Suivez-nous
 >   >   >   > Y a-t-il un intermédiaire entre savoir et ignorer ?

Annales gratuites Bac L : Y a-t-il un intermédiaire entre savoir et ignorer ?

Le sujet  1995 - Bac L - Philosophie - Dissertation Imprimer le sujet
LE SUJET

Y a-t-il un intermédiaire entre savoir et ignorer ?

LE CORRIGÉ

I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?

La question engage à une réflexion sur les conditions de la science et de la connaissance.

Elle doit conduire à reconnaître d'une part les limites de la connaissance (doute, croyance), et les conditions de ces limites, d'autre part les processus "dialectiques" de l'accès à la connaissance, accès qui n'est jamais immédiat (rôles de l'étonnement et de l'hypothèse).

Attention à ne pas prendre "savoir" seulement au sens de "savoir que ...". Il s'agit ici essentiellement de la possession d'un savoir "scientifique", ce qui suppose une précision particulière.


II - UNE DEMARCHE POSSIBLE.

A - LE SAVOIR COMME REMINISCENCE.

Si l'on prend l'opposition "savoir/ignorer" dans son sens le plus commun, il semble que les deux termes s'opposent et se complètent parfaitement, ne laissant pas de possibilité tierce.

Je sais ce que j'ai appris (par l'expérience ou par l'instruction), et, ce que je n'ai pas appris, je l'ignore.

Cette alternative schématique est d'ailleurs exploitée par les sophistes contre l'entreprise philosophique de Socrate (Saint Augustin reviendra d'ailleurs sur ce problème dans son De Magistro) .

D'après les sophistes, on ne peut rien apprendre que l'on ne puisse reconnaître comme vrai.

Or, comme l'on est d'abord ignorant, toute science est dès l'abord impossible.

A cela, Socrate répond (dans le Ménon ) que le savoir est possible comme réminiscence, réappropriation d'un savoir oublié.

L'ignorance, de ce point de vue, serait ignorance apparente.

L'âme, avant son incarnation, aurait pris connaissance des vérités éternelles, qu'un effort de la raison suffirait à se réapproprier. Un intermédiaire entre savoir et ignorance, permettant de passer de l'ignorance au savoir, est alors trouvé.


B - LA CONSTRUCTION DU SAVOIR.

Cette solution platonicienne est cependant essentiellement "mythologique", il faut la comprendre analogiquement.

Ce qu'on doit en retenir, c'est que l'ignorance n'est jamais un "état" statique et définitif, que tout esprit ignorant est toujours-déjà susceptible de savoir et de science.

A quelles conditions cette actualisation d'un savoir potentiel est-elle possible, en quoi consiste concrètement la "réminiscence" platonicienne ?

On peut se référer, sur ce point, à Aristote ou à Descartes. A Aristote qui insiste sur le rôle de l'étonnement, à Descartes qui élabore l'exigence d'une
pratique du doute méthodique.

Dans les deux cas (et l'on retrouve là l'enseignement fondateur de Socrate) l'accès au savoir (philosophique, scientifique) passe par la reconnaissance préalable de son ignorance, et par la suspension du jugement.

Cette suspension, si elle n'est pas une fin en soi (comme dans le doute sceptique) est un moteur pour la recherche, un critère pour la reconnaissance de la vérité, voire, pour Descartes, un levier pour l'accès à la connaissance et à la certitude métaphysique.

L'élaboration du savoir (conçu comme savoir raisonné, construit, et non appris) passe par l'expérience du doute.


C - LA SCIENCE COMME SYSTEME D'HYPOTHESES.

On pourra cependant reprocher à ces doctrines philosophiques de s'en tenir à une conception "plénière", métaphysique du savoir constitué. Le "savoir" cartésien doit produire une certitude métaphysique, entièrement étrangère à l'ignorance.

Or le "savoir" tel qu'il se donne dans la science moderne, et tel que le définit l'épistémologie popperienne, n'a pas cette prétention.

S'il se construit lui aussi sur un fond de doute et d'étonnement , il ne s'en affranchit jamais absolument.

Le savoir scientifique s'élabore (du moins dans les sciences empiriques) d'abord sous forme d'hypothèses, dont le mieux qu'on puisse faire est de ne pas parvenir à les falsifier par l'expérimentation.

Mais cette structure inductive (et non déductive) du savoir interdit de le penser comme savoir souverain, absolu, débarrassé de toute ignorance résiduelle.

Non seulement tout progrès dans les explications de la science ouvre de nouvelles ignorances, mais l'explication elle-même n'est qu'un savoir en sursis.

Comme le dit Einstein, une vérité scientifique n'est jamais qu'une hypothèse en attente de sa réfutation et de sa reformulation.

On peut enfin évoquer, toujours dans cette perspective de l'impossibilité d'un savoir absolu (métaphysique) l'existence, à côté du savoir et de l'ignorance, de la croyance.

Comme le montre Kant, certains objets de pensée (Dieu, l'âme comme substance) ne peuvent faire l'objet d'aucune connaissance, mais de simples actes de foi.


III - LES REFERENCES UTILES.

PLATON, Le Ménon.

DESCARTES, Le discours de la méthode.

KANT, La Critique de la Raison Pure.

POPPER, La logique de la découverte scientifique.


IV - LES FAUSSES PISTES.

- Juxtaposer une partie sur le savoir, et une sur l'ignorance.

- S'en tenir à une conception simpliste du savoir.

- Ne pas analyser le concept d'intermédiaire (qui suppose un passage).

2022 Copyright France-examen - Reproduction sur support électronique interdite