Le sujet 2010 - Bac L - Littérature - Question |
Avis du professeur :
La question concerne une des notions fondamentales des Pensées. Il s'agit de mettre en lumière son importance et son rôle central dans les liasses au programme. Sujet extrêmement classique et prévisible. Le divertissement, qui donne son titre à la dernière section au programme, est au coeur de plusieurs fragments... et a assuré le succès de notre auteur. |
Pourquoi peut-on dire que le divertissement revêt une importance particulière dans les liasses des Pensées qui figurent à votre programme ?
Sujet |
Contraintes |
Pourquoi peut-on dire que le divertissement... |
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...revêt une importance particulière dans les liasses des Pensées qui figurent à votre programme ? |
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Un plan « entonnoir » :
1) Le divertissement par rapport aux autres questions : une notion centrale au regard des autres questions dans les liasses au programme ;
2) Le divertissement en tant que tel : grandeur et misère
de l’homme.
Le plan choisi, et qui nous a semblé le plus simple, consiste à montrer que :
1) Le divertissement intéresse Pascal dès l'ouverture de son œuvre et entretient des relations avec les autres questions qu'il aborde ;
2) Le divertissement est une notion qui illustre la question de
la grandeur et de la misère de l'homme telle qu'elle est
interrogée par Pascal dans les Pensées.
Le thème du « divertissement » embrasse l'ensemble des liasses : dès le fragment 33, dans la liasse II « Vanité », est lancée la question du « divertissement » développée dans la liasse VIII. Pascal pose donc l'un des jalons de son projet dès l'ouverture.
Entre les deux, Pascal ne cesse de revenir implicitement ou indirectement sur cette question puisqu'il donne à plusieurs reprises des exemples qui relèvent pour lui du divertissement en tant que ce terme caractérise tout ce qui est de l'ordre du profane : exercice de rhétorique religieuse qui s'apparente à un spectacle dans le fragment 41, « talon bien tourné » du courtisan qui détourne la question de la grandeur morale pour lui substituer un signe extérieur de grandeur physique ou sociale.
Surtout, le divertissement illustre la réflexion de Pascal sur
les pouvoirs de l'imagination qui occupe l'essentiel des premières
liasses. « Vanité », « Misère »,
« Ennui », « Grandeur »
et « Contrariétés », ces titres
donnés aux liasses des Pensées entrent tous en
résonance avec les vastes développements qui composent
la liasse « Divertissement » puisqu'ils
constituent les fondements de la société humaine dont
Pascal entend dénoncer les illusions.
En fait, ce terme permet d'interroger le lecteur sur ce qui le détourne. Mais de quoi ?
Le divertissement permet à Pascal de montrer que l'homme cherche à fuir sa condition. C'est précisément sur cette aptitude à fuir son impuissance et sa condition mortelle que l'auteur veut porter notre attention.
Ainsi il énumère dans le fragment 126 « tout ce que les hommes ont pu inventer pour se rendre heureux » : la cour, la guerre, les passions, le jeu, la chasse, ce qui s’apparente au sens premier du mot « divertissement ». En ce sens, l'homme peut être considéré comme habile puisqu'il se rend capable de vivre en dépit de sa condition de mortel.
Pour asseoir son argumentation morale, Pascal choisit l'exemple éclairant du roi, « le plus beau poste du monde », afin d'impressionner vivement l'esprit du lecteur. Dans ce but, il en fait « un homme plein de misères » dès lors qu'il est privé de divertissement dans le fragment 127. Le portrait pathétique de cette figure qui allie splendeur sociale et misère morale et ontologique souligne que l'homme, tout grand qu'il est, ne peut échapper à sa condition que par l'ignorance de sa petitesse.
Cela revient à dire que Pascal ne critique pas tout à fait le divertissement : il peut paraître nécessaire puisqu'il permet au roi par exemple de gouverner son état sans être constamment diverti de ses responsabilités par la conscience de sa vanité. D'ailleurs, parmi les opinions saines du peuple que Pascal évoque dans le fragment 93 figure en première position « d'avoir choisi le divertissement, et la chasse plutôt que la prise ».
Toutefois, l'éloge du divertissement n'est pas tenable pour autant dans une Apologie de la religion chrétienne puisqu'il reviendrait à gommer la question morale et éloignerait de la pensée de la mort.
Le divertissement est le lieu le plus explicite de l'œuvre de
Pascal où la tension entre la grandeur de l'homme (en tant
qu'il cherche à se libérer de sa condition) et sa
misère (il est le jouet des illusions qu'il se fabrique) est
exposée.
Il ne fallait pas se contenter de définir le divertissement au sens pascalien mais mettre en perspective cette notion avec les problématiques majeures de l'œuvre.