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Annales gratuites Bac L : Homère question 2

Le sujet  2010 - Bac L - Littérature - Question Imprimer le sujet
Avis du professeur :
La question porte sur l'un des thèmes majeurs de l'oeuvre - la mort - et vous invite à le rattacher à la dimension initiatique de l'oeuvre, en étudiant les différentes épreuves traversées par le héros.
Pas de surprise : les exemples suggérés par le libellé de la question - Ulysse confronté à la mort - abondent et permettent de répondre sans difficulté aux attentes de l'épreuve.
LE SUJET

Ulysse est confronté régulièrement à la mort. Quels rôles jouent ces expériences dans son parcours ?

LE CORRIGÉ

I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET



Sujet

Contraintes



Ulysse est confronté régulièrement à la mort.



  • Le sujet impose une thématique : la mort, mais dans une perspective précise : la confrontation du héros avec la mort.

  • L’adverbe « régulièrement » impose que l'on montre combien ce thème est omniprésent et même structure le récit tout entier.



Quels rôles jouent ces expériences dans son parcours ?



  • Le mot « rôles » est au pluriel : on attend donc une palette d'interprétations variées.



II - LES DIFFERENTS TYPES DE PLANS POSSIBLES

Plan sociologique

On pouvait proposer un plan assez simple, parfois appelé « plan sociologique » qui consiste à distinguer divers plans : l’individu face à lui-même, face aux autres, face au monde. Gradation qui peut aussi s’inverser : Ulysse confronté à la mort des autres, Ulysse confronté à sa propre mort.

Attention cependant : dans ce cas précis, la difficulté consistait à ne pas se contenter de citer des passages mais à déboucher sur l'interprétation, c’est-à-dire sur le rôle ou la nature de ces deux niveaux de confrontation, rôle initiatique notamment, implicitement contenu dans la notion de « parcours ».

Plan thématique

On pouvait aussi proposer un plan organisé autour des différents rôles de cette confrontation à la mort :

  • La dimension narrative :

La confrontation à la mort de ses compagnons : un rôle essentiel dans la tension dramatique du récit.

  • La dimension symbolique :

L'étape des enfers : un rôle initiatique majeur dans la construction du héros.

Après ces deux parties essentielles, ceux qui en avaient le temps pouvaient développer en troisième partie ou en conclusion

  • La dimension littéraire :

Cette confrontation entre un homme et la mort fait de L’Odyssée un texte fondateur.

La troisième partie, en apparence, s'éloigne du personnage d'Ulysse mais renvoie à l'objet d'étude (texte fondateur) et permet l'ouverture culturelle indispensable à cette épreuve.

III - LES PISTES DE REPONSES

PREMIeRE PARTIE

Ulysse est régulièrement confronté à la mort. Chacune des étapes de son parcours, ou presque, est en effet ponctuée par la mort de ses compagnons. Parti de Troie avec douze navires remplis de valeureux soldats, c'est finalement seul qu'Ulysse va fouler à nouveau le sol d'Ithaque au chant XIII.

Les compagnons d’Ulysse meurent l'un après l'autre. Si les premiers succombent en combattant par les armes contre les Cicones, comme pendant la guerre de Troie, la plupart vont connaître une mort atroce, redoutable. Certains sont dévorés : par le cyclope, les Lestrygons ou Scylla. D'autres sont engloutis par la « mer sans moisson » lors des terribles tempêtes qui s'abattent sur eux. Ces morts ont en commun de représenter la menace suprême pour un valeureux soldat : l'oubli, car la gueule d'un monstre ou les abîmes de la mer interdisent toute sépulture.

C'est d'ailleurs ce que rappelle l'exemple d'Elpénor : sa mort est plus ordinaire que celle de ses compagnons d'infortune : ivre, couché sur « la terrasse de Circé », il oublie de reculer et tombe du toit. Mais sa prière lorsqu'Ulysse le rencontre aux enfers rappelle le terrible oubli auquel ses compagnons seront voués, nul n'ayant pris la peine de les enterrer : « ne pars pas en m'abandonnant sans sépulture / et sans larmes (…) mais brûle-moi avec toutes les armes que j'avais, dresse-moi un tombeau (…) pour qu'il rappelle un malheureux aux hommes à venir. »

Ainsi, la mort récurrente des compagnons, véritable leitmotiv du texte, a de multiples fonctions : elle crée d'abord une tension dramatique évidente. Un compte à rebours scande les chants au programme, chacune des morts préfigurant celle qui attend potentiellement le héros. Ulysse est un survivant. Elle rappelle aussi la fragilité de la vie…

Ulysse se conduit en héros : si ses compagnons meurent, et non pas lui, c'est parce qu'ils n'ont pas ses qualités de prudence ou de patience. Mais ces morts incessantes lui rappellent qu'il est aussi un homme et que, à tout instant, sa vie peut s'arrêter.

