Le sujet 2007 - Bac Hôtellerie - Philosophie - Commentaire d'un texte philosophique |
Avis du professeur :
Le texte porte sur les rapports entre l'opinion et la science. |
La science, dans son besoin d'achèvement comme dans son principe, s'oppose
absolument à l'opinion. S'il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer
l'opinion, c'est pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion ;
de sorte que l'opinion a, en droit, toujours tort. L'opinion pense mal ;
elle ne pense pas : elle traduit des besoins en
connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les
connaître. On ne peut rien fonder sur l'opinion : il faut d'abord la
détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait pas, par
exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une
sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire. L'esprit
scientifique nous interdit d'avoir une opinion sur des questions que nous ne
comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement.
Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu'on dise, dans la vie
scientifique, les problèmes ne se posent pas d'eux-mêmes. C'est précisément ce sens
du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un
esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S'il
n'y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne
va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit.
Bachelard
Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions
suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne
sont pas indépendantes et demandent que le texte soit d'abord étudié dans son
ensemble.
1. Dégagez la thèse du texte et les étapes de son argumentation.
2. Expliquez :
a) "l'opinion pense mal ; elle ne pense pas :
elle traduit des besoins en connaissances" ;
b) "ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit
scientifique" ;
c) "rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est construit."
3. L'opinion fait-elle obstacle à la science ?
I – PRESENTATION DU TEXTE ET DE SES DIFFICULTES
Il s'agit d'un texte assez difficile qui nécessite une
grande attention aux propos de l'auteur. Les notions du programme impliquées
sont celles de vérité, raison,
croyance et, mais aussi, dans une moindre mesure,
d'expérience.
Il est ici particulièrement nécessaire de chercher à distinguer sous la plume
de l'auteur l'opinion et l'esprit scientifique.
II - L'IDEE GENERALE ET L'ARGUMENTATION DU TEXTE
L'idée principale est qu'il faut bien distinguer deux choses : l'opinion et l'esprit scientifique. L'opinion, qui est avant tout croyance irréfléchie, est absence de pensée. La démarche scientifique, à l'inverse, ne saurait avoir lieu sans pensée. Mais il ne faut pas se méprendre sur cette dernière car :
1. Elle commence toujours dans et avec l'opinion même
si c'est pour la dépasser.
2. La démarche scientifique n'est pas simple
acquisition de connaissances. Elle est, en effet, selon l'auteur, d'abord et
avant tout, inquiétude. Cette inquiétude ( = être à
la recherche ou en quête de quelque chose) ne saurait déployer ses effets, et
donc la science progresser, sans l'art de poser des questions, de faire
apparaître les problèmes que l'opinion ne saurait jamais saisir, tant qu'elle
reste elle-même.
III - LES EXPLICATIONS
a. "L"opinion pense
mal; elle ne pense pas, elle traduit des besoins en connaissances."
● La première partie de cet énoncé n'est pas
difficile à comprendre pour peu que l'on se soit rendu attentif à l'opposition
principale du texte entre "opinion" et "esprit" ou
"vie scientifique". L'auteur commence par dire que l'opinion pense
mal et il ajoute ensuite qu'elle ne pense pas. Il faut comprendre que si elle
pense mal, c'est parce qu'elle ne pense pas. En effet, l'opinion étant avant
tout croyance naïve en ceci ou en cela ne fait jamais retour sur soi et ne
remet jamais en question sa prétendue "science" car elle ne se
demande jamais pourquoi tel énoncé doit être considéré comme vrai. En bref, elle ne
cherche pas les raisons qui fondent ce à quoi elle adhère. Elle est semblable à un
aveugle qui ignore sa cécité et même si parfois elle énonce des vérités, cela
ne la légitime en rien car elle ne sait pas pourquoi cela est vrai et ne
cherche parfois plus à le découvrir.
