Le sujet 2006 - Bac ES - Sciences Economiques et Sociales - Dissertation |
Avis du professeur :
Le sujet porte sur les liens entre la mondialisation et
l'emploi. |
Quels sont les effets de l'internationalisation des échanges sur l'emploi dans
les pays industrialisés ?
Document 1
Répartition du commerce mondial : exportations en lignes, importations en
colonnes
|
Taux de croissance annuel moyen en volume 1995-2002 (en %) |
Part dans le commerce mondial en 2002 (en %) |
||
|
Nord |
Sud |
Nord |
Sud |
Nord |
3,7 |
5,5 |
55,8 |
17,5 |
Sud |
9,7 |
8,8 |
20,2 |
6,5 |
Lecture : les exportations de pays du Nord à destination des
pays du Sud ont augmenté en moyenne par an en volume de 5,5 % entre 1995 et 2002.
En 2002, les exportations des pays du Nord à destination des pays du Sud
représentaient 17,5% du commerce mondial.
Note : le "Nord" comprend ici les pays développés de l'OCDE, Taiwan,
Hong Kong et Singapour ; le "Sud", le reste du monde.
Source : La Lettre du CEPU, n°231, février 2004.
Document 2
La concurrence internationale serait un moteur essentiel de l'innovation.
Seulement, dans certains secteurs, les innovations sont parfois difficiles à
appliquer ou à rentabiliser. C'est notamment le cas des secteurs traditionnels
comme celui de la chaussure. La délocalisation de tout ou partie du processus
productif peut alors s'avérer nécessaire pour échapper à la concurrence internationale.
[...]
Les données fournies par les enquêtes révèlent néanmoins que la stratégie
privilégiée des entreprises reste la différenciation des produits. [...]
Concrètement, cette politique signifie que l'entreprise va tenter d'offrir une
plus grande diversité de produits que les concurrents, d'accélérer leur
renouvellement, ou encore de personnaliser le service qui les entoure. L'idée
est de coller en permanence aux évolutions du marché dans un environnement
changeant et incertain. L'entreprise a donc un besoin impératif d'être réactive,
donc flexible.
Pour répondre à cet impératif, elle peut notamment introduire des innovations
techniques. On assiste alors à une entrée massive de l'informatique et du
numérique dans les processus productifs. [...]
Les besoins en emplois des entreprises vont alors plutôt se tourner vers les manipulateurs
de symboles, les manieurs de concept, ceux qui maîtrisent l'immatériel. Mais
ils vont aussi se tourner vers des travailleurs flexibles, aptes à effectuer
plusieurs tâches.
Source ; J-M. Cardebat et E. Maurin, Mondialisation,
innovation et emploi,
Les notes de l'IFRI n°49, 2003.
Document 3
Emploi total par branche - France
Branches |
Emplois (en milliers) |
Taux de croissance annuel moyen des emplois 1998-2003 (en %) |
Part des emplois de la branche dans l'emploi total 2003 (en %) |
|
1998 |
2003 |
|||
Industrie dont industrie textile |
3 842,7 124,6 |
3 775,5 99,7 |
- 0,35 - 4,36 |
15,2 0,4 |
Services marchands dont postes et télécommunications |
10 052,6 428,5 |
11 508 487 |
2,74 2,6 |
46,3 2 |
Ensemble industrie et services marchands |
13 895,3 |
15 283,5 |
1,9 |
61,4 |
Source : d'après INSEE ; Comptes nationaux.
Document 4
Document 5
Les délocalisations et la sous-traitance internationale constituent
simplement une nouvelle manifestation du développement des échanges entre pays
industrialisés et pays émergents. Les bénéfices de ces échanges sont immédiats
pour le consommateur (du pays importateur) qui voit le prix de nombreux biens
de consommation chuter.
Le bénéfice est également évident pour les entreprises, qui absorbent dans leur
processus de production une part croissante d'importations à bas prix en
provenance du Sud, réalisant au passage des gains de productivité. Une partie
de ces gains se retrouve dans les salaires ; une autre partie de ces gains se
retrouve dans la baisse des prix relatifs des biens manufacturés, ce qui
soutient la demande pour les produits industriels.
Au passage, les délocalisations et la sous-traitance favorisent l'émergence
d'une demande solvable dans le pays émergent accueillant ces usines : les
exportations françaises à destination de ce pays, notamment les exportations de
produits à plus fort contenu en main d'oeuvre qualifiée, bénéficient ainsi d'un
effet d'entraînement. [...]
