Le palmarès des collèges 2018
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Le coin des experts : quelle valeur peut-on encore accorder au brevet ?

Avec des taux de réussite et de mention toujours plus élevés, portés par des épreuves toujours plus simples et des pratiques de correction toujours plus indulgentes, quelle valeur peut-on encore accorder au DNB ? Que traduit-il du niveau scolaire attendu, des ambitions pédagogiques et de notre système éducatif ? Réponses avec des experts du monde éducatif.


« On préfère niveler par le bas pour que tout le monde soit content »

 

Le brevet, examen de fin de troisième, est censé attester de la maîtrise du socle de connaissances et de compétences, dont la nouvelle version entrera en vigueur à la rentrée 2016. Mais comme le démontre notre enquête, ce but est mis à mal par les critiques du corps enseignant sur le contenu des épreuves et l’évaluation trop « bienveillante » du diplôme. Un phénomène qui ne date pas d’hier…

Pour Nicole Ferrier-Caverivière, ancienne Inspectrice générale de l’Education nationale, « les résultats du brevet prouvent que l’on a abaissé le niveau d’exigence, on ne pousse pas les élèves au-delà de ce qu’ils sont, on ne les porte pas jusqu’aux limites de ce qu’ils peuvent faire (…). On préfère niveler par le bas pour que tout le monde soit content ». Cette « égalité formelle » plane dans le système éducatif depuis bien longtemps. « Elle a pour conséquence d’accentuer l’inégalité réelle », estime cette agrégée de lettres modernes.

 

 

Il faut rendre le brevet plus sélectif

 

L’argument est partagé par Alain Morvan, ancien recteur et militant acharné contre la réforme du collège. « Arrêtons de faire de la bienveillance un objectif pédagogique ! (…) Il faut inciter les enfants à faire le plus d’efforts possibles (…) Et ce n’est pas en leur donnant des notes et des mentions qui ne correspondent pas à leurs efforts qu’on y arrivera ». La solution ? Rendre le brevet plus sélectif, préconisent Nicole Ferrier-Caverivière et Alain Morvan. « Pour qu’il serve de point de repère dans le parcours de l’élève » argumente la première. « Ceux qui auront réussi l’examen, auront conquis quelque chose qui a du sens » renchérit le second.

 

 

Quid des candidats qui n’obtiennent pas le DNB ?

 

« En quoi un brevet sélectif changerait la situation sinon pour dégrader plus encore celle des élèves les plus faibles ? » s’interroge le sociologue François Dubet, rappelant au passage que « jamais les écarts entre les élèves n’ont été aussi importants, jamais l’école n’a été aussi hiérarchisée. Et ça fait 20 ans que ça dure ! ». Ce professeur à l’Université de Bordeaux et directeur d’études à l’EHESS à Paris, serait plutôt partisan d’un brevet très « allégé », la sélection devant intervenir au moment de l’orientation arrêtée sur dossier scolaire par le conseil de classe. Ce qui est déjà le cas aujourd’hui.

 

 

Des élèves contents d’avoir le brevet

 

Pour Mara Goyet, écrivain et professeur d’histoire-géo dans un collège, ces polémiques n’ont pas lieu d’être. « Avant de critiquer le brevet, sa facilité, son côté "pochette surprise", il faut tout d’abord penser à ceux qui ne l’obtiennent pas et à ceux qui sont contents de l’obtenir. Par égard pour eux, cessons de dire que le brevet est "donné" ». Pour cette auteure d’un blog très suivi sur LeMonde.fr et membre pendant 5 ans de l’ancêtre de France Stratégie, un organisme de réflexion et d’expertise placé auprès du Premier ministre, le brevet est un « bon indicateur » dont le collège doit tenir compte pour vérifier combien d’élèves en fin de cursus sont « perdus ». Et de souligner le « rôle important » de ce diplôme dans l’esprit des élèves, des professeurs et des… parents.