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Annales gratuites Bac L : Le modèle du chevalier

Le sujet  2004 - Bac L - Littérature - Question Imprimer le sujet
LE SUJET

Le chevalier idéal est souvent associé à l'idée d'errance et de combat. Retrouvez-vous dans votre lecture de Perceval ou le roman du Graal suivi des Continuations ce modèle du chevalier ?

LE CORRIGÉ

I - L'ANALYSE DU SUJET

Le sujet proposait une définition du chevalier dans la littérature médiévale : héros aventureux, il se déplace sans arrêt et combat tout au long du récit.
Il fallait donc se demander ce qui correspondait à cette image dans le conte, et, dans un deuxième temps, voir les limites de cette image qui nous était proposée.

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

Sujet abordable parce qu'il renvoie à l'essence même du récit chevaleresque et que les exemples sont nombreux et variés dans le texte. Le piège était d'arriver à cette définition sans en voir les limites.

III - UN TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET

Qui s'apprête à lire un roman de chevalerie, s'attend à des scènes de combat, à des chevaliers en armure joutant en tournoi : que ce soit dans le Lancelot ou le Chevalier à la charette, Yvain ou le Chevalier au Lion, tout le cycle arthurien nous y invite : les cinéastes ne s'y sont pas trompés qui reprennent les contes médiévaux pour réaliser des films d'action.
Et il est juste de dire que la lecture de Perceval ou le Conte du Graal, et de ses Continuations, nous satisfait sur ce plan. Cependant on peut y déceler quelque dérision et peut-être d'autres dimensions qui font du chevalier médiéval bien plus qu'un aventurier.

La première scène du conte est, de ce point de vue, emblématique : le jeune Gallois est confronté à des chevaliers qui sont en route à la poursuite d'autres chevaliers qui les devancent avec trois pucelles. L'image initiale du chevalier est bien celle de celui qui chemine (le mot errant veut dire qui se déplace, et non qui s'égare), dont on ne sait ni d'où il vient ni où il va. Quant à Perceval, sa première enquête portera sur les armes du chevalier : un questionnaire qui permet au lecteur de les inventorier toutes et d'apprendre leur usage (toutes les pièces de l'armure et du harnachement du cheval sont ainsi détaillées tout au long du conte). Combat et errance, voilà posé dès les premières pages le modèle du chevalier.

Toute la cour elle-même est itinérante : le roi Arthur se déplace avec ses vassaux, la reine et ses dames, et on assiste à l'installation ou au démontage des pavillons de campement en campement.
A partir du lieu initial, le logis maternel, Perceval ne fera que se déplacer selon les étapes de son initiation et dans les Continuations, même après son mariage avec Blanchefleur, il reprendra la route.
Gauvain qui est attaché à la cour de son oncle Arthur devra partir seul, après avoir été humilié et appelé au combat par Guimgambrésil. Là commence son errance ponctuée de divers combats.

Le conte propose en effet au lecteur les différents types de combat qu'il espère y lire : le défi du "valet" Perceval au Chevalier Vermeil, le siège en bonne et due forme de Beaurepaire, les joutes qui respectent ou enfreignent le rituel, le tournoi de Gauvain à Tintagel et la révolte des bourgeois d'Escavalon. Il propose toutes les variantes chevaleresques qui mettent en évidence les exploits du héros. Rien ne nous est épargné : ni les chevaliers décapités, blessés, ruisselants de sang ; ni les prises données en cadeau aux gentes dames qui papotent en haut des murailles du château, ni la miséricorde des chevaliers qui font grâce à leurs adversaires.

Cependant ni Gauvain ni Perceval ne se réduisent à cette image.
Tout d'abord parce que le regard de Chrétien de Troyes est trop chargé d'humour. Bien des scènes relèvent pour tout ou partie du registre comique : l'incipit, dont nous avons parlé, où Perceval doit faire rire le public de l'époque par ses questions niaises ; le combat avec le chevalier Vermeil est de la même tonalité. Voilà un chevalier bien présomptueux qui se fait abattre comme du gibier d'un coup de javelot dans l'œil ! Quant à Gauvain, quelle ridicule situation à Escavalon, avec un échiquier en guise de bouclier et des vilains armés de fourches et de fléaux. S'il montre son habileté à cheval en sautant sur son destrier pour le récupérer, il s'est traîné sur un roussin pendant la majeure partie de l'épisode de l'Orgueilleuse de Nogres. C'est plutôt dans les Continuations que les exploits sont encore pris au sérieux, et les combats, répétitifs, conventionnels. Alors que le manuscrit de Mons et le texte de Gerbert de Montreuil accumulent les péripéties, Chrétien de Troyes n'hésite pas au contraire à les passer sous silence : par exemple avant l'épisode chez l'ermite, le narrateur nous signale que, pendant cinq ans, Perceval fit de belles prouesses et envoya soixante chevaliers prisonniers au Roi Arthur. Il ne s'y étend pas car ce qui l'intéresse, c'est que ces cinq années à se consacrer au combat ont été perdues pour sa quête spirituelle. Perceval offre donc un autre modèle du chevalier : au-delà des épisodes de fin'amor, de courtoisie, qui sont aussi attendus, au-delà de l'errance et du combat, Chrétien de Troyes nous propose un idéal chevaleresque tout entier tourné vers la quête spirituelle.

C'est bien là l'écho du prologue où le comte Philippe de Flandres l'emporte sur Alexandre non pas seulement par la qualité de ses exploits guerriers mais parce qu'il pratique une charité évangélique, vertu théologale : le Conte du Graal offre une image du chevalier différente en ce qu'à la fin de son initiation, il est plein d'humilité, de miséricorde et d'amour de Dieu.

IV - LES ERREURS A EVITER

  • Se tromper sur le sens du mot "errance" (itinerare en latin : cheminer).
  • Ne pas voir l'apport de Chrétien de Troyes dans l'évolution de l'archétype.
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