fait" [...] "rigoureuse."), malgré le lien logique formel ("En fait"). Dans la dernière phrase du texte, Kant réaffirme la pureté de la loi morale (au singulier), là où l'analogie avec la géométrie n'autorisait que des règles (au pluriel). Cette "faille" dans une argumentation apparemment si rigoureuse révèle que Kant veut défendre un concept, celui de loi morale. On peut se demander si, derrière l'apparente rigueur scientifique ne se cache pas un rigorisme lié au protestantisme (notion de loi divine). Or des règles morales, aussi rigoureuses et exigeantes soient-elles ne doivent-elles pas tenir compte de la complexité du réel et de l'âme humaine ?

IV - DES REFERENCES UTILES

  • Aristote, Ethique à Nicomaque
  • Pascal, Pensées
  • V - LE POINT DE VUE DU CORRECTEUR

    L'extrême rigueur de l'argumentation du texte, le caractère classique des notions en jeu rendaient aisée une explication linéaire et méthodique.
     

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