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Annales gratuites Bac L : Tristan et Iseut s'aiment-ils

Le sujet  2001 - Bac L - Littérature - Question Imprimer le sujet
LE SUJET

Que pensez-vous de cette affirmation, apparemment paradoxale, de Denis de Rougemont (L'Amour et l'Occident, 1938) : "Tristan et Iseut ne s'aiment pas, ils l'ont dit et tout le confirme" ?

LE CORRIGÉ

I - LA FICHE SIGNALETIQUE

Un sujet sur l'amour dans Tristan et Iseut est un sujet attendu. La citation proposée pose cependant un problème nouveau qui est celui de l'absence d'amour dans Tristan et Iseut alors même que ce roman est par excellence le roman de la passion amoureuse.

Il ne faut pas oublier que ce type d'affirmation demande à être discutée et qu'il conviendra de lui apporter une contradiction.

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

Le sujet est classique, bien qu'un peu provocateur, mais il présente une difficulté majeure qui est de prendre appui de façon précise sur le texte :
"Ils le disent" : Que disent-ils ?
"Tout le prouve " : Qu'est-ce qui le prouve ?

III - LES CONNAISSANCES REQUISES

Le sujet demande une connaissance précise de l'œuvre, quelques citations pourraient être les bienvenues ainsi qu'une connaissance générale de la représentation de l'amour au Moyen Age.

IV - UN TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET

Dans la culture littéraire, le roman de Tristan et Iseut représente le roman d'amour par excellence, amour passion, amour interdit, amour tragique. Paradoxalement, comme le dit Denis de Rougemont dans L'Amour et l'Occident, "Tristan et Iseut ne s'aiment pas, ils l'ont dit et tout le confirme."

Face à cette affirmation, on peut se demander si l'amour de Tristan et Iseut n'évolue pas tout au long du roman et si, tout en affirmant qu'ils ne s'aiment pas, les deux amants ne passent pas d'un amour subi à cause du philtre, à un amour maîtrisé et raisonné à la fin de l'envoûtement.

Pour répondre à cette problématique, nous verrons dans un premier temps qu'effectivement Tristan et Iseut ne s'aiment pas, qu'ils sont les victimes d'une passion imposée par le destin et dans un deuxième temps nous analyserons comment Tristan et Iseut redeviennent les maîtres du jeu.

A) PREMIERE PARTIE

Tristan et Iseut ne sont pas "tombés amoureux", ils ont bu par inadvertance un breuvage d'amour destiné au roi Marc. A partir de ce moment, leur amour, pourtant interdit, puisque Iseut est mariée à Marc, est incontournable : "c'était notre destin, si elle m'aime c'est la potion qui en est la cause", affirme Tristan. Les deux amants vont subir leur passion et vont surtout devoir s'en cacher vis-à-vis de leur entourage, en affirmant dès qu'ils le peuvent la pureté et la chasteté de leurs sentiments. Le mensonge et le faux-semblant deviennent une part intégrante de leur vie, comme par exemple à la fontaine, lorsque le piège de Marc est mis à jour par Iseut et qu'elle en profite pour affirmer haut et fort son absence de sentiments envers Tristan. Le roi sort convaincu de la sincérité des deux amants en affirmant "qu'ils ne pensent pas à mal."

Le passage de la forêt du Morrois est un moment de transition qui permet aux deux amants de subir leur passion à l'abri du regard des autres. Seul, le roi Marc les verra ensemble dans la forêt mais là aussi, leur attitude lui laissera croire que "s'ils s'aimaient à la folie, ils ne seraient pas vêtus, il n'y aurait pas d'épée entre eux et ils seraient disposés d'une autre manière" .et il ajoute qu' "ils n'ont aucun désir d'amour fou."

Comme nous venons de le montrer, les propos et le comportement des deux amants peuvent laisser penser qu'ils ne s'aiment pas, même le lecteur accuse le philtre de cet amour forcé. Pourtant, lorsque l'enchantement prend fin au bout de trois ans, Béroul accumule les preuves inverses.

B) DEUXIEME PARTIE

Lorsque l'ermite Ogrin décide les deux amants à se séparer et à regagner la cour en cherchant leur pardon, leur rupture est douloureuse Tristan affirme "qu'il a bien du mal à perdre son amie", et lui donne son chien Husdent "comme gage de son amour". Iseut de son côté, lui confie sa bague "pour l'amour d'elle".

Jamais depuis le début du roman, les amants n'avaient affirmé aussi fort leur attachement l'un à l'autre.

Alors même qu'ils sont tout à fait libres d'être détachés de leur passion, Tristan et Iseut vont continuer à se voir, à s'aimer mais cette fois en toute maîtrise. Le personnage d'Iseut devient trouble. Son serment ambigu au mal pas, montre son habileté de femme à servir une passion à laquelle elle ne peut renoncer alors même que Tristan retrouve ses attributs moraux de chevalier courtois en se vengeant des barons félons par amour pour Iseut.

Tout en continuant à affirmer qu'ils ne s'aiment pas, Tristan et Iseut démontrent tout le contraire par leurs propos et leur attitude mais seul le lecteur est dans la confidence. Le mensonge fonctionne très bien auprès de tous les personnages du roman, même le roi Arthur, appelé comme garant par Iseut, s'y laisse prendre.

C) CONCLUSION

Bien que les deux amants s'en dédient tout au long du roman, il s'agit indéniablement d'un roman de la passion que Béroul nous expose selon des points de vue différents. Dans une première partie les deux amants sont les victimes de la fatalité, il subissent un amour qui leur a été imposé par la magie, ils mentent mais ils en souffrent. La deuxième partie, représente la passion maîtrisée, surtout par Iseut. Tout au long du roman, les amants tournent à leur avantage les codes linguistiques de la société que ce soit pour cacher un amour qui leur semble honteux ou pour dissimuler leur liaison volontaire.

La place du mensonge de Tristan vis-à-vis des autres mais aussi vis-à-vis d'eux-mêmes pourrait bien mettre en évidence un aspect de ce roman qui porterait sur le caractère équivoque des signes verbaux et gestuels émis par les deux protagonistes. On pourrait ainsi se demander s'ils sont vraiment aussi peu amoureux qu'ils veulent bien l'affirmer tout au long du roman.

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