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Annales gratuites Bac L : Comment caractériser le régime de Vichy ?

Le sujet  1999 - Bac L - Histoire - Composition Imprimer le sujet
LE SUJET

COMMENT CARACTERISER LE REGIME DE VICHY ?

Liste des documents :

- Document n°1 : Texte lu par le maréchal Pétain, vice-président du Conseil, au Conseil des ministres, 13 juin 1940.

- Document n°2 : Maréchal Pétain, chef de l'Etat français : discours radiodiffusé le 30 octobre 1940.

- Document n°3 : Vichy vu par le général de Gaulle.

- Document n°4 : Note au sujet de la déportation des Juifs de la zone non occupée, 4 septembre 1942.

- Document n°5 : Affiche de propagande "La Révolution Nationale", 1942.


Questions :

1 - Présenter les documents.

2 - En fonction du sujet, sélectionner, classer et confronter les informations tirées de l'ensemble des documents et les regrouper par thèmes.

3 - Rédiger, de façon synthétique (environ 300 mots), une réponse argumentée à la problématique définie par le sujet, en faisant appel, y compris de manière critique, à l'ensemble des informations tirées des documents.


Document n°1
Texte lu par le maréchal Pétain, vice-président du Conseil, au Conseil des ministres, 13 juin 1940.(1)

Nous reconnaissons tous que la situation militaire est aujourd'hui très grave. (...)

Il faut bien examiner les conséquences qui résulteraient de la continuation de la lutte. Si l'on admet l'idée de persévérer grâce à la constitution d'un réduit national, on doit reconnaître que la défense de ce réduit ne pourrait être organisée par les troupes françaises en débandade, mais par des troupes anglaises fraîches.

Mais si ce réduit, établi dans une région maritime, pouvait être organisé, il ne constituerait pas, à mon avis, une garantie de sécurité et exposerait à la tentation d'abandonner ce refuge incertain.

Or il est impossible au gouvernement, sans émigrer, sans déserter, d'abandonner le territoire français.
Le devoir du gouvernement est, quoi qu'il arrive, de rester dans le pays sous peine de n'être plus reconnu pour tel. Priver la France de ses défenseurs naturels dans une période de désarroi général, c'est la livrer à l'ennemi.

Le renouveau français, il faut l'attendre en restant sur place, plutôt que d'une conquête de notre territoire par des canons alliés dans des conditions et un délai impossibles à prévoir.

Je suis donc d'avis de ne pas abandonner le sol français et d'accepter la souffrance qui sera imposée à la patrie et à ses fils. La renaissance française sera le fruit de cette souffrance.
Ainsi la question qui se pose en ce moment n'est pas de savoir si le gouvernement demande l'armistice, mais s'il accepte de quitter le sol métropolitain.

Je déclare, en ce qui me concerne, que hors du gouvernement s'il le faut, je me refuserai à quitter le sol métropolitain, je resterai parmi le peuple français pour partager ses peines et ses misères.

L'armistice est à mes yeux la condition nécessaire de la pérennité de la France éternelle.

Cité par Marc Ferro dans : Pétain, Fayard, 1987

* (1) au château de Cangé (Indre et Loire) où le président de la république A. Lebrun a établi sa résidence provisoire de repli.


Document n°2
Maréchal Pétain, chef de l'Etat français : discours radiodiffusé le 30 octobre 1940.

Français,

J'ai rencontré jeudi dernier, le chancelier du Reich.(1)
Cette rencontre a suscité des espérances et provoqué des inquiétudes.
Je vous dois à ce sujet quelques explications.
Une telle entrevue n'a été possible, quatre mois après la défaite de nos armes, que grâce à la dignité des Français devant l'épreuve.(...) La France s'est ressaisie.

Cette première rencontre entre le vainqueur et le vaincu marque le premier redressement de notre pays.

C'est librement que je me suis rendu à l'invitation du Führer. Je n'ai subi de sa part, aucun diktat, aucune pression.

Une collaboration a été envisagée entre nos deux pays. J'en ai accepté le principe. Les modalités en seront discutées ultérieurement.