La contrepartie de cette dynamique est une sélection des firmes et des unités
de production les plus efficaces. Or, les fermetures d'usines sont concentrées
sectoriellement et donc géographiquement. Les impacts négatifs locaux sont donc
puissants : ils affectent de surcroît les catégories les plus défavorisées et
les moins mobiles (les non qualifiés).
Source : L Fontagné et J-H. Lorenzi, Désindustrialisation, délocalisations, Rapport du Conseil d'Analyse Economique, La Documentation française, 2005.
Document 6
Note: les restructurations internes correspondent aux plans de réductions d'emplois menés par les entreprises dans le but de réduire les coûts de production et maintenir leur compétitivité.
Champ : l'Europe correspond ici aux 25 Etats de l'Union Européenne, plus la Bulgarie et la Roumanie.
Source : d'après European Monitoring Monitor (EMCC),
Cahiers Français n°325, La Documentation française, 2005.
I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET
On vous demande de caractériser les liens de causalité entre les échanges internationaux et l’emploi. Abordée sous plusieurs angles, cette question concerne deux thèmes du programme "Travail et emploi" et "Internationalisation des échanges et mondialisation".
Vous devez analyser comment la place d’un pays dans les échanges internationaux affecte ses emplois en parlant des emplois détruits, mais aussi créés et transformés. Il faut aborder les différents échanges internationaux (exportations et importations, marchandises, services et capitaux) et leur structure (parts des pays et des secteurs, taux de couverture). Le risque principal est de ne traiter que les destructions d’emplois dans les pays industriels liées à la concurrence des pays émergents.
Outre des données statistiques, les documents assez diversifiés rappellent les différentes dimensions du sujet.
II – LA PROBLEMATIQUE
L’emploi des pays industriels se transforme dans un contexte de sous-emploi massif durable parallèlement à une intensification des échanges internationaux. On est donc amené à s’interroger sur les liens entre ces deux phénomènes et à se demander dans quelle mesure l’ouverture des économies explique les transformations de l’emploi.
III – LES OUTILS : SAVOIRS ET SAVOIR-FAIRE
a - Les connaissances utiles
● Spécialisation
internationale : division du travail, avantages concurrentiels.
● Théories du commerce international :
avantages absolus, avantages relatifs, dotation factorielle.
● Termes de l'échange et taux de couverture.
● Compétitivité prix et hors prix,
innovations, différenciation des produits.
● Division internationale du processus
productif : délocalisation, sous-traitance.
● IDE, fusions et acquisitions
transnationales.
● Marché du travail : coût du travail,
mobilité, flexibilité.
● L’emploi et ses structures :
secteurs, qualifications, PCS.
● Emploi, chômage, sous-emploi, précarité.
b - Quelques repEres pour bien traiter les documents
Document 1 : Les pays du Nord restent les principaux exportateurs et importateurs même si pays du Sud ont des échanges qui augmentent plus rapidement.
Document 2 : L’internationalisation des échanges incite les firmes des pays industriels à innover pour rester compétitives et donc à rechercher une main-d’œuvre plus qualifiée et plus flexible.
Document 3 : Entre 1998 et 2003, l’emploi marchand a légèrement augmenté en France (+1,9% par an) en se tertiarisant puisque l’emploi industriel perdait 0,35% chaque année alors que les services marchands en gagnaient 2,6%.
Document 4 : Resté supérieur à 100%, le taux de couverture de la France a chuté pour la plupart des biens et services marchands de 1997 à 2003 ; ce taux est inférieur à 100% pour l’industrie et supérieur à 100% pour les services marchands.
Document 5 : Les délocalisations et la sous-traitance internationale qui permettent aux firmes des pays industriels d’abaisser leurs coûts de production et leurs prix pénalisent l’emploi peu qualifié dans ces pays.
Document 6 : Les ¾ des pertes d’emplois en
France entre 2002 et 2004 sont liés à une restructuration interne visant à
réduire le coût de production pour maintenir la compétitivité prix ; seuls
5% des emplois ont été détruits à l’occasion d’une délocalisation.
IV - LES PISTES DE REPONSES
Introduction
Les exportations et les importations de marchandises, de services et de capitaux jouent un rôle croissant tant du côté des ressources que des débouchés des différentes économies. Dans le même temps, l’emploi des pays industriels change sans réussir à fournir régulièrement un travail à tous les actifs. On peut alors se demander ce que l’essor des échanges internationaux provoque comme évolutions quantitatives et qualitatives de l’emploi dans les pays industriels. On traitera dans un premier temps des effets quantitatifs contrastés de l’internationalisation des échanges sur l’emploi des pays industriels avant de voir dans un deuxième temps ce que cette internationalisation provoque comme effets structurels multiples sur ce même emploi.
