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Annales gratuites Bac ES : Mobilité des hommes et femmes

Le sujet  2003 - Bac ES - Sciences Economiques et Sociales - Question de synthèse Imprimer le sujet
LE SUJET

Changement social et inégalités

I - TRAVAIL PREPARATOIRE (10 points)

Vous répondrez à chacune des questions en une dizaine de lignes maximum.

1. Comparez les destinées des filles et des fils de cadres et professions intellectuelles supérieures. (document 1). (1 point)

2. Que nous apprennent les données de la diagonale (cases en gras) sur les destinées des hommes et des femmes ? (document 1). (2 points)

3. Expliquez le passage souligné. (document 2). (2 points)

4. Montrez à l'aide d'un exemple comment la socialisation différenciée selon le sexe influence les choix professionnels. (document 1 et document 2). (2 points)

5. Retrouvez le mode de calcul de la donnée en gras. (document 3). (1 point)

6. Comment les choix d'orientation des garçons et des filles influencent-ils leur destinée professionnelle ? (document 3). (2 points)

II - QUESTION DE SYNTHESE (10 points)

Après avoir mis en évidence les principales inégalités entre les hommes et les femmes en matière de mobilité sociale, vous en présenterez les explications.

Document 1

Extrait d'une table mixte des destinées

Catégories socioprofessionnelle des femmes et des hommes en 1993 en fonction de celle des pères (en %)

CS des fils et filles Þ

Artisan,
commerçant

Cadre, profession
intellectuelle

Profession
intermédiaire

Employé

Ouvrier

CS des pères ß

Artisan, commerçant, chef d'entreprise

H

29

22

20

7

20

F

10

12

24

41

11

Cadre, profession intellectuelle supérieure

H

11

53

21

8

7

F

3

34

31

27

5

Profession intermédiaire

H

9

35

30

10

15

F

5

15

33

39

7

Employé

H

8

22

32

11

27

F

4

10

25

49

11

Ouvrier

H

9

10

24

11

45

F

6

4

16

46

27

Champ : hommes et femmes, actifs occupés ou anciens actifs occupés en mai 1993, âgés de 40 à 59 ans. Chaque nombre donne les destinées. Par exemple : colonne2/ligne9, on peut lire que 10% des fils d'ouvriers sont cadres ; colonne2/ligne10, on lit que 4% des filles d'ouvriers sont cadres.
Pour chaque CS, la ligne H correspond aux hommes et la ligne F aux femmes.

Source : D'après enquête FQP 1993, INSEE.

Document 2

Un système binaire de représentations nous montre partout dans le monde le féminin associé à la douceur et le masculin à la violence , et les comportements sociaux des individus, les normes institutionnelles et le regard collectif imposent à chaque individu d'être le plus conforme possible à la définition commune du genre. Des jouets offerts aux réprimandes, des compliments aux injonctions, des comportements préférentiels aux brimades, de la réprobation à la récompense, tout est mis en œuvre, tout conduit dès la prime enfance les enfants de l'un ou l'autre sexe à assumer seulement l'un des deux caractères .Pour ne pas parler des images lourdement incitatives que les enfants voient à la télévision.

Source : Françoise Héritier, Masculin -féminin II, Dissoudre la hiérarchie, Editions Odile Jacob, 2002.

Document 3

Séries suivies par les élèves en classe de première de l'enseignement général et technologique (rentrée 2000-2001)

 

Filles

Garçons

Part des filles

 

Effectifs

en %

Effectifs

en %

en %

Séries générales

         

Littéraire

37 665

27,1

7 384

7,5

83,6

Economique

45 583

32,8

23 234

23,6

66,2

Scientifique

55 813

40,1

67 725

68,9

45,2

Ensemble

139 061

100

98 343

100

58,6

 

         

Séries Technologiques

         

Sciences médico-sociales

8 531

15,4

327

0,6

96,3

Sciences et technologies industrielles

2 383

4,3

30 598

53,2

7,2

Sciences et techniques de laboratoire

3 104

5,6

2 548

4,4

54,9

Sciences et technologies tertiaires

41 403

74,7

24 009

41,8

63,3

Ensemble

55 421

100

57 482

100

49,1

Champ : France métropolitaine et départements d'outre-mer, Enseignement public.

