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Annales gratuites Bac Hôtellerie : L'être libre : tyran ou sage ?

Le sujet  1995 - Bac Hôtellerie - Philosophie - Dissertation Imprimer le sujet
LE SUJET

Pour être libre, n'avons-nous le choix qu'entre être tyran et être sage ?

LE CORRIGÉ

I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?

Le sujet pose la question du type de comportement que nous devons adopter pour atteindre à la liberté. Il propose pour cela deux options entre lesquelles l'homme aurait à choisir : la tyrannie et la sagesse.

Celles-ci rendent-elles réellement raison de la valeur et de la signification proprement contenues dans le concept de liberté ?

Ou au contraire ne les excèdent-elles pas ? Ne les ruinent-elles pas ?

La notion de choix est en outre incluse dans celle de liberté ; être libre implique justement que l'on puisse choisir le comportement qui viendra donner un sens à cette exigence morale et politique.

Et comme le dirait Sartre, même s'il n'y avait pas à choisir, ce serait déjà un choix que de refuser de choisir.

Cependant la vraie question est de savoir à partir de quels mobiles pathologiques le choix va s'effectuer. Quels sont les critères qui vont orienter ma volonté vers telle ou telle inclination ?

Sont-ils guidés par une exigence de raison ou par l'impulsion quelquefois pathologique, de l'instinct, du sentiment ou de la volonté de puissance ?


II - UNE DEMARCHE POSSIBLE.

A - LA LIBERTE COMME REALISATION EXTERIEURE DE L'ESSENCE DE L'HOMME.

La notion de liberté renvoie à une dimension éthico-politique. Elle traduit la capacité qu'a l'homme d'inscrire son action dans le champ de ses relations à ses semblables.

Pas de liberté donc qui puisse résulter d'un simple état de solitude, d'un isolement ontologique qui n'aurait ainsi aucun pouvoir de délimitation et même de détermination du cadre concret de mon action.

Or la figure du tyran se réalise dès lors que l'univers des désirs d'un homme est déconnecté du champ collectif de leur satisfaction.

Le tyran agit selon la détermination capricieuse de sa volonté et non pas par respect d'une exigence rationnelle fondée sur la considération de la valeur objective de la loi.

Cette dernière ne limite pas l'ordre de ses désirs et ne peut accomplir ainsi sa finalité politique : créer les conditions d'un accord harmonieux entre les hommes.

Mais c'est justement dans la mesure où celle-ci repose sur une exigence de la raison qu'elle ne s'impose pas au tyran qui fonde, lui, son action sur le caractère singulier et arbitraire de ses inclinations.

Ainsi, l'action tyrannique si elle donne l'illusion de satisfaire le principe de liberté dans la mesure où elle affranchit ma volonté des limites de la loi, contrevient en fait doublement à sa vocation première :

- en effet, d'un côté, elle distingue le tyran qui agit selon son bon vouloir des autres hommes qui eux se soumettent aux limites de la loi ; et comme telle elle se répartit inégalement selon les individus.

- et d'un autre côté, elle conduit à un esclavage insidieux dans la mesure où le tyran, s'il s'illusionne sur le caractère illimité de sa liberté et de son pouvoir sur autrui, demeure cependant esclave de ses propres désirs.

L'homme libre ne peut donc pas considérer la tyrannie comme la vérification et l'authentification de son expérience de liberté.

La première ruine la seconde plus qu'elle n'en est la condition de réalisation.


B - LA LIBERTE COMME PURE INTERIORITE.

Il faut alors se poser la question de savoir si la liberté ne renvoie pas premièrement et simplement à un sentiment, c'est-à-dire à une donnée intérieure indifférente à sa concrétisation politique.

Epictète a ainsi montré à quel point l'esclave, même totalement soumis au pouvoir de son maître, pouvait cependant demeurer libre en conscience, c'est-à-dire à la fois libre de penser et libre de désirer des objets indépendants de la volonté de son maître. C'est ici la sagesse de l'ataraxie, c'est-à-dire la condition même de l'atteinte d'un pouvoir sur soi.

Mais n'est-ce pas aussi le préalable indispensable à l'accomplissement d'une liberté intérieure qui se concrétiserait alors sous la forme de la sagesse ?

C'est alors la fidélité à l'ordre de la raison, la conformité morale à la sphère de ses intentions qui viendrait donner un sens à l'expérience de la liberté.

Voilà pourquoi le sage, c'est-à-dire celui qui a réalisé l'accord avec la partie rationnelle de lui-même, peut être dit libre au sens où le monde a cessé de commander à son âme.

Cependant, qu'est cette liberté dont Hegel dit qu'elle est celle de "la belle âme", cette liberté de pure intériorité indifférente à l'existence de l'autre et du monde ?

Existe-t-elle réellement en tant que liberté ? Ou n'est-elle qu'une pure forme morale, politiquement inachevée et imparfaite ?


C - QU'EST-CE QUE LA LIBERTE ?

La liberté suppose la satisfaction d'une exigence de raison ; elle n'a rien à voir avec le caractère illimité d'un libre-arbitre qui n'assignerait aucune limite à sa volonté de puissance.

Aussi le tyran qui vit selon ses désirs ne peut-il à la fois vivre selon la raison.

Mais d'un autre côté, la liberté suppose aussi son extériorisation et sa concrétisation dans le champ politique.

Et le sage est-il réellement libre qui respecte la raison en lui-même mais s'interdit cependant, par son attitude, de la considérer en l'autre ?

La loi est ainsi la figure juridique qui définit la limite rationnelle de l'expérience politique de la liberté et permet l'accord des raisons entre elles.

Voilà pourquoi s'imposant à tous de la même façon, elle donne à chacun le sentiment concret d'une liberté qui s'affirme à la fois comme une expérience singulière et comme une valeur universelle.

Ainsi le choix que proposait le sujet entre l'action tyrannique et l'harmonie intérieure de la sagesse conduisait à ruiner la double nature, rationnelle et collective, de cette expérience.


III - LES REFERENCES UTILES.

PLATON, La République.

SPINOZA, Ethique, livre 5.

ROUSSEAU, Le contrat social.

KANT, Critique de la raison pratique .


IV - LES FAUSSES PISTES.

Donner à la liberté la signification minimale de la liberté d'indifférence.

S'obliger à choisir entre l'une ou l'autre des options proposées par le sujet en les considérant comme des idéaux de réalisation de la liberté.

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