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Annales gratuites Bac L : Le récit du quotidien

Le sujet  2004 - Bac L - Littérature - Question Imprimer le sujet
LE SUJET

A la lumière de votre lecture de Nadja d'André Breton, vous vous demanderez quel rôle joue le récit des petits événements du quotidien dans l'œuvre.

LE CORRIGÉ

I - L'ANALYSE DU SUJET

Le sujet conduit à s'interroger sur l'importance accordée aux menus faits de la vie de tous les jours dans le récit d'André Breton.
Elle peut sembler paradoxale dans un texte qui dénonce les romans réalistes et fait l'apologie du Merveilleux.
Il convient donc de montrer que les petits événements du quotidien ne sont insignifiants qu'en apparence, et qu'ils apparaissent comme des signaux chargés du sens même de l'existence, preuve que "l'au-delà, tout l'au-delà [est] dans cette vie".

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

Ce sujet demande une connaissance très précise du texte mais surtout une aptitude à saisir les objectifs, apparemment contradictoires, des surréalistes : dénoncer le réalisme et pourtant consacrer une partie importante du récit à la narration du quotidien dans ce qu'il a de plus anecdotique ; refuser d'accréditer l'existence d'un monde supérieur et cependant chercher l'au-delà dans cette vie.
Il peut être difficile au candidat de comprendre et de faire comprendre que ce qui paraît insignifiant est justement l'essentiel.

III - UN TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET

Nadja met en scène la rencontre de l'écrivain surréaliste André Breton avec une femme qu'il présente comme exceptionnelle, et s'achève sur un hymne à l'amour fou. Pourtant l'Avant-Dire de 1962 rappelle la volonté de relater au jour le jour et d'une façon aussi impersonnelle que possible les menus événements de la vie quotidienne.
Quel rôle en joue le récit dans l'œuvre ?

Les anecdotes de la vie de tous les jours peuvent sembler bien secondaires dans le texte. Il ne s'agit pas ici, comme chez Balzac ou Zola, de produire des effets de réel et Breton montre le plus grand mépris pour les "livres ridicules", "les pièces insultantes", engendré par l'attitude réaliste "faite de médiocrité, de haine et de plate suffisance". Encadrée par un long prologue et un épilogue saisissant, la rencontre avec Nadja est mise en scène comme une aventure extraordinaire. L'explosion métaphorique de la tour du manoir d'Auge, en une pluie de plume et de sang en souligne l'importance. Breton s'interroge longuement sur ces quelques jours exceptionnels passés auprès de la jeune femme : "Sous quelle latitude pouvions-nous bien être ?". "Nous fûmes, ajoute-t-il, projetés ensemble, une fois pour toutes, si loin de la terre, dans les courts intervalles que nous laissait notre merveilleuse stupeur". Enfin la découverte de l'amour avec la femme anonyme auquel s'adresse l'épilogue apparaît comme un événement qui a bouleversé le quotidien de l'écrivain, une rencontre avec la chimère, prévue "de toute éternité".

Le récit des petits événements du quotidien répond pourtant à l'exigence de transparence de Breton, la volonté de hâter une "maison de verre" où l'on peut le voir à toute heure. Relater au jour le jour les anecdotes apparemment insignifiantes de la vie satisfait son souci de présenter un document pris sur le vif et de ne rien cacher de lui-même. Selon lui, il serait souhaitable que les critiques littéraires s'intéressent aux "menus faits de la vie courante", domaine où des personnalités aussi célèbres que Victor Hugo, Flaubert, Chirico s'expriment "en toute indépendance". La remarque de Victor Hugo à Juliette Drouet, refaisant pour la millième fois la même promenade, sur les portes d'une propriété entrevue, lui semble tout aussi révélatrice que l'étude de toute son œuvre. De même, Breton ponctue son récit de petits faits apparemment insignifiants : récit d'un rêve, visite au marché aux puces de Saint-Ouen, déambulation dans les rues de Paris... Il s'attarde, dans le journal consacré aux neuf jours passés près de Nadja, sur leurs rendez-vous dans les cafés, l'attitude d'un garçon de restaurant, les réactions anodines ou plus étonnantes de la jeune femme...

Pourquoi le quotidien prend-il cette importance dans le récit ? Il ne s'agit pas seulement pour Breton de tout dire, ou de montrer la vérité pour de menus faits significatifs qui créditeraient par ailleurs l'aventure exceptionnelle qui l'a mené de Nadja à "toi" (Suzanne Musard) et lui a révélé le sens de l'amour, la vraie vie. Pour lui, ces anecdotes qui semblent insignifiantes sont en réalité des "signaux" permettant d'établir des analogies, de saisir de "pétrifiantes coïncidences". Et le surréaliste se doit de savoir les lire. Car les menus événements s'articulent les uns aux autres "d'une manière déterminée", et permettent de découvrir la merveille. C'est en cela que Nadja, spontanément, naturellement, est un être surréaliste. Tout est signe pour elle. Son pouvoir de voyance s'exerce au-delà des choses : regarder la Seine, deviner la pièce d'une tour du château de Saint-Germain, interpréter un dessin, poinçonner un ticket de métro, tous ces actes de la vie quotidienne prennent tour à tour une signification merveilleuse et magique.

Ainsi dans une œuvre qui se veut la réponse à la question liminaire "qui suis-je ?", le récit de petits événements de la vie quotidienne joue un rôle exemplaire : révélation de l'identité, découverte du surréel présent dans cette vie dont il faut savoir déchiffrer le "cryptogramme".

IV - LES ERREURS A EVITER

  • Se perdre dans la multiplicité des événements du quotidien relatés par le texte.
  • Raconter sans analyser.
  • Confondre récit des petits événements du quotidien et écriture réaliste.
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