Source: Repères, Statistiques, Références, Ministère de l'éducation nationale, 2002.

LE CORRIGÉ

I - L'ANALYSE DU SUJET

On propose au candidat de réfléchir sur les inégalités devant la mobilité sociale.
L'originalité du sujet tient à ce qu'il demande une analyse des différences entre les hommes et les femmes sur cette question.
Les documents fournis sont accessibles.
Le candidat pourra faire état de ses connaissances sur les rapports de pouvoir et les inégalités sexuelles dans notre société.

II - LE TRAVAIL PREPARATOIRE

Question 1

Trois aspects à étudier :

  • La mobilité ascendante, évidemment faible pour une PCS occupant une position élevée, est néanmoins quatre fois plus forte pour les fils (11 % contre 3 %)
  • L'immobilité ou reproduction est nettement supérieure pour les hommes ; 53 % contre 34 %.
  • La mobilité descendante est beaucoup plus forte pour les filles (63 %) que pour les fils (36 %)
  • Les 2/3 des filles dont le père était cadre ou profession intellectuelle supérieure ont donc une situation inférieure.

    Question 2

    Ces données indiquent le pourcentage d'immobiles.

    L'immobilité est plus importante pour les fils que pour les filles des deux PCS supérieures. Elle est à peu près identique pour les enfants des professions intermédiaires. L'immobilité est plus forte pour les filles d'employés et pour les fils d'ouvriers. Cela illustre une division sexuelle de ces emplois.

    Question 3

    Il existe dans la société un partage des rôles entre hommes et femmes qui renvoie au système de valeurs et de normes. Celà conduit les individus à agir en se conformant aux comportements et aux statuts correspondant à leur identité masculine ou féminine.
    Ces représentations dominantes et transmises notamment par l'éducation constituent des limites au changement social.

    Question 4

    La sur-représentation des hommes au sein de la PCS "ouvriers" illustre l'existence de professions masculines. L'image de dureté physique et de violence sociale des métiers ouvriers correspond aux stéréotypes masculins. La socialisation conduit à ce que peu de filles deviennent ouvrières même quand leur père l'était (27 %) alors que 45 % des fils d'ouvriers restent ouvriers. Au contraire, 46 % des filles d'ouvriers deviennent employées contre 11 % de leurs frères.

    Question 5

    83,6 % des élèves de 1ère de la filière littéraire étaient des filles en 2000-2001. Il y avait en effet 37 665 filles sur un total de 45 049 élèves de cette filière. (37 995 / 45 049 = 83,6 %)

    Question 6

    L'orientation scolaire et les diplômes (bac et post-bac pour des élèves de 1ère) impliquent des débouchés professionnels distincts. On constate l'écart entre les deux séries : les filles représentent 58,6 % des élèves des séries générales et 49,1 % des séries technologiques. Dans les premières, les filles sont sur-représentées en L et sous-représentées en S. Leur devenir professionnel en sera affecté.
    Dans l'enseignement technologique, la différence très nette entre SMS (96,3 % de filles) et STI (72 %) se retrouve dans l'existence de métiers féminins (infirmières par exemple) et masculins (ouvriers et techniciens industriels par exemple). Les différences d'orientation ou de choix des filles et des garçons (27,1 % des filles de l'enseignement sont en L contre 7,5 % des garçons ; 4,3 % des filles de l'enseignement technologique sont en STI contre 53,2 % des garçons) sont à la fois l'effet de cette spécificité sexuelle de certains métiers et une cause de reproduction de ces différences.

