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Annales gratuites Bac L : La représentation de la mort

Le sujet  2002 - Bac L - Littérature - Question Imprimer le sujet
LE SUJET

 

La représentation de la mort traverse tout le théâtre de Sophocle. Vous direz sa place et ses significations dans l'action de la tragédie que vous avez lue.

LE CORRIGÉ

I - FICHE SIGNALETIQUE

Le sujet propose une question centrale, de nature thématique et qui a des implications dramaturgiques car toute tragédie progresse vers la mort du héros.

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROF

Sujet à la fois attendu, puisque la mort est traditionnellement liée à la notion même de tragédie, mais qui peut être déstabilisant, dans la mesure où elle ne semble pas, pour le théâtre de Sophocle, occuper dans chaque pièce la même place et avoir les mêmes significations.

III - UN TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET

Remarque préliminaire
Comme pour la question 1, chaque pièce propose une représentation de la mort qui diffère. La proposition du corrigé s'attachera, là encore, en priorité aux tragédies Œdipe roi et Antigone.

On pourrait presque dire que toute tragédie n'est qu'une longue "agonie", au sens d'un long cheminement vers la mort :
- Antigone, dès le prologue, a choisi de mourir, d'enfreindre la loi humaine pour accomplir le devoir fraternel qui la conduira inéluctablement à la mort promulguée.
- Ajax, dans la tragédie éponyme, s'exclut du reste des humains et sait, dès son entrée en scène, que ses heures sont comptées.
- La mort d'Héraclès elle-même, dans la tragédie du même nom est une mort annoncée...
- Seul Oedipe semble ne pas être concerné au début de la tragédie par la mort, ne serait-ce que celle, toute symbolique, qui sera son lot.

 

1) Et pourtant tout est déjà, dans Oedipe roi, sous le signe de la mort, la mort collective provoquée par la peste qui décime Thèbes et pousse les vieillards et les enfants à venir supplier le "tyran" de les sauver à nouveau. Cette mort semble due à un fléau extérieur à la cité ; il s'avèrera qu'elle est la manifestation d'une faute interne à Thèbes : son roi Laïos a été le premier fautif, condamné à ne pas avoir de descendance, et lorsqu'un fils lui est né cependant, à être assassiné par lui.

Les circonstances de la mort de Laïos ne sont connues que des spectateurs et du devin Tirésias. Elle est à l'origine du malheur des Thébains parce qu'Oedipe a été l'instrument involontaire de la vengeance des Dieux. Enfin, Jocaste se pend dans le palais, ayant compris bien avant Oedipe la réalisation de la prophétie.

Trois types de morts différentes (fléau, meurtre, suicide) mais qui toutes procèdent d'un enchaînement inéluctable initié par la volonté des Dieux, qui châtient innocents et coupables, qui les rendent collectivement responsables et victimes de leur courroux.

Oedipe lui-même, en se crevant les yeux avec la fibule de Jocaste, s'inscrit symboliquement dans cette continuité : il s'agit d'une mort à ce qu'il a été, à sa grandeur, à son bonheur illusoire. Comme Tirésias tenait sa cécité d'une punition divine, ainsi Oedipe accomplit seul ce que les Dieux ont décidé pour lui : un bannissement du monde des vivants ; devenant un errant comme ces cadavres sans sépulture et sans obole pour payer Charon, il errera en mendiant, n'étant plus qu'une ombre.

 

2) Antigone semble, elle, avoir signé un contrat avec la mort. Elle est, elle aussi, le surgeon d'une lignée funèbre. Dans la tragédie de Sophocle en effet, elle a déjà perdu père et mère (Oedipe et Jocaste). Ses deux frères Etéocle et Polynice viennent de s'entretuer. Polynice qui a embrassé la cause argienne en se mariant a déclenché une guerre civile en contestant le pouvoir de son frère sur Thèbes. Ce faisant, il a entraîné, comme dans Oedipe roi, la mort des soldats des deux camps et a décimé Thèbes.

La mort des deux frères est jumelle, dira Antigone. Selon elle, on ne peut interdire l'ensevelissement et le rituel funéraire à l'un ou à l'autre, car tous deux appartiennent désormais aux "Dieux d'en bas" et ne relèvent plus des lois humaines. Le mort lui-même peut en vouloir aux vivants qui l'auraient ainsi privé du repos éternel.

La place de la mort est donc primordiale dans Antigone et cela, d'autant plus qu'Antigone refuse avec mépris à sa sœur Ismène de partager son sort ultime : n'ayant pas rendu les honneurs funèbres à son frère, elle ne mérite pas de partager le sort de l'héroïne ; aux yeux d'Antigone, la mort est la récompense de sa piété.

Mais Antigone emmenée dans son cachot, la mort n'a pas fini son œuvre : Hémon, le fiancé fidèle après avoir menacé son père, retourne son épée contre lui-même et se suicide sur le corps d'Antigone, mêlant l'amour à la mort. Quant à Eurydice, la mère d'Hémon, déjà éprouvée par la mort d'un fils, elle se suicidera aussi.

La mort dans Antigone comme dans Oedipe roi, est multiple et diverse : elle est le châtiment divin suprême de ceux qui en sont victimes comme de ceux qui y survivent (Créon dans Antigone est un père et un mari accablé ; Oedipe, dans Oedipe roi est un père et un fils anéanti).

La mort est aussi l'affirmation de notre humaine condition : nous sommes mortels et Antigone le souligne : que l'on meure plus tôt ou plus tard, de toute façon, notre issue est certaine.

Elle est aussi symbolique de la toute puissance des Dieux : qu'elle soit infligée par les hommes, de façon directe ou indirecte, ou qu'elle soit sans médiation infligée par les Dieux, elle exprime leur pouvoir absolu sur les "éphémères", comme Prométhée désignait les humains.

Les conclusions philosophiques, religieuses et morales des tragédies de Sophocle en découlent directement : ne cédons pas à "l'hybris", respectons les Dieux, la marge de manœuvre accordée aux humains n'est qu'illusion et peut être dissipée à tout moment.

IV - LES ERREURS A EVITER

Il n'y avait aucun piège majeur dans cette question.

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