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Annales gratuites Bac ES : Texte de Hegel

Le sujet  1995 - Bac ES - Philosophie - Commentaire d'un texte philosophique Imprimer le sujet
LE SUJET

Dégagez l'intérêt philosophique de ce texte en procédant à son étude ordonnée :


"On dit volontiers : mon vouloir a été déterminé par ces "mobiles", circonstances, excitations et impulsions.

La formule implique d'emblée que je me sois ici comporté de façon passive.

Mais, en vérité, mon comportement n'a pas été seulement passif ; il a été actif aussi, et de façon essentielle, car c'est mon vouloir qui a assumé telles circonstances à titre de mobiles, qui les fait valoir comme mobiles.

Il n'est ici aucune place pour la relation de causalité. Les circonstances ne jouent point le rôle de causes et mon vouloir n'est pas l'effet de ces circonstances.

La relation causale implique que ce qui est contenu dans la cause s'ensuive nécessairement.

Mais, en tant que réflexion, je puis dépasser toute détermination posée par les circonstances.

Dans la mesure où l'homme allègue (1) qu'il a été entraîné par des circonstances, des excitations, etc., il entend par là rejeter, pour ainsi dire, hors de lui-même sa propre conduite, mais ainsi il se réduit tout simplement à l'état d'essence non-libre ou naturelle, alors que sa conduite, en vérité, est toujours sienne, non celle d'un autre ni l'effet de quelque chose qui existe hors de lui.

Les circonstances ou mobiles n'ont jamais sur les hommes que le pouvoir qu'il leur accorde lui-même."

HEGEL

(1) "alléguer" signifie prétexter, prétendre.

LE CORRIGÉ

I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?

Ce texte de Hegel constitue une réflexion sur la volonté humaine.

Son thème est la nature du rapport qui s'instaure entre la volonté et les facteurs qui la déterminent.

Le problème qu'il pose est le suivant : faut-il dire que la volonté est déterminée par des mobiles qui agissent sur elle comme une causalité extérieure, ou bien que c'est la volonté qui, au contraire, maîtrise l'influence des mobiles, et en quelque sorte, en décide ?

La thèse du texte affirme le primat de la volonté sur les déterminations extérieures : elle ne les supprime pas, mais elle détermine librement le "pouvoir", c'est-à-dire la force qu'elles ont sur elle.

L'enjeu apparaît aussitôt : c'est la liberté de l'homme, et l'indépendance de ce dernier devant ce monde.


II - UNE DEMARCHE POSSIBLE.

A - LES MOMENTS DU TEXTE

Dans un premier moment (jusqu'à "valoir comme mobiles"), Hegel oppose deux interprétations possibles de la conduite humaine.

D'une part, l'interprétation spontanée, dans le langage courant, des mobiles comme "déterminant" ma volonté, qui, de ce fait, se croit volontiers passive, voire victime des circonstances.

D'autre part, Hegel affirme au contraire la dimension irréductiblement active ("de façon essentielle") de la volonté dans son rapport aux mobiles.

Le deuxième moment donne les raisons qui rendent nécessaire cette seconde interprétation :

La première est que la "relation de causalité" ne convient pas à la définition de ce rapport.

La seconde est que la "réflexion", essentielle à l'homme, "dépasse" le plan des "déterminations" objectives issues du monde.

Le dernier moment (de "dans la mesure" à la fin du texte) tire les conséquences de l'autonomie essentielle de la volonté face aux circonstances :

Ma conduite est ma propriété exclusive ("toujours sienne"), non pas au sens où j'en suis le seul juge et où je pourrais être indifférent à son effet sur le monde, mais au contraire, au sens où je ne peux me soustraire à ma responsabilité, en invoquant pour justifier ma conduite la force supérieure des circonstances.


B - TERMES ET ARGUMENTS A SOULIGNER

Le terme "assumé" : Hegel ne dit pas, dans ce texte, qu'il existe un dualisme radical entre liberté et monde, comme si la liberté existait en dehors du monde, et pouvait être indifférente ou insensible à ce dernier.

Ce terme indique au contraire que l'emprise ou la présence pesante des circonstances extérieures se fait sentir à la volonté, mais que celle-ci est la source subjective devant laquelle et pour laquelle l'extériorité acquiert une force qui agit sur l'intériorité du sujet.

Dans le deuxième moment, "nécessairement" est un adverbe qui s'applique à la "relation de causalité".

Appliqué à la conduite, il signifierait que le "contenu" de celle-ci est dérivé des circonstances, comme le contenu de "l'effet" est dérivé du contenu de la "cause".

"Essence non-libre ou naturelle" : l'homme se comprend ainsi lui-même quand il cherche à se "déresponsabiliser" ("rejeter hors de lui-même sa propre conduite").


III - LES REFERENCES UTILES.

On pouvait comparer, sans les identifier, ce texte de Hegel avec la conception kantienne de la liberté ( Fondements de la Métaphysique des Moeurs, deuxième section).

Kant comme Hegel conçoivent la liberté comme une source originaire d'action, indérivable de l'expérience.

Mais tandis que Kant rattache l'autonomie de la volonté à sa capacité de se mettre en forme et en action selon les normes de la raison, Hegel ne donne pas à la liberté de limite interne.

En ce sens, la liberté selon Hegel est une instance plus radicale que chez Kant.

Mais il en résulte une difficulté qu'il ne fallait pas manquer de soulever : à trop rendre l'homme libre de donner aux circonstances le sens qu'il veut (cf. la dernière phrase du texte), Hegel ne sombre-t-il pas dans une conception individualiste de la liberté ?


IV - LES FAUSSES PISTES.

Souligner exclusivement le risque, présent dans ce texte, d'une réduction subjectiviste et individualiste de la liberté, c'était aller au-delà du problème que Hegel s'attache ici à résoudre :

Celui de la racine non empirique de la conduite et de l'action, et, par voie de conséquence, l'établissement du principe de la responsabilité humaine.

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