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Annales gratuites Bac L : Le portrait féminin

Le sujet  2004 - Bac L - Littérature - Question Imprimer le sujet
LE SUJET

A la lumière de votre lecture de Nadja d'André Breton, vous vous demanderez comment Breton renouvelle, tant par le texte que par les images, l'élaboration du portrait féminin.

LE CORRIGÉ

I - L'ANALYSE DU SUJET

Il s'agit de mesurer le caractère novateur de l'œuvre de Breton en ce qui concerne l'un des topoï de la littérature : le portrait féminin.
On pourra partir du refus revendiqué par Breton de satisfaire aux expériences traditionnelles de la description. Pourtant Nadja livre des portraits de femmes, essentiellement celui de son héroïne éponyme, mais aussi celui du personnage anonyme à qui la fin du récit est consacrée. On appréciera alors la richesse et l'originalité de l'élaboration du portrait produite par l'entrée en résonance du texte et de l'image.

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

Le sujet ne doit pas surprendre le candidat qui a nécessairement travaillé sur la figure de Nadja, l'originalité de l'écriture surréaliste et l'apport des illustrations.
La difficulté consiste cependant dans l'appréciation du caractère novateur du portrait féminin. Le verbe "renouveler" suppose en effet la connaissance des formes plus traditionnelles du portrait dans la littérature.

III - UN TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET

La princesse de Clèves, Eugénie Grandet, Madame Bovary, La littérature est riche en portraits féminins. Celui de Nadja, et ceux, à peine esquissés, des quelques femmes évoquées dans le récit, apparaissent, en regard, aussi "anti-littéraires" que le souhaite André Breton dans l'Avant-Dire de 1962. En quoi consiste leur originalité?

L'objectif de l'écrivain, à première lecture n'est pas d'établir une galerie de portraits féminins. L'acte d'écrire est "mis au rang des vanités " l'auteur souhaite adopter le ton de "l'observation médicale", sans "le moindre apprêt quant au style". Il répète son mépris des descriptions, déjà longuement claironné dans le Manifeste du Surréalisme de 1924. De même, l'analyse psychologique ne l'intéresse pas. Et si l'on cherche les critères chers aux écrivains réalistes dans l'élaboration de leurs portraits, on ne trouvera ni état civil, ni peinture physique, ni qualifications morales dans Nadja. Ni "la dame au gant bleu", ni "toi", ne sont nommées et seuls les biographes nous permettent d'identifier Lise Meyer et Suzanne Musard. Peu d'éléments concernant Nadja nous sont livrés : Quelques mots sur ses parents, son passé, une allusion à sa fille, l'évocation de son internement. Son véritable nom reste une initiale "Mademoiselle D...". Son vrai prénom, le "L" de son premier dessin. La seule photographie, qui consiste dans la quadruple image de "ses yeux de fougère", ne donne qu'un aperçu du personnage.

Pourtant Nadja est une héroïne éponyme, dont la rencontre occupe tout le centre du texte, et au fil des rendez-vous avec elle, Breton permet d'en dresser un portrait. Ses cheveux d'avoine, son sourire imperceptible, ses très jolies dents, l'étonnant maquillage de ses yeux, sa démarche si frêle qu'elle semble se poser à peine en marchant, sont tour à tour évoqués. On imagine son regard comme celui de l'actrice Blanche Derval, ou de la voyante Madame Sacco, dont les photographies nous sont fournies. Elle-même se représente sur ses dessins, en sirène, en silhouette cernée d'un point d'interrogation, s'identifie à Mélusine. Le récit des rencontres permet aussi d'élaborer son portrait moral, même s'il reste énigmatique et double, "âme errante", "génie libre", exceptionnelle et misérable. D'autres figures féminines apparaissent dans le texte, le personnage de Solange, dans Les Détraquées de Palau, l'actrice Blanche Derval, la voyante Madame Sacco, "la Dame au gant bleu", "toi"...ce ne sont que des silhouettes, non de véritables portraits, mais elles contribuent à constituer une esthétique du portrait féminin. Un détail - des yeux, un voile, un gant, un bas - comme dans la peinture surréaliste, symbolise la femme.

L'originalité de la peinture de la femme dans Nadja consiste essentiellement dans l'interaction, les résonances entre les images et le texte. L'étrangeté du regard de Nadja, "le bord des yeux si noir pour une blonde", assez longuement décrit dans le texte prend son sens au regard des portraits photographiques de Blanche Derval par Henri Manuel, de Madame Sacco et le montage des "yeux de fougère" orchestré par André Breton. L'image s'ajoute au texte, le visible au lisible. Aucune évocation par contre, ni par le texte ni par l'image, ne permet de nous représenter Suzanne Musard, cette femme non nommée qui donne son sens au récit. Mais Breton ne renouvelle-t-il pas ici le portrait féminin en lui conservant tout son mystère ? Il lui rend un hommage lyrique en un étonnant hymne à l'amour, ponctué par l'anaphore des "toi", et nous permet d'imaginer sa main levée vers "les aubes", mais surtout de mesurer le bouleversement qu'elle a apporté dans sa vie : "Toi qui, pour tous ceux qui m'écoutent, ne dois pas être une entité mais une Femme, toi qui n'es rien tant qu'une femme, malgré tout ce qui m'en a imposé et m'en impose en toi pour que tu sois la chimère".

C'est peut être par sa désinvolture vis-à-vis du traitement traditionnel du portrait, par son refus de tout réalisme et, par là même, la poésie des images picturales, photographiques et verbales, que l'on peut dire qu'André Breton, comme Eluard, Aragon, Magritte, Masson, Dali, a magnifiquement renouvelé la peinture de la femme.

IV - LES ERREURS A EVITER

  • Présenter sous forme d'inventaire ou de catalogue les figures féminines évoquées dans Nadja.
  • Décrire les personnages féminins au lieu d'analyser l'art du portrait et les procédés mis à son service.
  • Séparer artificiellement le texte et les images.
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