A tous ceux qui attendent aujourd'hui le salut de la France, je tiens à dire que ce salut est d'abord entre nos mains.

A tous ceux que de nobles scrupules tiendraient éloignés de notre pensée, je tiens à dire que le premier devoir de tous les Français est d'avoir confiance.
(...) C'est dans l'honneur et pour maintenir l'unité française - une unité de dix siècles - dans le cadre d'une activité constructive du nouvel ordre européen que j'entre, aujourd'hui, dans la voie de la collaboration.

Ainsi, dans un avenir prochain, pourrait être allégé le poids des souffrances de notre pays, amélioré le sort de nos prisonniers, atténuée la charge des frais d'occupation. Ainsi pourraient être assouplie la ligne de démarcation et facilités l'administration et le ravitaillement du territoire.
Cette collaboration doit être sincère. Elle doit être exclusive de toute pensée d'agression. Elle doit comporter un effort patient et confiant.

L'armistice, au demeurant, n'est pas la paix. La France est tenue par des obligations nombreuses vis-à-vis du vainqueur. Du moins reste-t-elle souveraine. Cette souveraineté lui impose de défendre son sol, d'éteindre les divergences de l'opinion, de réduire les dissidences de ses colonies.

Cette politique est la mienne. Les ministres ne sont responsables que devant moi.

C'est moi seul que l'Histoire jugera.
Je vous ai tenu jusqu'ici le langage d'un père. Je vous tiens aujourd'hui le langage du chef.

Suivez-moi. Gardez confiance en la France éternelle.

Pierre Milza, Sources de la France du XXème siècle, textes essentiels, Larousse, 1997.


(1) A Montoire.

 


Document n°3
Vichy vu par le général de Gaulle.(1)

Pour moi, la faute capitale de Pétain et de son gouvernement c'était d'avoir conclu avec l'ennemi, au nom de la France, le soi-disant "armistice".(...)

Par dessus tout, avoir soumis l'Etat à la discrétion du Reich, c'est cela qu'il fallait condamner, de telle sorte que la France fût dégagée de la flétrissure.

Toutes les fautes que Vichy avait été amené à commettre ensuite : collaboration avec les envahisseurs ; lutte menée (...) contre les Français Libres ou contre les alliés ; combats livrés à la résistance en liaison directe avec les polices et les troupes allemandes ; remise à Hitler de prisonniers politiques français, de juifs, d'étrangers réfugiés chez nous ; concours fourni, sous forme de main-d'oeuvre, de matières, de fabrications, de propagande, à l'appareil guerrier de l'ennemi, découlaient infailliblement de cette source empoisonnée.

Charles De Gaulle, Mémoires de guerre . Le salut (1944-1946). Plon, 1959.

(1) Passage consacré au procès du Maréchal Pétain.

 


Document n°4
Note au sujet de la déportation des Juifs de la zone non occupée, 4 septembre 1942.

Paris, le 4 septembre 1942.

Au cours de l'entretien qui a eu lieu le 29 entre Oberg (1) et Laval, le Président a indiqué que les diplomates étrangers lui ont, à plusieurs reprises, posé la question de savoir pour quelle destination étaient acheminés les transports des Juifs livrés aux Autorités d'occupation. Il répondait qu'en principe, on les emmenait, dans la partie sud de la Pologne. Il demande maintenant de lui indiquer la façon de répondre, afin d'éviter une divergence avec les renseignements donnés par nous.

Il a été convenu que le Président Laval communique en réponse à de telles questions que les Juifs transférés de la zone non occupée aux Autorités d'occupation sont transportés pour être employés au travail dans le gouvernement général.

Signé : Hagen, chef supérieur des SS et de la Police du Commandement Militaire en France.

Cité par Serge Klarsfeld dans : Vichy - Auschwitz. Le rôle de Vichy dans la solution finale de la question juive en France, 1942, Fayard, 1983.

(1) officier supérieur des SS en France

 

Affiche de propagande : " La Révolution nationale " (1942)

Editée par le centre de propagande de la révolution nationale d’Avignon.