Partie I : L’internationalisation des Echanges provoque A la fois des destructions et des crEations d’emplois dans les pays industriels
A. La concurrence internationale et les délocalisations entraînent des destructions d’emplois
● La recherche de gains
de productivité conduit à des réductions d’effectifs (cf. doc. 5).
● La DIPP (décomposition internationale des processus productifs) visant à abaisser le coût du travail implique des
IDE et des délocalisations coûteuses en emplois (cf. doc. 5).
● Ces pertes d’emplois touchent
notamment les industries traditionnelles (comme le textile) et les faibles
qualifications (cf. doc. 3 et 5).
● Il ne faut pas exagérer le poids des
destructions d’emplois dues aux délocalisations (cf. doc. 6).
B. L’intensification des échanges internationaux génère des créations d’emplois liées aux échanges eux-mêmes et à différentes incitations
● Le poids dominant des
pays du Nord et de leurs firmes dans le commerce international en fait des
acteurs majeurs plutôt que des "victimes" des transformations en
cours (cf. doc. 1).
● L’essor des exportations et des
importations induit des emplois dans différents domaines (commerciaux,
logistiques, bancaires…).
● La spécialisation liée aux avantages
comparatifs (Ricardo) et la dotation factorielle (HOS) favorise des créations
d’emplois.
● L’incitation à innover que provoque
la concurrence des pays émergents est source de nouveaux emplois (cf. doc. 2).
Partie II : L’essor du commerce international influence Egalement la structure et l’organisation de l’emploi des pays industriels
A. La spécialisation dans la division internationale du travail provoque des déversements d’emplois entre secteurs
● L’évolution de
la spécialisation des économies des pays industriels, engendre des déversements
sectoriels (exemple des télécommunications : cf. doc 3 et 4).
● L’évolution des taux de couverture
montre un changement du poids relatif des différents pays dans l’économie
mondiale, ce qui affecte la répartition des emplois entre secteurs et branches
(cf. doc. 4).
● La tertiairisation de l’emploi
s’accroît avec des pertes dans l’industrie et des gains dans les
services (cf. doc. 3).
B. La recherche de compétitivité dans l’économie mondiale tend à élever la qualification de nombre d’emplois des pays industriels (cf. doc. 2)
● Le partage des
productions entre pays du Nord et du Sud conduit à une élévation de la
qualification des emplois au Nord.
● La montée du niveau de qualification des
emplois des pays industriels tient aussi à la recherche d’innovation face
à la concurrence internationale.
C. Face à une concurrence internationale avivée, les firmes des pays industriels accélère la flexibilisation de leur emploi
● Des emplois de plus en
plus flexibles pour répondre aux besoins de compétitivité (cf. doc. 2).
● Une flexibilité qui facilite la
différenciation et le renouvellement au service de la recherche de
compétitivité hors prix.
● Le rapport de force favorable aux firmes
multinationales leur permet d’imposer cette flexibilité dans les pays
industriels.
Conclusion
L’internationalisation des échanges a certainement accéléré la transformation qualitative de l’emploi dans les pays industriels qu’il s’agisse des déversements sectoriels ou de la flexibilisation. Si les emplois créés semblent plus nombreux que les emplois détruits, cela ne résout pas le problème des salariés licenciés suite à des délocalisations. La solution de ces problèmes viendra sans doute d’une réorganisation de la régulation socio-économique des pays industriels plutôt que d’une fermeture aussi improbable que dangereuse des frontières. Un emploi mieux réparti parmi des salariés mieux formés constituera alors un des atouts des anciens pays industriels dans l’économie mondiale de demain.
Un autre plan possible
En modifiant l’introduction, vous pouvez orienter le sujet de la manière suivante :
Partie I : Les pays industriels perdent des emplois peu qualifiés dans des secteurs traditionnels sous l’effet de l’internationalisation des échanges
Partie II : La spécialisation internationale conduit les anciens pays industriels à transformer la structure et l’organisation de leur emploi
V - LES "PLUS"
● L’exemple des Etats-unis
et des créations massives d’emplois liés aux exportations.
● Les différents types d’IDE et leurs
effets en termes d’emplois.
● Des références théoriques récentes
(exemple : Krugman).
● Le dépassement des économies, des
frontières et des comptabilités nationales à l’heure de la mondialisation.