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Annales gratuites Bac L : Les personnages féminins

Le sujet  2005 - Bac L - Littérature - Question Imprimer le sujet
LE SUJET


Les personnages féminins du Procès de Kafka vous semblent-ils modifiés ou non par leur traitement cinématographique dans Le Procès de Welles ?
 

LE CORRIGÉ


I - L'ANALYSE DU SUJET

Le sujet suppose qu'on réfléchisse sur les aspects importants des personnages féminins et de voir si le film les modifie sensiblement. Il faut bien sûr faire la part entre les réactions personnelles (on est parfois déçu de voir gommé tel ou tel aspect d'un personnage) et des observations plus objectives. Il convient aussi de se rappeler que le cinéaste est un créateur à part entière et qu'il cherche à traduire de façon personnelle sa conception d'une œuvre littéraire.

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

C'est un sujet qui peut s'avérer dangereux si l'on ne se fonde pas sur des observations précises. Mais c'est aussi un sujet fondamental qui permettra à la fois de mettre en valeur l'importance capitale des femmes et du thème du désir dans le roman de Kafka et de parler, avec peut-être quelques appréciations personnelles, du travail d'Orson Welles à la fois original et respectueux de son modèle.

III - UN TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET

Les personnages féminins sont incontestablement très présents dans Le Procès. C'est un des reproches que le prêtre adresse à K. dans l'avant-dernier chapitre : il compte trop sur l'aide des femmes. Les personnages féminins sont du reste extrêmement ambigus, puisqu'ils renvoient à la fois au désir érotique et à la justice et se situent donc à la croisée de deux thématiques majeures du roman. Dans le film, leur importance n'est pas moindre. Mais l'incarnation des personnages par des comédiennes de très grand talent et de forte personnalité peut modifier la vision qu'on en prend à partir du texte. Il sera peut-être intéressant de montrer sur quels aspects des personnages féminins Welles a décidé de porter l'accent.

Comme dans toute adaptation cinématographique, le choix des actrices transforme la vision des figures féminines qu'offre le roman.
L'absence de portrait dans le roman permet une certaine liberté à Welles quant à la distribution féminine des rôles.

Les personnages de Kafka sont des silhouettes caractérisées souvent par un détail unique (le géant roux, l'étudiant aux jambes arquées...) Il en est de même pour les femmes qui ne sont pas décrites. Le seul portrait très légèrement développé est celui de Léni : visage rond et front bombé. Et il faut bien dire que cette beauté un peu poupine du personnage est incarnée à merveille par Romy Schneider. On doit néanmoins souligner les modifications apportées par Welles : Jeanne Moreau incarne une femme lascive et plutôt aguicheuse; Madame Grubach est tout autant maternelle que secrètement attirée par K. ; Melle Montag est l'objet d'une radicalisation : sa boiterie devient une infirmité plus lourde. L'actrice se déplace à l'aide d'une jambe articulée dont le bruit métallique est strident à l'oreille. Son cas est d'autant plus intéressant qu'il donne lieu à l'invention totale d'une scène nocturne où Melle Montag déplace l'énorme valise de Melle Bürstner. Il y a beaucoup de souffrance dans ce personnage réinventé par Welles, comme s'il s'agissait, par elle, de mettre dans le film l'empreinte de la mort à venir.

L'importance des personnages féminins est analogue dans le roman et dans le film.
Dans le roman de Kafka, chaque étape du procès de Joseph K. donne lieu au surgissement d'une figure féminine :
l'arrivée de Melle Bürstner et l'épisode du baiser dérobé surviennent après la scène dite de l'arrestation. Lorsque K. se rend avec son oncle chez l'avocat, c'est à Léni qu'il s'intéressera. La première audience du tribunal sera interrompue par les ébats de l'étudiant en droit et de la femme de l'huissier qui attirera également Joseph K. dans un autre chapitre... On voit bien que l'énergie, qui devrait être investie dans le procès, est chaque fois détournée en direction du plaisir érotique. On sait aussi que K. plaît aux femmes: l'avocat indique que Léni est attirée par les justiciables.

Le film met l'accent sur la dimension érotique du personnage de Joseph K. et son désir des femmes. On peut considérer que Welles s'empare d'une thématique qui est présente dans le film et l'accentue, qu'il révèle davantage ce que le texte laisse suggérer. C'est très visible dès le début du film : Joseph K. est surpris dans son sommeil, en train de rêver. Au-dessus de son lit, un tableau représentant une scène amoureuse. Les premières paroles qu'il prononce, alors que l'inspecteur surgit depuis la chambre de Melle Bürstner, désignent précisément la jeune femme et trahissent son désir profond. Du reste, les scènes où K. est confronté à Melle Bürstner, à Léni, à la femme de l'huissier sont d'un érotisme plus net dans le film : Jeanne Moreau attire Antony Perkins à elle, modifiant ainsi le contenu du roman où Melle Bürtsner se refuse à K. Les yeux des petites filles dans la scène presque fantastique de l'atelier de Titorelli sont l'objet d'une fascination érotique et d'un éclatement vertigineux du désir de K. qui culmine dans la course-poursuite quasi dionysiaque des jeunes filles. Les allusions du directeur au goût de K. pour sa cousine de 15 ans (quand elle en a 18 dans le roman), la radicalisation de l'homosexualité du peintre Titorelli, le regard insistant de Madame Grubach ainsi que son intérêt pour la situation de son pensionnaire préféré, tout concourt à faire de K. un objet de convoitise. Les femmes, dans le film de Welles semblent dire clairement ce que le personnage du roman ne s'avouait qu'à demi.

Welles respecte la complexité des figures féminines. Il les place en effet, comme Kafka, dans un rapport privilégié à la justice. Mais il rend plus nette la confusion ou l'imbrication entre la justice et le désir. Ainsi, Léni et K. font l'amour sur un lit de paperasses constituées par les dossiers des justiciables; à l'arrière plan, le portrait du juge est renversé. Les petites filles qui surveillent le coupable de toute la puissance de leur regard et dont Titorelli rappelle qu'elles appartiennent à la justice, sont ensuite présentées dans la frénésie de leur désir, sur un rythme haletant de jazz.

On peut penser que cette vision des personnages féminins et cette insistance sur les liens entre l'érotisme et la justice est une façon pour Welles de dénoncer l'interdit qui pèse sur le désir. De la même façon qu'il dénonce une société oppressante par la puissance de sa mystérieuse organisation judiciaire, Welles dénonce la suspicion portée sur les rapports amoureux. Il faut encore une fois évoquer le début du film : la première parole de l'inspecteur venu arrêter K. porte sur l'intérêt anormal, à ses yeux, du personnage principal pour Melle Bürstner.
Du roman au film, on constate que Welles met en valeur certains aspects traités plus discrètement par Kafka. Il faut de toute façon reconnaître au cinéaste la liberté de créer une œuvre personnelle quand bien même il prend son point de départ dans le texte romanesque. On constate surtout que les personnages féminins sont utilisés pour accentuer un axe important du film : la volonté de libérer l'individu de l'emprise totalitaire et des interdits qui pèsent sur le désir. Dans sa terrifiante aventure, le personnage joué par Perkins se révèle à lui-même grâce aux femmes.

IV - LES ERREURS A EVITER

Il fallait éviter :

  • de faire un simple catalogue des personnages féminins,
  • d'oublier qu'il est possible de dire autrement les choses au cinéma,
  • de faire un procès d'intention à elles sur la valeur de son adaptation.
     
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