● La seconde partie de l'énoncé est plus difficile à comprendre : l'auteur y affirme que l'opinion se borne à traduire "des besoins en connaissances". Que veut-il dire par là ? Sans doute la phrase suivante éclaire-t-elle ici le sens énigmatique de prime abord : "En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître". Bachelard semble indiquer une nouvelle opposition entre la vie de l'opinion, toujours à la recherche de moyens en vue de satisfaire une fin quelconque (l'aspect utilitariste de l'existence vulgaire), et la vie scientifique qui ne veut connaître que pour connaître, trouvant en elle-même, et non en dehors d'elle, sa propre satisfaction : l'opinion est intéressée, la science désintéressée.
b. "Ce sens du problème qui donne la marque du véritable
esprit scientifique"
● Bachelard insiste ici sur ce qui permet de distinguer l'esprit
scientifique de l'opinion vulgaire. Il ne faut pas croire, comme on est
toujours tenté de le faire, que l'esprit scientifique se distingue par
l'acquisition de connaissances. Certes, l'acquisition de connaissances n'est
pas étrangère à la démarche scientifique, puisqu'elle en est aussi la finalité,
mais ce qui caractérise l'esprit scientifique, d'abord et avant tout, c'est son
refus de l'opinion. Par conséquent, en lieu et place de l'opinion, l'esprit scientifique
devra cultiver la question et faire apparaître, dans la clarté la plus grande,
les problèmes à résoudre. Sans cela, il ne serait pas possible d'avancer dans
la science.
c. "Rien ne va de soi. Rien n'est donné. Tout est
construit"
● Là encore apparaît ce qui distingue l'opinion et la science. Pour
l'opinion, qui ne s'interroge pas, qui ne cultive pas le sens de la question,
qui ne pense pas, tout "va de soi". L'opinion est prisonnière des
apparences. Tels les prisonniers de la caverne de Platon, l'opinion adhère
d'une manière absolument naïve à ce qui se présente, dans une sorte de fausse
évidence, immédiatement, à ce qui est donné. La vie scientifique, à l'inverse,
veut aller au-delà, ou en deçà du donné qui suscite la croyance. L'art de faire
apparaître les problèmes et de poser des questions là où il n'y en a pas pour
l'opinion, caractérise l'esprit scientifique.
Ainsi, on comprend selon quelle logique il est loisible à notre auteur
d'affirmer que les énoncés scientifiques sont "construits" : loin de
s'arrêter à ce que nous donnent nos sens, la science cherche à comprendre pourquoi
les choses sont comme elles se présentent à nous, et quelles lois régissent
leur nature.
IV - LE DEVELOPPEMENT DE LA QUESTION PHILOSOPHIQUE
L'opinion fait-elle obstacle à la science ?
Il s'agit ici de chercher à savoir si, dans la mesure où
l'auteur oppose, dans cet extrait, opinion et science, et où il affirme que
l'opinion ne pense pas, cette dernière, comme il peut le paraître de prime
abord, empêche le progrès de la science.
Il faut au moins distinguer deux cas :
1. Le cas où l'on en reste à l'opinion.
2. Le cas où l'on surmonte l'opinion.
Il est clair que si l'on ne dépasse pas l'opinion, il n'y a
pas de progrès dans la science et même, comme le dit l'auteur, pas de science
du tout.
Cependant, l'opinion n'est pas entièrement négative, du point de vue même de la
science. Car elle est nécessairement un point de départ. On n'entre pas de plain
pied dans la science. On commence toujours par croire quelque chose.
Cependant, pour un esprit avide de savoir, les opinions ne sauraient tenir
longtemps tant parfois certains faits, que l'on
pourrait nommer polémiques viennent déranger les
pseudos-certitudes de l'opinion en faisant apparaître leurs contradictions. Ainsi,
non seulement la science détruit l'opinion, mais elle permet aussi d'expliquer
pourquoi nous avons telle opinion. Par exemple, l'astronomie nous apprend que
ce n'est pas le soleil qui tourne autour de la terre mais la terre qui tourne
autour du soleil. Et la physique peut nous expliquer pourquoi nous avons ainsi
l'illusion d'être au centre de l'univers.