Transition

Un épisode révèle parfaitement cette ambiguïté d'Ulysse, le meilleur d'entre tous, bien que terriblement humain : celui de la descente aux enfers au chant XI.

DEUXIeME PARTIE

En effet, un chant entier met en scène la confrontation directe du héros avec « le royaume des ombres ». Remarquable par sa longueur, sa place est centrale, puisqu’il vient interrompre le récit chez Alcinoos. C'est dire l'importance de cette confrontation.

C'est aussi le seul lieu où Ulysse se rend volontairement, sur les conseils de Circé. Le héros y affronte la « peur verte » de tout homme : aller là « où nul vaisseau n'est encore parvenu », aux « confins du profond cours de l'Océan ». Si ses hommes l'accompagnent, lui seul, en revanche, accomplit le rituel du « sang noir » qui va permettre d'attirer les « âmes errantes ». L'expérience est terrifiante car les âmes accourent « de tout côté avec d'étrange cris » mais Ulysse s'y prête avec force et courage, « empêchant les têtes sans force des morts de s'approcher du sang avant que n’eût parlé Tirésias ». Ainsi, l'épisode révèle le caractère héroïque du personnage qui rejoint alors Orphée ou Hercule, autres héros de la tradition mythologique descendus aux enfers.

Cependant, simultanément, l'épisode joue pour le personnage un rôle d'initiation à plus d'humanité. Ulysse apprend beaucoup en écoutant les âmes des défunts : Achille lui révèle notamment qu'il aurait préféré vivre en étant le domestique d'un paysan plutôt que de mourir en héros glorieux les armes à la main. La leçon est essentielle : rien ne vaut la vie. Tirésias vient ponctuer l'initiation en lui annonçant qu'il mourra « d'une mort très douce ». Ulysse apprend donc la sagesse et peut-être l'humilité. Ainsi sera-t-il en mesure de refuser l'immortalité lorsque Calypso la lui proposera à son retour de chez Hadès. L'Odyssée raconte bien « ce qui est fait d'Ulysse ».

Transition

Si les confrontations multiples du héros à la mort, celle des autres ou la sienne propre, lui permettent de se construire, il est évident que leur récit permet également, dans une certaine mesure, de séduire et d'édifier le lecteur. C'est ce qui fait de L'Odyssée un texte fondateur.



TROISIeME PARTIE

La confrontation du héros à la mort préfigure d'une certaine façon toute la littérature. Elle est en effet source dans l'Odyssée de représentations qui deviendront autant de topos romanesques ou poétiques. Ainsi, la description, même rapide, de l'arrivée aux enfers alimentera-t-elle une littérature fantastique et merveilleuse : un lieu situé aux extrêmes limites du monde, « un palais de pourriture », « des saules aux fruits morts » sont autant de détails qui nourriront l'imaginaire des artistes. De même, le parcours d'un héros qui parvient à surmonter des épreuves potentiellement mortelles sera-t-il maintes fois repris au point de devenir une structure archétypale du roman.

Enfin, et surtout, l'Odyssée, dans cette perspective, est une confrontation du lecteur avec ses propres craintes devant la mort. Ce qui est fait d'Ulysse renvoie inévitablement à ce qui est fait de tout homme : un long apprentissage de son destin de mortel, le passage de la peur à l'acceptation de cette condition d'homme.

Conclusion

La confrontation à la mort dessine donc un cheminement particulièrement intéressant dans les chants au programme : du guerrier « aux mille ruses », prêt à défier la mort pour gagner la gloire posthume, Ulysse évolue et finit par devenir un homme humble, foulant le sol d'Ithaque sous les traits d'un pauvre mendiant, mais réconcilié avec sa nature de simple mortel. La « mort douce » peut venir, Ulysse ne l'affrontera plus avec la « peur verte » mais avec sagesse. Apprendre à mourir, telle est, finalement, une des leçons-clés du texte.

IV - LES FAUSSES PISTES

Il ne s'agissait pas de traiter la mort en général mais la confrontation du héros avec la mort.

Il ne fallait surtout pas se contenter de raconter les épisodes où le thème de la mort apparaissait.



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