    III - LA QUESTION DE SYNTHESE

    Introduction

    A l'heure où les débats sur les retraites mettent en lumière l'existence d'inégalités dans le déroulement de la vie professionnelle des individus, il est utile de comparer la mobilité sociale des hommes et des femmes.
    On définit la mobilité sociale comme le changement de position des individus dans la société. On l'analyse au regard des positions socio-professionnelles dont on étudie l'évolution au cours d'une vie active.(mobilité intra-générationnelle) ou entre parents et enfants (mobilité inter-générationnelle).
    Les enquêtes FQP et les tables de mobilité qui en sont tirées comparent la situation professionnelle (au moyen de la nomenclature des PCS) des hommes et des femmes à celle de leur père.

    Jusqu'aux années 80, seule la mobilité masculine était étudiée. Le fait que l'on étudie maintenant la destinée et le recrutement socio-professionnel des femmes témoigne à la fois de leur insertion dans l'emploi (symbole d'une égalisation en route) et de l'existence d'inégalités persistantes du point de vue de la mobilité sociale. Il est d'ailleurs significatif que l'on compare la situation des femmes à celle de leur père et non de leur mère.

    Nous décrirons dans un premier temps la nature et l'importance des principales inégalités entre hommes et femmes en terme de mobilité sociale avant d'en proposer des éléments d'explication dans un deuxième temps.

    A - LES TRAJECTOIRES SCOLAIRES ET LES CARRIERES PROFESSIONNELLES DES HOMMES ET DES FEMMES REVELENT DES MOBILITES SOCIALES INEGALES LE PLUS SOUVENT DEFAVORABLES AUX FEMMES

    L'orientation puis le parcours scolaire d'abord, l'insertion professionnelle puis le déroulement de la carrière ensuite conditionnent la mobilité sociale. Chacun de ces éléments est marqué par des inégalités liées au genre des individus.

    1) L'orientation scolaire des filles et des garçons diffère

    - Les filles vont plus souvent dans l'enseignement général où elles représentent près de 60 % des élèves. Les garçons vont plus souvent dans les filières technologiques Cf Doc 3.

    - Dans l'enseignement général, les filles vont plus fréquemment en L et en ES alors que garçons se retrouvent en S (68,9 % de l'effectif masculin des filières générales). Cf Doc 3.

    - Dans l'enseignement technologique, une majorité de filles sont orientées en STT (74,7 %) et en SMS (15,4 %) ; elles y sont majoritaires (63,3 % et 96,3 %). Les garçons, eux, sont plutôt orientés en STI où ils constituent 92,8 % de l'effectif. Cf Doc 3.

    - Ces orientations spécifiques au genre s'ajoutent aux déterminants sociaux dont on sait qu'ils jouent aussi fortement. Il y a ici un effet propre à l'identité sexuelle des élèves.

    - Choisies par les élèves et leur famille ou dictées par l'institution scolaire, les orientations et les parcours scolaires qui en découlent influencent le devenir professionnel des élèves et donc leur mobilité sociale. Le poids des normes sociales joue ici un rôle important. Cf Doc 2.

    Si les filles ont, en moyenne, une réussite scolaire meilleure que les garçons, leur parcours les prépare à des métiers déjà féminisés. L'accès à l'emploi renforce cette première limite à la mobilité sociale.

    2) Hommes et femmes ont des carrières professionnelles très inégales

    - Si leurs diplômes "prédisposent" les femmes à occuper des emplois d'employées, de professions intermédiaires et de cadres, ces derniers postes leur sont souvent fermés, même quand elles sont filles de cadres. Cf Doc 1.

    - A diplôme égal, les femmes occupent plus souvent des postes inférieurs dans la hiérarchie à ceux des hommes, quelle que soit leur origine sociale. Cf Doc 1.

    - On retrouve ces inégalités en matière de salaires (les salaires féminins sont 20 % inférieurs à ceux des hommes).

    - L'existence de métiers "masculins" et "féminin" bloque souvent la mobilité ascendante des femmes et génère même la mobilité descendante. Cf Doc 1.

    - Il existe néanmoins une mobilité ascendante pour les femmes comme pour les hommes même si elle est limitée en volume et en distance. Une part de la mobilité ascendante féminine est apparente : le fait de devenir employée ou même profession intermédiaire pour une fille d'ouvrier tient largement au fait que beaucoup d'emplois d'ouvriers sont masculins. L'évolution est souvent nulle voire négative en terme de salaire ou de prestige. Cf Doc 1.

