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Annales gratuites Bac S : Les limites de la science

Le sujet  2009 - Bac S - Philosophie - Dissertation Imprimer le sujet
Avis du professeur :

Les candidats de S sont habitués aux questions scientifiques, ils ne seront pas surpris du sujet.
A noter que le sujet est très ouvert, très peu déterminé et donc très difficile à organiser.
LE SUJET


Y a-t-il des questions auxquelles aucune science ne répond ?


LE CORRIGÉ


I – L'ANALYSE DU SUJET

Présentation
Les élèves de S sont généralement portés vers les questions d'ordre scientifique. Une grande partie de leur programme est consacrée à la question. Mais ici, le sujet était délicat, d'une amplitude telle qu'il ne pouvait convenir qu'à d'excellents candidats.
En effet, on ne retrouve dans l'énoncé de la question aucune des notions du programme (la raison, le réel, la démonstration, la vérité, etc.) mais la notion très générale de science. De plus la science y est abordée négativement.
Vraiment, un des pires sujets du bac qu'on puisse imaginer !

II - LA PROBLEMATIQUE

Le sujet demandait qu'on rétablisse l'arrière-fond de la question. En effet quand on parle de science, on parle d'une connaissance certaine qui décrit les phénomènes à partir de rapports constants. La science permet ainsi non seulement d'expliquer mais de prévoir et donc d'anticiper les phénomènes. Comme elle a recours à la mathématisation, elle apporte aussi une précision qui permet à l'homme d'agir avec confiance. Enfin et toujours grâce à l'outil mathématique, la science à une universalité : ses propositions s'appliquent partout et toujours.
Il est clair que c'est cette universalité de la science, cette prétention de la science à apporter le dernier mot sur toute chose qui est mise ici en question.

Autre remarque importante. Elle porte sur l'expression "aucune science" qui suppose qu'il existe une pluralité de sciences avec des objets ou des méthodes spécifiques (la physique, la chimie, la biologie mais aussi tout ce que l'on nomme les sciences humaines, l'histoire, la sociologie, la psychologie, etc.)
Ces deux précisions apportées, on voit bien que le sujet porte sur les
limites de la science.
Y a-t-il des questions qui échappent à ses compétences, à ses méthodes ? Des questions auxquelles la science ne répond pas ? Cela d'ailleurs doit nous faire soupçonner que, s'il existe de telles questions auxquelles la science ne répond pas, la question pendante est qui ou quoi peut y répondre ?
En résumé, ce sujet demande qu'on interroge
l'universalité de la science : jusqu'où s'étend son pouvoir de connaissance et à quoi s'arrête-t-il ?

III - LA BOITE A OUTILS

Il convenait de poser le problème en partant de l'universalité de la science : la science prétend tout soumettre à sa méthode, nous apporter des connaissances certaines sur toute chose. Cette tendance peut prendre des formes extrêmes et caricaturales, dans ce qu'on appelle par exemple le scientisme. Le scientisme est la position qui voit dans la science la solution à tous les problèmes que l'homme peut rencontrer. Le scientisme ne pense aucune limite à la science.

Une fois posée cette opinion commune, en partie vraie, en partie fausse. C'est vrai que la science a une prétention à l'universalité. Mais il est excessif de faire de la science une connaissance absolue et certaine de tout. On peut constater d'abord que la science elle-même ne peut opérer qu'à partir d'une définition, d'une circonscription de ses objets et de ses problèmes.
Par exemple, lorsque Galilée élabora la loi de la chute des corps, c'est en dépouillant le phénomène de la chute d'un corps dans l'espace d'un ensemble de qualités sensibles, et en le décrivant à partir de données quantifiées (comme la gravitation ou la durée de la chute). La science a donc besoin pour obtenir des résultats certains de se désintéresser de certains aspects des phénomènes. Cela ne signifie pas que ces aspects ne sont pas intéressants, cela signifie simplement que la science n'a rien à nous en dire dans le cadre qu'est le sien.

Ce qui est vrai pour la physique est vrai aussi pour les sciences humaines. Quand se sont développées au XIXeme siècle les sciences du langage, les linguistes ont commencé par exclure de leur réflexion toute étude sur l'origine des langues.
Cette question qui avait beaucoup agité les philosophes du XVIII
eme siècle n'intéressait plus les savants du XIXeme siècle. Ou plutôt, les savants du XIXeme siècle reconnaissaient qu'ils n'avaient pas de moyens scientifiques d'établir l'origine des langues. Dès lors cette question ne pouvait pas être traitée dans une science ni par la science.

On commence à apercevoir que la question dont nous sommes partis est peut être moins polémique qu'elle ne paraît. En fait, quand on considère les sciences, on voit bien qu'elles ne peuvent se constituer et constituer des résultats sans commencer par une délimitation rigoureuse de leur objet et de leurs questions. C'est une erreur de penser que la science peut répondre à toutes les questions que l'homme se pose. Aucune science n'a cette prétention.

A partir des deux exemples déjà donnés (Galilée et la linguistique) on peut aller plus loin et constater qu'il y a des foules de questions que la science n'envisage pas. Ainsi toutes les questions sur l'origine. La science peut nous apprendre comment l'homme s'est développé depuis le stade le plus élémentaire de la vie, elle ne peut certainement pas nous dire d'il vient et qu'elle est sa destination. Pareil pour l'univers : on peut décrire la formation de l'univers à partir de l'hypothèse du Big Bang, mais on ne peut absolument pas dire d'où il vient et quelle est sa raison d'être.

Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Ce n'est pas une question scientifique. C'est une question métaphysique et qui peut recevoir tout au plus des réponses philosophiques ou religieuses. Le philosophe qui a sans doute le mieux marqué les limites réciproques du savoir et de la croyance, c'est Kant lorsqu'il écrivait dans La critique de la raison pure : "j'ai dû limiter le savoir pour laisser une place à la croyance". Il y a en effet des questions comme celle de l'immortalité de notre âme ou l'existence d'un législateur suprême (Dieu) qui ne peuvent recevoir de réponse proprement scientifique mais qui, en même temps, représentent pour l'homme un intérêt qu'il ne peut pas dénier. Elles ne relèvent pas de la science mais de la croyance, elles ne font pas l'objet d'une connaissance mais d'une foi, elles ne permettent ni anticipation ni prévision mais seulement un espoir.


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