LE CORRIGÉ

I - PRESENTATION DES DOCUMENTS


Cinq documents proposent une réflexion sur la nature du régime de Vichy.
Deux discours du Maréchal Pétain : le 13 juin 1940, Pétain n'est encore que le vice-président d'un gouvernement dirigé par Paul Reynaud. La situation militaire des alliés est très difficile.

Les Anglais ont rembarqué des troupes à Dunkerque (28 mai/3 juin). L'exode de millions de Français paralyse la contre-offensive des armées françaises. Paris est menacé. Le gouvernement est contraint de se replier en Touraine et hésite entre deux solutions : la capitulation ou l'armistice. Pétain cherche à faire accepter cette deuxième solution.

Le 30 octobre 1940, lorsqu'il s'adresse aux Français, Pétain n'est plus le chef d'un gouvernement de la République mais celui de l'Etat français à qui une majorité de parlementaires réunis à Vichy a confié tous les pouvoirs. Le 24 octobre 1940, il a rencontré Hitler à Montoire et lui a serré la main. Ce geste trouble l'opinion à tel point que Pétain doit s'en expliquer.

Le document n°4 extrait de l'ouvrage de Serge Klarsfeld et l'AFFICHE DE PROPAGANDE éditée en 1942 permettent de réfléchir à la nature du nouveau régime et à son rôle dans la solution finale. En 1942, Vichy participe à la mise en oeuvre de la politique d'extermination systématique des juifs. Laval offre le concours des forces de police françaises pour arrêter les juifs étrangers en zone nord (rafle du Vel'd'Hiv) et livrer plus de 10 000 juifs de zone sud internés à Drancy

L'AFFICHE DE LA REVOLUTION NATIONALE illustre les thèmes de la "régénération nationale" que Vichy veut susciter dans la zone sud.

Le texte du GENERAL DE GAULLE est une analyse à posteriori sur le régime de Vichy. De Gaulle, retiré à Colombey de 1946 à 1958, rédige ses mémoires, et juge que l'erreur fondamentale a été la signature de l'armistice le 25 juin 1940.


II - LES THEMES ABORDES

- Un régime né de la défaite militaire et de l'armistice qui ligote le pouvoir politique et l'oblige à accepter les conditions du vainqueur : la convention d'armistice laisse subsister un gouvernement français et l'empire, mais la France est soumise à un lourd tribut financier et menacée d'éclatement.

- Un régime qui se plie à la loi de l'occupant par la politique de collaboration avec l'Allemagne. Vichy est demandeur et facilite la politique d'extermination des juifs, pariant sur la victoire du Reich.

- Un régime autoritaire qui impose une "révolution nationale". Cette révolution condamne la démocratie laïque et libérale et prône le retour aux hiérarchies naturelles : la famille ; le culte du chef (les étoiles du Maréchal s'opposent à l'étoile juive) ; la patrie ; le métier (elle exalte les paysans et les artisans et se méfie des ouvriers...).


III - SYNTHESE

La défaite militaire de juin 1940 provoque en France une crise politique majeure entre ceux qui préconisent la capitulation militaire et le repli sur les colonies et ceux qui comme Philippe Pétain proposent une stratégie hexagonale.

Le point de vue de Pétain l'emporte et la convention d'armistice signée le 22 juin est l'acte de naissance du régime de Vichy.

Le Maréchal parie sur la victoire de l'Allemagne et engage avec elle une politique de collaboration qui stupéfie les Français après la poignée de mains entre Pétain et Hitler à Montoire en octobre 1940.

Vichy est demandeur car il veut assouplir les conditions de l'armistice et obtenir un traitement de faveur avec des avantages matériels et politiques.

Mais cette collaboration conduit Vichy à participer à l'extermination systématique des juifs. Les rencontres entre Laval et les SS planifient l'arrestation des juifs en zone nord, mais aussi en zone non occupée.

Enfin Vichy propose une politique de "régénération nationale" appuyée sur une intense propagande. "Les deux France" opposent deux types de régime : la démocratie libérale jugée responsable de la défaite et la révolution nationale reposant sur des valeurs passéistes : travail, famille, patrie, culte du chef.

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