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Annales gratuites Bac L : Humain ou animal ?

Le sujet  2008 - Bac L - Littérature - Question Imprimer le sujet
Avis du professeur :

La question interroge à nouveau les personnages dans les deux oeuvres, mais cette fois sous l'angle de leur représentation par un illustrateur. La réponse doit interroger la tension entre humanité et animalité qui traverse la peinture des personnages.
Là encore le sujet est classique puisqu'il renvoie nettement à une caractéristique majeure des contes de fées.

LE SUJET


Comment les personnages des Contes de Charles Perrault et les gravures de Gustave Doré qui les représentent mêlent-ils humanité et animalité ? (12 points)

LE CORRIGÉ


I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET

Sujet

Contraintes

Comment

La question porte sur les moyens mis en œuvre par Perrault et Doré. Implicitement il convient de répondre aussi au "pourquoi ?"

...les personnages des Contes de Perrault et les gravures de Doré...

Il faut considérer pour cette question les deux oeuvres au programme.

...mêlent-ils humanité et animalité ?

Il s'agit de confronter deux caractéristiques propres aux personnages de contes.


II - LES DIFFERENTS TYPES DE PLANS POSSIBLES

Par un plan analytique :
1. Les animaux personnifiés.
2.
Les hommes : des figures animalisées.
3.
Deux mondes en tension : hybridité entre les deux natures.

Par un autre plan analytique c’est celui que nous proposons :
1. La coexistence des hommes et des animaux.
2.
La personnification des animaux.
3.
Les figures hybrides.

III - LES PISTES DE REPONSES

Le plan choisi est de type analytique. Il consiste à s'interroger sur les moyens dont disposent Perrault et Doré pour représenter conjointement hommes et animaux ainsi que sur les frontières entre ces deux natures.

1. La coexistence des hommes et des animaux.
2.
La personnification des animaux.
3.
Les figures hybrides.

PREMIERE PARTIE

L'observation attentive des illustrations de Doré pour les contes de Perrault révèle d'emblée que les images regorgent de figures animales qui coexistent avec les hommes.

Animaux domestiques : le chat (La Belle au bois dormant, Le Petit Chaperon rouge, Cendrillon, Le Petit Poucet), le chien (Les Fées éd. de 1862, Le Petit Poucet), les chèvres de Peau d'âne. Ces animaux sont inventés par Doré et ne figurent pas forcément dans le texte de Perrault : elles témoignent du rapport de force de l'homme sur l'animal (au même titre que les carcasses sur les tables des ogres), et indiquent aussi le rang social du personnage (lévriers pour la chasse du prince, chien pelé des bûcherons). Certains peuvent apparaître comme des signes qui guident l'interprétation du lecteur : le chat, animal des sorcières, apparaît à des moments où se joue le sort des héroïnes (La Belle au bois dormant qui se pique le doigt, le loup qui mange la grand-mère, les bûcherons qui décident d'abandonner les enfants).

Animaux sauvages : le loup du Petit Chaperon rouge occupe une place fondamentale puisqu'il apparaît à trois reprises aux côtés de figures humaines. Il constitue donc une étrangeté manifeste qui témoigne de l'intrusion de l'animal dans le monde des hommes et de l'hybridité.

Le travail de Doré signale et amplifie la coexistence de l'humanité et de l'animalité dans les contes de Perrault.

DEUXIEME PARTIE

Les contes présentent des animaux personnifiés qui occupent une place fondamentale dans le récit et dans son sens : le rat devenu cocher, les lézards transformés en laquais permettent à Cendrillon de se rendre au bal dans un équipage décent.

Surtout, le loup du Petit Chaperon rouge et le Chat botté parlent et s'apparentent en cela à des êtres humains. Le premier se déguise en mère-grand et parvient à se faire passer pour elle si l'on en croit le texte de Perrault ; le second est l'auxiliaire de son maître, comparable en cela aux valets ingénieux de la tradition littéraire.

Les illustrations confortent cette idée : le chat y est toujours campé sur ces deux pattes postérieures et affublé d'un costume qui mêle humanité (bottes, chapeau, ceinture) et animalité (crâne d'oiseaux en collier, rats morts en bandoulière). Ses postures achèvent de l'identifier à un brillant orateur. Les contes et les images gomment donc dans ce cas ce qui distingue homme et animal.

En revanche cette identification est battue en brèche en ce qui concerne le loup dans les illustrations. Loin de corroborer le texte, Doré exhibe l'animalité de la bête lorsqu'il se trouve dans le lit avec la petite fille : griffes, museau, regard de prédateur, tout trahit la bête, potentiellement ridiculisée par le gros bonnet dont il est coiffé. La moralité du conte révèle au lecteur que le loup n'est qu'une figure cachée du séducteur, décrit comme un prédateur. L'illustrateur préfère réactiver l'image primitive, moins ancrée dans l'époque classique. Mais tous deux signalent clairement que le personnage doit être décodé, en tant qu'il incarne la face cachée, animale et inquiétante de l'homme.

Les animaux personnifiés par les deux artistes révèlent que les hommes ne se distinguent pas tant que cela des animaux. Cette idée trouve sa confirmation dans l'hybridité de certaines figures humaines.

TROISIEME PARTIE

De nombreux personnages s'apparentent à des animaux parce que leur humanité se limite à leur apparence physique. Encore est-elle toujours frappée d'un signe distinctif qui traduit ou trahit leur hybridité : gigantisme des ogres dans les illustrations de Perrault pour le Petit Poucet, couleur de la barbe dans La Barbe bleue.

Les figures d'ogre sont rattachées aux animaux par leurs pratiques alimentaires : Doré s'amuse par exemple à mêler sur la table de l'ogre dans Le Chat botté des corps d'animaux et d'enfants. La mère du prince dans La Belle au bois dormant souhaite manger belle-fille et petits-enfants.

Plus original, le châtiment qui frappe la soeur aînée dans Les Fées : les serpents et les crapauds qu'elle crache à chaque parole la transforment en figure monstrueuse, et rendent visible la "brutalité" évoquée par Perrault, son animalité. Autre personnage qui exhibe une animalité, la princesse dans Peau d'âne : elle dissimule son identité sous un masque animal répugnant pour mieux construire et révéler son humanité. Son parcours paraît exemplaire puisqu'elle parvient à réaliser son destin de princesse en dépit des obstacles.

Conclusion

Si animaux et hommes coexistent dans les contes de Perrault et les illustrations proposées par Doré, c'est pour que le lecteur s'interroge sur les frontières qui existent entre ces deux natures. Comme dans les Fables de La Fontaine, le masque animalier permet de mettre en question l'humanité des hommes, et de révéler une animalité cachée par le biais de la fiction. Les hommes s'avèrent plus dangereux que les animaux si l'on n'est pas capable de démêler le prédateur qui sommeille en eux.

IV - LES FAUSSES PISTES

 Il ne fallait surtout pas étudier séparément les textes de Perrault et les illustrations de Doré.
Il ne fallait pas non plus étudier séparément les hommes puis les animaux dans deux parties différentes, sans interroger la complexité de leur nature.

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