    - Il reste que l'image d'une mobilité féminine plus souvent descendante que donne la table de mobilité est due au fait que l'on compare la situation des femmes à celle de leur père.

    Il convient maintenant de chercher les explications des inégalités que nous avons constatées.

    B - LES INEGALITES ENTRE HOMMES ET FEMMES EN MATIERE DE MOBILITE SOCIALE S'EXPLIQUENT PAR LE POIDS DES PHENOMENES DE DOMINATION SOCIALE,ECONOMIQUE ET CULTURELLE.

    Les écarts de mobilité que nous avons observés sont à la fois un effet et une cause de différentes inégalités traversant la société. Certaines renvoient à une division sexuelle des tâches, d'autres à un héritage de valeurs et de normes consacrant une certaine domination masculine.

    1) Notre société fonctionne sur la base d'une division du travail social qui inclut une spécialisation en fonction du genre

    - Il existe une spécialisation de nombreux métiers. Certains sont réputés féminins (puéricultrice, infirmière, couturière) et d'autres masculins (chauffeur, ouvrier qualifié ou PDG) en fonction de stéréotypes et d'habitude. Cf Doc 2.

    - Les postes dirigeants des entreprises comme du monde politique appartiennent au "monde des hommes", ce qui tend à limiter la mobilité ascendante pour beaucoup de femmes. Cf Doc 1.

    - Ces spécificités impliquent des orientations scolaires qui, en retour, les perpétuent.

    - Le fonctionnement du marché du travail et les réticences de nombreux employeurs à confier des postes de responsabilité à des femmes rendent les carrières professionnelles féminines plus incertaines. Elles sont plus souvent confrontées au chômage, aux emplois précaires et au temps partiel contraint, ce qui limite évidemment leur ascension sociale inter et intra générationnelle.

    - La maternité (phénomène biologique) et le partage très inégal des tâches familiales et domestiques (phénomène social) combinés aux effets de méfiance précédemment cités constituent autant d'explications à la différence de mobilité sociale.

    - Les mutations familiales (divorces...)ajoutent parfois d'autres obstacles aux carrières des femmes plus souvent seules avec des enfants.

    Les inégalités renvoient à un système culturel encore imprégné de patriarcat même s'il ne faut pas négliger les changements intervenus.

    2) La moindre mobilité sociale ascendante des femmes s'explique aussi par la persistance des phénomènes de domination masculine

    - L'image des femmes dans le système des valeurs et de normes conduit encore à valoriser davantage leur rôle familial que leur rôle professionnel même si cela a forcément évolué depuis un demi siècle. Cf Doc 2.

    - Les orientations scolaires et les déroulements de carrière des individus restent largement dépendants de l'image des "qualités" attachée à leur identité sexuelle. Cf Doc 2.

    - Tout se passe comme si on faisait "payer" aux femmes leur identité de femme en dehors de l'origine sociale des un(e)s et des autres.

    - Il ne faut néanmoins pas oublier le chemin parcouru durant le siècle précédent en matière d'accès des femmes aux emplois.
    Même si leur mobilité reste limitée, elle n'est pas nulle. Si on comparait la situation des femmes à celle de leur mère, on aurait une autre vision des évolutions sociales passées.

    Conclusion

    La mobilité sociale pure reste limitée pour les hommes comme pour les femmes.
    Elle est en outre le plus souvent courte en distance.

    La difficulté des femmes à accéder à certains emplois et aux postes de responsabilité accroît pour elles les phénomènes de "blocage de l'ascenseur social" qui existent dans notre pays.

    Dès lors, la mobilité sociale qui constitue de façon générale un enjeu dans la recherche d'une société plus égalitaire révèle combien est grande la persistance d'inégalités structurelles marquant tant le fonctionnement de la société que son système de valeur et la mentalité des individus.

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