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Annales gratuites Bac ES : Sciences humaines et humanité

Le sujet  1995 - Bac ES - Philosophie - Dissertation Imprimer le sujet
LE SUJET

Les sciences humaines nous disent-elles ce qu'est l'humanité ?

LE CORRIGÉ

I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?

Il faut rapprocher le concept de "sciences" et l'expression : "ce qu'est". Le "ce qu'est", le "Id quod est", est l'essence de la chose. Or la science est quête de l'essence.

On pourrait donc attendre des sciences humaines qu'elles nous donnent un savoir conceptuel de l'essence de l'homme, comme la zoologie fait du règne animal.

Mais l'humanité est-elle susceptible de cette réduction conceptuelle ?

Et les sciences humaines sont-elles à proprement parler des sciences ?


II - UNE DEMARCHE POSSIBLE .

A - L'HOMME COMME OBJET DE SCIENCE

Le terme de "sciences humaines" est récent, il date du 19ème siècle. Et il désigne un certain nombre de disciplines (histoire, sociologie, psychologie...) en tant précisément qu'elles ne peuvent être assimilées aux sciences au sens "fort", aux sciences exactes.

Ce qui suppose un certain choix interprétatif sur ce que sont les sciences de l'homme.

Il nous paraît donc nécessaire de commencer par donner un sens plus large aux "sciences humaines", et à entendre par là "sciences sur l'homme", ou encore désir de faire de l'homme un objet de science.

Si on le prend en ce sens, que peuvent nous dire les sciences sur l'objet "homme" ?

Une "science" ne peut dire que ce qui est de l'ordre de l'énoncé scientifique. Que faut-il comprendre par là ?

"Il n'y a de science que du général", écrit Aristote. Cela signifie que la science vise la conceptualité, la possession de règles permettant d'ordonner le réel.
Or cette conceptualité consiste en dernière analyse dans la mise au jour de rapports nécessaires entre les phénomènes, rapports dont la définition possède une valeur explicative.

La question qui nous occupe devient alors : dans quelle mesure les phénomènes humains sont-ils susceptibles de lois explicatives, permettant de réunir le "genre homme" dans un ensemble de régularités et de prédictibilités ?

On ne peut, évidemment, réduire les phénomènes humains à un ensemble de données physiologiques.

Ce dont les sciences de l'homme devraient donc pouvoir rendre compte sur le mode explicatif, ce sont les phénomènes psychologiques, politiques, historiques : les conduites spécifiquement humaines (jusqu'aux phénomènes culturels les plus complexes) sont-ils réductibles à des lois, comme les mouvements des planètes ?

Diverses tentatives peuvent être mentionnées, comme tentatives de faire des sciences humaines sur le modèle des sciences exactes. Ainsi du béhaviorisme, ainsi de la neurobiologie, ainsi de la sociologie "positiviste".

Mais on ne peut que constater que ces tentatives se heurtent à des limites absolues, lorsqu'il s'agit de rendre compte du "spécifiquement humain".


B - LES SCIENCES HUMAINES COMME HERMENEUTIQUES.

La nécessité de fonder, lorsqu'il s'agit de l'homme, un nouveau type de scientificité a été affirmée par Dilthey à la fin du 19ème siècle.

C'est à lui que nous devons le concept de "sciences humaines" (ou sciences de l'esprit) radicalement distinctes des sciences de la nature.

Selon Dilthey, l'homme est spécifiquement homme (et non un animal parmi d'autres) en tant qu'il produit du sens.

Rendre compte d'un comportement humain (qu'il soit collectif ou individuel), c'est donc rendre compte d'un sens et d'une intention, c'est donc le "comprendre" (et donc l'interpréter) plutôt que "l'expliquer" par des lois naturelles.

Or ce type de scientificité implique, dans une certaine mesure, de renoncer à l'exigence d'une réduction à l'essence, ou du moins à la conceptualité fixe.

Si l'homme est projet, intentionnalité, invention de sens et de valeurs, un savoir sur l'homme ne peut dégager que des hypothèses ouvertes, mieux encore, ne peut saisir l'humanité que comme perpétuelle ouverture.

Le savoir propre des sciences humaines, ce n'est pas une "solution" sur ce à quoi se réduit l'homme, c'est au contraire la mise au jour de son indétermination essentielle, du caractère définitivement ouvert de sa propre essence.


C - L'INDETERMINATION COMME VERITE DE L'HUMAIN.

Ce n'est donc pas en "s'adressant aux sciences" que l'homme peut espérer découvrir sa propre vérité, trouver la solution qu'il présente essentiellement pour lui-même.

Mais en cela, les sciences humaines comme herméneutiques saisissent l'humain dans sa seule "définition" possible, dans sa vérité propre.

Pour le dire comme Heidegger, le Dasein (la "réalité humaine") est "cet étant "privilégié" pour lequel il en va en son être de cet être".


III - LES REFERENCES UTILES

K. POPPER, La logique de la découverte scientifique.

W. DILTHEY, Le monde de l'esprit.

M. HEIDEGGER, Etre et temps. (introduction)

J.P. SARTRE, L'existentialisme est un humanisme.


IV - LES FAUSSES PISTES

Il ne faut pas :

- s'enfermer dans une énumération empirique des sciences humaines, sans réflexion conceptuelle sur la scientificité.
- prendre "humanité" au sens de : ensemble des humains, et non au sens de : concept relatif au "genre homme".

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