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Annales gratuites Bac ES : Egalisation des conditions et démocratie

Le sujet  2010 - Bac ES - Sciences Economiques et Sociales - Questions Imprimer le sujet
Avis du professeur :
Le sujet porte sur l'analyse de la démocratie chez Tocqueville, l'un des auteurs étudiés dans l'enseignement de spécialité en SES. La problématique est très classique, elle consiste à étudier les risques que comporte la tendance à l'égalisation des conditions à l'égard de la démocratie. Vous pouvez être un peu déstabilisé par la présence d'un seul document, alors que traditionnellement on vous en propose deux. Vous devez faire appel à vos connaissances personnelles pour actualiser la pensée de l'auteur.
LE SUJET

Document

Des hommes égaux en droits, en éducation. en fortune, et, pour tout dire en un mot, de condition pareille, ont nécessairement des besoins, des habitudes et des goûts peu dissemblables. Comme ils aperçoivent les objets sous le même aspect, leur esprit incline naturellement vers des idées analogues, et quoique chacun d'eux puisse s'écarter de ses contemporains et se faire des croyances à lui, ils finissent par se retrouver tous, sans le savoir et sans le vouloir, dans un certain nombre d'opinions communes. [ ... ]

Si, dans le sein d'un peuple semblable, les influences individuelles sont faibles et presque nulles, le pouvoir exercé par la masse sur l'esprit de chaque individu, est très grand. [...]

Toutes les fois que les conditions sont égales, l'opinion générale pèse d'un poids immense sur l'esprit de chaque individu ; elle l'enveloppe, le dirige et l'opprime : cela tient à la constitution même de la société bien plus qu'à ses lois politiques. À mesure que tous les hommes se ressemblent davantage, chacun se sent de plus en plus faible en face de tous. Ne découvrant rien qui l'élève fort au-dessus d'eux et qui l'en distingue, il se défie de lui-même dès qu'ils le combattent : non seulement il doute de ses forces, mais il en vient à douter de son droit, et il est bien près de reconnaître qu’il a tort, quand le plus grand nombre l'affirme. La majorité n'a pas besoin de le contraindre ; elle le convainc.

De quelque manière qu'on organise les pouvoirs d'une société démocratique, et qu'on les pondère, il sera donc toujours très difficile d'y croire ce que rejette la masse et d'y professer ce qu'elle condamne.

Source: Alexis de TOCQUEVILLE. De la démocratie en Amérique. GF Flammarion. 1931 [1ere édition 1840].

Questions

1) À l'aide de vos connaissances et du document, vous montrerez que, selon A. de Tocqueville: l'égalité des conditions présente des risques pour la démocratie.

2) Expliquez le passage souligné.

3) Présentez un exemple contemporain qui confirme ou infirme les craintes formulées par A. de Tocqueville.



LE CORRIGÉ

Éléments de réponse aux questions

Question 1

À partir d’un voyage d’étude aux États-Unis, Alexis de Tocqueville développe en 1834 dans « De la démocratie en Amérique » une analyse de la société démocratique caractérisée selon lui par une tendance irrépressible à l’égalisation progressive des conditions individuelles. Cette évolution fortement souhaitée par la majorité des gens recèle pourtant différents effets pervers sur lesquels Tocqueville essaie d’attirer l’attention.

En se répandant, l’égalité des droits et des conditions de vie des individus fait peser plusieurs risques sur la société. Le premier danger est celui de voir s’imposer un conformisme lié à la pression de l’opinion générale sur les opinions individuelles. Le risque existe alors de voir se manifester une « dictature » de la majorité qui impose ses croyances et ses préférences à toute la société.

Du coup, les individus risquent de perdre leur autonomie et leur responsabilité, voire leur liberté générant une forme d’uniformisation de la pensée et même de totalitarisme. Les choix collectifs risquent de ne pas être décidés de façon réellement démocratique, au sens politique du terme. Si l’on pousse ce raisonnement, on en arrive à l’idée que l’égalité pourrait devenir une menace sur la liberté et donc sur la démocratie elle-même.

Question 2

Le passage cité signifie que la nature majoritaire d’une opinion lui confère une force de conviction telle que les individus s’y soumettent sans qu’il soit nécessaire de les y obliger. Cette puissance est telle que des individus en viennent à renoncer à leurs droits pour peu que la majorité considère ce droit comme infondé.

Tocqueville explique ainsi que l’uniformité des conditions et des opinions donne une puissance aux idées majoritaires telles que les minorités en viendraient elles-mêmes à renoncer à défendre leurs opinions et leurs droits en imposant sans contrainte une « pensée unique » adoptée par tous les membres de la société.

Cela revient à dire que les individus abandonneraient volontairement toute liberté de penser sous l’influence du groupe.

Question 3

Les sociétés modernes confirment souvent la pesanteur des idées majoritaires. Il existe pourtant des contre exemples montrant que les craintes émises par Tocqueville ne se vérifient pas de façon aussi systématique. On peut ainsi citer l’exemple des minorités homosexuelles qui, aux États-Unis et dans les pays d’Europe occidentale, ont revendiqué leurs droits et affiché leur mode de vie déviant dans les années 1970-80. Alors qu’ils faisaient l’objet d’une réprobation de la majorité de l’opinion, ils ont supporté les stigmatisations et maintenu leurs choix jusqu’à obtenir progressivement une tolérance et une reconnaissance de leurs droits (y compris au mariage dans quelques pays). De nombreux changements sociaux naissent ainsi de comportements minoritaires qui passent de la déviance à l’innovation en résistant à la pression de la majorité en dépit du pronostic contraire de Tocqueville.

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