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Annales gratuites Bac L : Texte de Spinoza

Le sujet  1995 - Bac L - Philosophie - Commentaire d'un texte philosophique Imprimer le sujet
LE SUJET

Dégagez l'intérêt philosophique de ce texte de SPINOZA en procédant à son étude ordonnée :


"Tout homme est sous la dépendance d'un autre, aussi longtemps que cet autre le tient en sa puissance. Il est indépendant, aussi longtemps qu'il est capable de tenir tête à n'importe quelle force, de se venger à son gré de tout préjudice qui lui serait causé, en un mot aussi longtemps qu'il peut vivre exactement comme bon lui semble.

Pour parvenir à garder un autre individu en sa puissance, on peut avoir recours à différents procédés. On peut l'avoir immobilisé par des liens, on peut lui avoir enlevé ses armes et toutes possibilités de se défendre ou de s'enfuir.

On peut aussi lui avoir inspiré une crainte extrême ou se l'être attaché par des bienfaits, au point qu'il préfère exécuter les consignes de son maître que les siennes propres, et vivre au gré de son maître qu'au sien propre.

Lorsqu'on impose sa puissance de la première ou de la seconde manière, on domine le corps seulement et non l'esprit de l'individu soumis.

Mais si l'on pratique la troisième ou la quatrième manière, on tient sous sa dépendance l'esprit aussi bien que le corps de celui-ci. Du moins aussi longtemps que dure en lui le sentiment de crainte ou d'espoir.

Aussitôt que cet individu cesse de les éprouver, il redevient indépendant."

SPINOZA.

LE CORRIGÉ

I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?

Spinoza analyse ici avec cynisme comment on peut soumettre l'homme à l'ordre social. Selon lui, l'individu ne cherche que son indépendance.

Il est dans une telle illusion sur sa liberté, que sa docilité en société ne peut être obtenue que par l'intimidation, la force, la contrainte ou les récompenses.

Pour chaque être, naturellement, être libre c'est être indépendant, libre de toute entrave. La liberté est donc le caprice ou la licence.


II - UNE DEMARCHE POSSIBLE.

A - EXPLICATION DU TEXTE

Spinoza affirme tout d'abord qu'on n'accepte l'autorité d'autrui que par impuissance.

On n'obéit pas à l'autorité ; on se soumet à la force.

D'ailleurs, chacun retrouve son indépendance dès que la menace d'autrui diminue.

Spinoza souligne ainsi qu'on prouve sa liberté en " tenant tête à la force ", c'est-à-dire en s'obstinant, ou en se " vengeant " des offenses, c'est-à-dire en employant force ou ruse.

Vivre à son gré définit ainsi la liberté ordinaire.

Spinoza décrit ensuite les divers moyens d'imposer l'ordre :

- Oter la liberté physique d'aller et de venir, entraver, ou enchaîner, voilà le moyen le plus facile ;
- Désarmer le violent, pour lui ôter les moyens de nuire ;
- Dompter l'homme par la peur qu'on lui inspire. Il s'agit de le dissuader de se révolter ;
- Subjuguer l'esprit du rebelle en lui accordant des avantages qui découragent ses initiatives.

L'auteur veut surtout souligner qu'on ne maintient l'ordre durablement non par la pure violence ni par la contrainte, mais par le consentement .

Chacun accepte la tutelle de l'ordre si, par calcul , il y voit son intérêt .

La soumission est totale si l'intérêt domine. L'homme accepte l'ordre par calcul.

Toute soumission par la force est précaire puisque relative à une crainte.


B - DISCUSSION.

Le problème est de savoir si la paix publique n'est possible que par le triomphe d'un ordre implacable.

En effet, tout ordre limite l'indépendance spontanée .

Spinoza affirme que "les hommes se croient libres car ils sont conscients de leurs désirs et ignorants des causes qui les déterminent".

La liberté individuelle repose sur le sentiment illusoire de l'indépendance. Obéir à l'ordre, c'est donc se soumettre à une force possible. Ce n'est pas un acte de raison pure.

Donc l'ordre se fait reconnaître par la force. Hegel montre ainsi que le rapport à autrui passe par l'affrontement.

Dans la dialectique maîtrise-servitude la souveraineté du maître vient du choix radical de son être, même au prix de sa vie.

"Le maître a choisi la liberté par rapport à la vie" ; "L'esclave a préféré la vie à la liberté".

La soumission est bien le résultat d'une faiblesse. Ainsi, on peut dire que "l'homme est un loup pour l'homme" ( Hobbes).

Mais toute obéissance par contrainte n'est-elle pas précaire ?

Même l'intérêt n'instaure que des relations fragiles.

On cède à la force, on ne la reconnaît pas. Rousseau dit ainsi que " force ne fait pas droit ".

L'existence sociale implique plus qu'un calcul ; elle exige une volonté et un vrai consentement.

Le contrat social, selon Rousseau , se fonde sur un renoncement intégral à la liberté naturelle : "une aliénation sans réserve de chaque associé".

L'ordre de la loi exprime donc la volonté générale ; s'y soumettre, c'est donc se comporter selon la raison.

Hegel dit ainsi que "l'individu n'a d'objectivité, de vérité, de moralité que s'il est membre de l'Etat".

Le citoyen est effectivement libre, parce qu'il a renoncé à son indépendance naturelle.

De plus, l'ordre instauré par l'Etat se fait reconnaître à travers l'histoire. L'Etat doit conserver la nation, assurer sa pérennité.

Weber insiste ainsi sur le fait que l'Etat revendique avec succès le monopole de la violence physique légitime.

Cette mission réalisée permet aux citoyens de reconnaître la légitimité de l'ordre.


III - LES REFERENCES UTILES.

SPINOZA, Lettre à Shuller ;
L'éthique.

HEGEL, Phénoménologie de l'esprit. Dialectique maître-esclave .

ROUSSEAU, Le contrat social.

HOBBES, Le Léviathan.

WEBER, Le savant et le politique.


IV - LES FAUSSES PISTES.

Ce n'est pas un texte sur autrui seulement. Il s'agit de la liberté face à l'ordre.

Spinoza ne fait pas l'éloge de la force . Il constate avec réalisme la faiblesse des hommes et leur illusion.

Ne pas oublier d'évoquer l'Etat et ce qui fonde sa légitimité.

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