Annales gratuites Bac L : Le village de Donnafugata

Quel rôle joue le village de Donnafugata dans Le Guépard de Lampedusa ? (8 points)

I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET

II - LES DIFFERENTS TYPES DE PLANS POSSIBLES

Par un plan thématique :

1. un lieu de villégiature
2. un havre de paix ?
3. ou au contraire un tombeau ?

III - LES PISTES DE REPONSES

Le plan choisi, et qui nous a semblé le plus simple, est de type thématique mais dont les deux dernières parties s'articulent de manière problématique. Il consiste à montrer les différentes facettes du lieu à étudier qui sont autant de rôles. 

1. un lieu de villégiature 
2. un havre de paix ? 
3. ou au contraire un tombeau ? 

Première partie

La famille Salina se rend tous les étés à Donnafugata. Le village et surtout le palais qu'il abrite, sont donc liés à un rituel que la deuxième partie ne manque pas de présenter : "le séjour à Donnafugata constituait une période de repos : les tracas déposaient leurs fusils". Elle prolonge en cela la première partie qui a décrit au lecteur la vie quotidienne de la famille lorsqu'elle réside à Palerme. 

Cet épisode à Donnafugata qui occupe les parties 2 à 4 permet de présenter le mode de vie de la noblesse palermitaine en vacances. Ainsi, le lecteur suit la caravane de voitures pendant le voyage, puis assiste à l'accueil officiel, prend part enfin aux activités des membres de la famille (le dîner qui réunit la famille et les notables, la visite au monastère, les chasses du Prince qui retrouve son garde-chasse et ses chiens…). En ce sens, Lampedusa livre sur un mode presque anecdotique (on pense aux textes qu'il a rédigé sur son enfance) la vie des Salina. 

Transition

Toutefois, les parties centrales de l'œuvre ne se limitent pas à cette lecture. En effet, les circonstances du séjour sont bien différentes en cet été 1860. La famille fuit en réalité les événements politiques qui bouleversent alors la Sicile et, cherche à renouer avec la nostalgie de temps révolus. 

Deuxième partie

Donnafugata peut passer dans le roman pour un lieu idéal : palais, vergers, forêts propices à la chasse, jardins, tout concourt à en faire un Eden retrouvé pour les Salina, dans l'espace et dans le temps. 

Pourtant, les trois parties qui se situent à Donnafugata s'inscrivent dans la recherche d'une sérénité que la réalité historique ne cesse de nier : pendant le voyage, la famille est soumise à un contrôle opéré par les révolutionnaires ; le Prince note qu'un guépard ornant un bâtiment a été écorné par une pierre ; Don Calogero se présente en frac au dîner… autant de micro-actions qui annoncent que rien n'est plus comme avant. 

De fait, l'autorité du Prince semble tout autant altérée dans ce lieu rural où il est apprécié qu'à Palerme. Il ressent très nettement l'influence grandissante de Don Calogero au sein de la communauté, il est contrarié par les projets de mariage de Concetta dès son arrivée, Don Tumeo l'oblige à se justifier sur le plan politique… 

La troisième partie est centrée sur les amours naissantes de Tancredi et Angelica. En cela, la fougue des personnages pourrait constituer un renouveau, une étincelle susceptible de préserver la famille Salina de la déchéance. Pourtant leur amour plonge le Prince dans la crainte et le regret.

Transition

Loin d'offrir à la famille le repos habituel, Donnafugata devient le lieu dans lequel Lampedusa continue d'annoncer au lecteur attentif la fin imminente de l'aristocratie sicilienne. 

Troisième partie

Retranché du théâtre des événements politiques, le Prince ne peut néanmoins se prémunir contre les signes avant-coureurs de la fin de son monde, qui envahissent et perturbent son séjour à Donnafugata. 

Ainsi, il ne peut s'empêcher de repenser pendant qu'il chasse (son activité favorite) aux troubles politiques récents : l'analepse (retour en arrière) qui suit permet à Lampedusa d'insérer le récit historique, notamment l'épisode du referendum. Ainsi, le lecteur comprend que pour le Prince, il est déjà trop tard. Il n'a pas su mesurer l'importance de la révolution qui a lieu. Et sa famille ainsi que sa caste vont devoir disparaître. De même, c'est à Donnafugata que l'émissaire du nouveau gouvernement vient proposer au Prince un emploi, troublant ainsi sa retraite et l'obligeant à se justifier. 

Le palais lui-même représente matériellement cette idée : l'anecdote du verre de rossolis "laissé à moitié plein au moment d'un départ et retrouvé un an plus tard à la même place" est emblématique d'une suspension du temps qui va figer la famille dans le délabrement qui la frappe. Ainsi, les pièces poussiéreuses et à l'abandon traversées par Tancredi et Angelica sont-elles une image concrète de la fin d'une époque. 

Conclusion

Loin de représenter un havre de paix pour la famille Salina, le village de Donnafugata peint en creux tous les signes de la révolution politique et sociale qui s'opère à l'insu des nobles. 

L'ironie du roman tient dans ce décalage subtil entre les représentations de la famille Salina et la réalité qui les rattrape, incarnée par don Calogero et sa fille. 

Visconti ne s'y est pas trompé : lorsque ces personnages arrivent dans l'église de Donnafugata et prennent place, couverts de poussière, sur leur banc, ils ressemblent déjà à des statues funèbres. 

IV - LES FAUSSES PISTES

Il ne fallait pas : 
– raconter l'histoire qui se situe à Donnafugata.
– oublier de rattacher les épisodes à l'ensemble de l'œuvre.