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Annales gratuites Bac L : Franchir les limites

Le sujet  2002 - Bac L - Littérature - Question Imprimer le sujet
LE SUJET

 

Vous montrerez que le roman de Béroul est fondé sur le franchissement incessant des limites.

LE CORRIGÉ

I - LA FICHE SIGNALETIQUE

Au premier abord, ce sujet présente une grande complexité. En effet, il ne s'agit pas à proprement parler d'un thème de l'œuvre mais bien plutôt de la conception narrative et philosophique qui sous-tend toute l'écriture de Béroul.

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

Le sujet peut dérouter au premier abord par son apparente complexité ou sa formulation abstraite. Cependant, les élèves qui auront bien lu l'œuvre trouveront rapidement une problématique qui leur permettra d'organiser une analyse construite et structurée.

III - UN TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET

S'interroger sur le franchissement des limites dans le Tristan de Béroul revient à s'interroger au préalable sur la notion de limite. En effet, cette idée est excessivement complexe et revêt plusieurs sens.

Tout d'abord, on peut considérer qu'il s'agit de la ligne qui sépare deux territoires contigus. Mais on peut aussi concevoir que le terme renvoie à des possibilités physiques ou intellectuelles extrêmes.

Autrement dit, les limites peuvent aussi bien matérialiser un point de vue géographique qu'un point de vue humain. Or, dans le Roman de Tristan, Béroul joue sans cesse sur ces limites. Aussi conviendra-t-il de s'interroger sur le franchissement incessant des limites.

Nous analyserons le franchissement des limites géographiques, puis nous considèrerons le franchissement des limites humaines des deux personnages principaux. Pour finir nous constaterons que Béroul lui-même franchit à la fois les limites de langue et du genre.

1) L'action du Tristan de Béroul se déroule autour de trois types de lieux. Qu'ils soient ouverts, comme le verger, la forêt du Morrois, la Blanche Lande, la Croix-Rouge ou le Gué aventureux, ou qu'ils soient fermés comme le château ou les pièces qui le composent, tous les lieux sont entourés d'une limite symbolique ou réelle que les deux protagonistes passent leur temps à dépasser que ce soit physiquement ou moralement.

Ainsi, le château représente l'instance politique du pouvoir féodal. Il est symbole des limites de l'ordre et du devoir. C'est parce qu'ils vont aller au-delà des limites autorisées par ce lieu que Tristan et Yseut vont devoir s'exiler dans la forêt du Morrois. Celle ci apparaît d'abord comme un refuge pour les deux amants en exil car personne d'autre n'ose en franchir la limite par crainte des légendes qui entourent ce lieu.

En s'appropriant cet espace, les deux amants franchissent les limites de l'ordre social. Ils acceptent d'entrer dans ce monde sauvage, hors des lois féodales qu'ils ont bafouées par l'adultère. Pour revenir dans le monde qu'ils ont quitté, Tristan et Yseut devront transiter par la Blanche Lande, limite entre la terre et la mer, limite entre la vie sauvage et la société civilisée. Ce sera le lieu géographique du franchissement moral pour les deux amants. En effet, c'est là qu'Yseut prêtera le serment de son innocence en se jouant à la fois du roi son mari et du roi Arthur, le garant de sa bonne foi comme nous l'analyserons par la suite.

Les deux héros franchissent donc les limites géographiques du royaume, en jouant sans arrêt avec les lois féodales, les lois sociales et les lois morales. Mais ils ne s'arrêtent pas là et mettent aussi leur vie en jeu au point parfois de dépasser les limites du réel dans leurs actes.

2) Tristan et Yseut se mettent souvent dans des situations extrêmes que ce soit physiquement ou psychologiquement.

Ainsi, leur séjour dans la forêt du Morrois est parfois à la limite du supportable. La forêt leur impose une vie de bêtes sauvages traquées, Yseut est vêtue de haillons. Leur nourriture est insuffisante. Béroul présente à ses lecteurs des conditions de survie telles que tous s'apitoient sur leur sort.

D'autant qu'aux souffrances physiques s'ajoutent les souffrances psychologiques. En effet les regrets commencent à envahir les deux protagonistes. Yseut regrette la cour et son rang social, Tristan craint qu'elle ne lui reproche un jour cette vie de sauvages. Pourtant, pour les aider, Béroul n'a pas ménagé sa peine, dépassant les limites du réel en faisant appel à la magie avec l'arc infaillible qui permet à Tristan de chasser dans de bonnes conditions. Béroul avait déjà dépassé les limites du possible pour sauver ses deux protégés lorsqu'il avait permis à Tristan de s'échapper de l'église par un saut "prodigieux" pour sauver Yseut des griffes des lépreux.

Donc, Tristan et Yseut dépassent leurs limites autant physiques que psychologiques, au point que Béroul leur vient en aide par une pointe de surnaturel qui marque là aussi le dépassement de la limite du réel par l'auteur.

3) Ce ne sont pas les seules limites que Béroul dépasse. Il s'octroie aussi quelques libertés avec les registres et avec la langue.

Béroul joue sans arrêt sur les limites du genre en menaçant l'unité de ton : on passe sans transition du rire aux larmes sans oublier le grotesque. Ainsi l'on ne peut s'empêcher de rire en imaginant les barons félons s'effondrer dans la boue ; ou en lisant la scène grotesque du combat entre Tristan et les Lépreux. On ne résiste pas non plus à l'émotion face aux adieux déchirants des deux amants.

Jouant ainsi sur les différents registres, Béroul implique son lecteur en le rendant complice du franchissement de ces limites d'écriture. De même qu'il l'implique en lui permettant de comprendre les franchissements de la langue qu'il met dans la bouche d'Yseut, véritable adepte du double langage, que ce soit dans l'épisode initial de la fontaine durant lequel Yseut joue sur les limites de la vérité et du mensonge.

Le lecteur retrouvera le même principe de franchissement dans l'épisode du serment. Il est le seul avec le narrateur à savoir qu'Yseut ment tout en restant à la limite du vraisemblable. Il cautionne ce dépassement de la vérité, ce parjure, pour sauver un personnage haut en couleur, rusé, qui sait dépasser les limites quand la moralité est bafouée, quand l'ordre social est outragé et quand l'ordre politique est en danger.

Béroul en franchissant ces différentes limites permet à Yseut de sortir grandie de ce roman, alors que dans une autre perspective, elle serait apparue comme un monstre d'immoralité.

IV - LES ERREURS A EVITER

Il n'y avait pas d'erreurs particulières à éviter dans ce sujet.

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